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canisme et la monarchie luttent contre le presbytéranisme et la république. Les wigs et les torys désignent autant des sectes religieuses que des factions politiques. Le philosophe croyait ou disait que la religion n'entrait aujourd'hui pour rien dans le gouvernement intérieur des Etats, parce qu'elle entre pour bien peu dans la conduite de ceux qui les gouvernent. Le véritable homme d'Etat sait bien que la religion est le principe caché de tous les événements de la société, parce qu'elle est l'âme de la société. En Angleterre, où les puritains sont nombreux, on aperçoit des dispositions non équivoques à une réforme dans la représentation parlementaire, qui ne serait autre chose qu'un pas plus ou moins grand vers la démocratie, et qui, sans doute, serait le prétexte de bien d'autres demandes, l'occasion de bien d'autres réformes, et peut-être le premier coup de tocsin d'une révolution. Les anglicans défendent la constitution monarchi

les catholiques, nécessairement partisans de la monarchie, feront cause commune avec eux; cette réunion politique, à laquelle rien désormais ne pourra faire obstacle, déterminerait sans doute le gouvernement à effacer jusqu'aux dernières traces des lois rigoureuses portées contre les catholiques, s'il ne fallait accorder les mêmes faveurs aux puritains dont il redoute le fanatisme (1).

On dira peut-être que le pays de la domination anglaise le plus agité est l'Irlande où les catholiques sont le plus nombreux. Ces mouvements tiennent à l'extérieur, à la domination un peu fâcheuse que l'Angleterre, en qualité de république, exerce sur l'Irlande; car on sait qu'une république ne peut gouverner ses Etats-sujets que despotiquement. Ces troubles ont leur principe secret dans l'expropriation forcée d'un grand nombre de familles faite par Cromwell, cause nécessaire et indestructible d'agitation et d'inquiétude, juste châtiment d'un gouvernement oppresseur. Dans une société politique, une seule famille dé

(1) L'observation en a déjà été faite par Mallet du Pan, dans le Mercure de France.

T. II.

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pouillée injustement de sa propriété est un élément perpétuel de désordre, parce que la famille légitimement propriétaire est l'élément de la société politique constituée. Ces causes de trouble reçoivent en Irlande une nouvelle force du caractère guerrier de la nation et des vices de sa constitution politique; mais ils sont en contradiction formelle avec la religion catholique, qui défend également de chercher les honneurs de la société et de se révolter contre un maître même fâcheux. Ce n'est pas que les sectes réformées ne prêchent la même morale, mais elles ne donnent à l'homme aucun moyen efficace de la mettre en pratique en domptant ses passions.

Qu'il serait à désirer que la réunion religieuse des anglicans et des catholiques pût opposer un contrepoids suffisant à la secrète tendance du presbytéranisme vers le gouvernement populaire, et que dans les révolutions, que tant de causes peuvent produire en Angleterre, et dont sa constitution sera le principe, bien loin d'en être le remède, le peuple anglais pût arriver à la constitution naturelle des sociétés, sans traverser les marais fétides et sanglants de la démocratie! Mais cette réunion, que la nature et le temps amèneront, parce que la nