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il devait nécessairement conserver une force publique extérieure dans la profession épiscopale et sacerdotale; Calvin ne pouvait conserver aucune force publique, extérieure et visible, puisqu'il abolissait tout pouvoir général extérieur. Il ne fallait pas de prêtres dans une religion qui n'avait pas de Dieu, comme il ne faut pas de noblesse dans un Etat qui n'a pas de roi.

2o Le lutheranisme ou la réforme en général n'a pas d'autorité ecclésiastique ou de prééminences extérieures, c'est-à-dire qu'elle n'est épiscopale qu'en Suède, en Danemark, en Angleterre, où elle se rapproche de la constitution monarchique; et c'est une nouvelle et forte preuve de la tendance qu'a la religion à se constituer comme le gouvernement. Dans les autres Etats qui ont embrassé la réforme de Luther, le lutheranisme ne connaît d'autre prééminence extérieure que celle des superintendants, qui, étant pasteurs d'une église particulière, sont des doyens et non des évêques, et sont distingués de leurs confrères par des fonctions plus générales, sans leur être supérieurs par une dignité plus éminente.

Tantôt la révolution politique se fit sur le plan de la révolu→ tion religieuse, comme dans les Provinces-Unies et à Genève, où le calvinisme précéda la forme de république qu'elles ont aujourd'hui; tantôt la révolution religieuse se fit sur le plan de l'état politique, comme en Suisse, où la réforme politique avait précédé la réforme religieuse nouvelle preuve de l'attraction mutuelle qu'exercent l'un sur l'autre le calvinisme et la démocratie, une société politique sans pouvoir général ou sans monarque, et une société religieuse sans pouvoir général ou sans Dieu.

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Les seules monarchies dans lesquelles le calvinisme à sa naissance eut des partisans déclarés, sont la France et la Navarre (qu'on pût regarder, même alors, comme une seule monarchie) et certainement il y avait d'autres sectateurs que des bourgeois obscurs; puisqu'il comptait au nombre de ses prosélytes un roi, des reines, des princes du sang, la plus haute noblesse, des magistrats, etc.

CHAPITRE II.

Effet de l'analogie qu'ont entre elles les sociétés religieuses
et les sociétés politiques.

Si chaque religion ou secte différente de religion correspond à une forme particulière de gouvernement, il est évident que, dans chaque société, le gouvernement doit faire un secret effort pour établir la religion qui a le plus d'analogie avec ses principes, ou la religion tendre à établir le gouvernement qui lui correspond; parce que la société civile, étant la réunion de la société religieuse et de la société politique, ne peut, ce semble, être tranquille que lorsqu'il règne un parfait équilibre entre les deux parties qui la composent. Cet effet peut n'être pas sensible, au moins de longtemps, dans les sociétés politiques non constituées qui n'existent pas par elles-mêmes, et qui dépendent de fait ou de droit de quelque autre société ; mais il sera aisément remarqué dans les sociétés plus constituées, et qui ont en elles-mêmes le principe de leur existence.

Il n'y a, pour s'en convaincre, qu'à ouvrir l'histoire et regarder autour de soi. Les Etats du Nord, qui formaient une confédération aristocratique; la Bohême, la Pologne, où le pouvoir général n'était pas constitué, puisqu'il y était électif, adoptèrent une religion où le pouvoir général n'était pas constitué; puisque, ainsi que je l'ai remarqué, le lutheranisme n'admet qu'instantanément la présence réelle de l'homme-Dieu. Non-seulement la société politique n'était pas constituée en Allemagne, mais la société religieuse ou la religion chrétienne n'y avait jamais été parfaitement constituée, puisque le corps épiscopal, premier grade de la force publique conservatrice de

la société religieuse, dépositaire de l'enseignement de la doctrine, y était et y est encore détourné de son véritable objet, et qu'il était pouvoir de la société politique, soit dans les sociétés partielles où les évêques sont souverains, soit dans la société ou confédération générale, représentée à la diète, où le clergé est pouvoir, comme les autres princes. Or, là où le clergé est pouvoir de la société politique, il ne peut être force publique conservatrice de la société religieuse. Et cela est si vrai, que les évêques, en Allemagne, ne peuvent exercer dans leurs diocèses les fonctions spirituelles ou épiscopales, et sont obligés d'avoir des suffragants. Mais une société religieuse sans force publique conservatrice, ou dont la force publique ne peut pas remplir ses fonctions, ne saurait se conserver. La doctrine de Luther se propagea donc avec plus de facilité dans l'Allemagne aristocratique, et elle en devint plus aristocratique. La guerre de trente ans, allumée par des motifs de religion, se termina par un traité qu'on peut regarder comme la constitution de l'aristocratie germanique; parce que, dans ce traité, les droits des membres de la confédération et l'exercice des divers pouvoirs qui la composent, furent définis et garantis. La religion avait agi sur le gouvernement; le gouvernement, à son tour, a réagi sur la religion. A mesure que le gouvernement s'est écarté de l'unité monarchique, la religion catholique s'est écartée de l'unité religieuse. C'est au sein de l'Allemagne catholique, que de nos jours on a demandé dans un ouvrage célèbre : Quid est Papa (1)? et le respect pour le saint-siége s'y est extrêmement affaibli. L'observateur remarque, dans le clergé catholique de plusieurs parties de l'Allemagne, un secret penchant pour les dogmes ou la discipline des églises réformées : penchant qui se trahit par l'admiration servile que le plus grand nombre de ses membres manifeste hautement pour les écrits, les discours des ministres réformés dont ils cherchent à imiter

(1) On assure que l'auteur de cet ouvrage est un évèque suffragant. [Eybel, qui l'a composé, était professeur du droit canon à Vienne, sous Joseph II. Note de l'éditeur.]

jusqu'au débit extérieur, par l'altération de la discipline et l'excessif relâchement de la loi de l'abstinence (1), de celle des habits ecclésiastiques, l'introduction dans les églises du chant en langue vulgaire, et surtout par l'improbation que, dans plusieurs lieux, le clergé d'Allemagne a donnée au refus fait par celui de France, d'adhérer aux lois qui lui donnaient une constitution civile. Je vais plus loin; et fondé sur mes principes, j'ose assurer que, si la société politique germanique ne se constitue pas, la société religieuse s'éloignera toujours davantage de sa constitution naturelle, c'est-à-dire, de la religion catholique. Mais la société politique tend à se constituer. Déjà l'on voit chanceler cet antique édifice de la confédération germanique; le clergé, la noblesse, y seront ramenés tôt ou tard à leur destination naturelle de force publique conservatrice de la société religieuse et de la société politique; les pouvoirs politiques se constitueront, c'est-à-dire, que les monarchies s'établiront sur les ruines de l'aristocratie, et par conséquent le pouvoir religieux se constituera sur les ruines de la réforme; parce que la société religieuse, comme la société politique, tend nécessairement, infailliblement, à se

(1) Quoique la connaissance de la langue latine soit plus répandue peutêtre en Allemagne qu'elle ne l'est en France, il n'y est pas d'usage que les laïques suivent les offices de l'Eglise, et l'on ne trouve pas même chez les libraires des livres allemands ou latins pareils à ceux connus en France, sous le nom de Paroissens. En général, les laïques lisent les prières en langue vulgaire. Un de ces ouvrages assez récent et très-répandu en Allemagne est intitulé : Dieu est l'amour le plus pur. C'est un recueil de prieres sentimentale, où, dans une effusion de pur amour, l'auteur attaque le dogme des peines éternelles, et mème le précepte de la mortification chrétienne. Il fait Dieu si bon, si bon, qu'il lui ôte toute justice; il y a des litanies du genre le plus épicurien et le plus bizarre, dans lesquelles l'auteur remercie Dieu de lui avoir donné, des organes pour le plaisir, le sens agréable du toucher, la volupté du goût, le plaisir de la vie, la douceur du repos, le bien-être, etc., etc, et je crois aussi de l'avoir fait conseiller aulique.

J'ai lu un ouvrage manuscrit, intitulé De l'état de la religion en Allemagne, par un ecclésiastique d'un grand talent et très-instruit, mort depuis peu, supérieur d'une congrégation en Allemagne; on y trouve des détails aussi curieux qu'ils sont affligeants.

constituer, et que la constitution est dans la nature de la société, parce que la société elle-même est dans la nature de l'homme. On peut même prévoir que la chute de la réforme, en Allemagne, sera áccélérée par la réforme elle-même, et le résultat nécessaire des vues politiques des chefs du corps évangélique qui ne peuvent constituer leur gouvernement sans détruire leur religion. Je livre ces réflexions aux méditations les plus profondes du lecteur instruit; il les rapprochera des événements présents et de ceux qui peuvent en être la suite, des atteintes portées récemment à la constitution germanique, et des effets qu'elles peuvent avoir.

La réforme de Calvin, qui abolissait tout pouvoir général, toute autorité unique dans la société religieuse, tendit néces sairement à établir la démocratie dans les sociétés constituées où elle pénétra, en y abolissant tout pouvoir général et en y déchaînant tous les pouvoirs particuliers. Ce changement fut projeté en France que les réformés voulaient diviser en répu bliques fédératives sous le nom de cercles, subdivisés en cantons (1); il réussit à Genève, dont on se proposait de faire le moule de ces républiques. Il réussit dans les Provinces-Unies; et sans doute il eût réussi en Angleterre, sans l'opposition qu'il éprouva de la part de la religion anglicane, qui, plus constituée, puisqu'elle ne rejetait pas formellement le dogme de la présence réelle du pouvoir général de la société religieuse, et qu'elle conservait dans l'ordre épiscopal une sorte de forcé publique, quoique dépendante du pouvoir politique, lui opposa

(1) Ce projet fut arrêté à l'assemblée des calvinistes, tenue à Privas en Vivarais en 1621. Il a reparu, dans la révolution, sous le nom de fédéralisme. Plusieurs ministres réformés, membres des différentes assemblées qui ont opprimé la France, et Rabaut-Saint-Etienne, entre autres, en etaient les zélés promoteurs. La division de la France en départements devait conduire à la diviser en républiques fédératives, dont chacune eût été composée d'un nombre égal de départements. Mais l'ambition atroce et ferme de Robespierre a soufflé sur ces reves politiques de beaux esprits et de pédants. Je ne crois pas que le projet en sot abandonné; il a toujours été la chimeré du parti religionnaire, et peut-etre le vœu secret des ennemis de la France. (Voyez Hénault, à l'année 1621.)

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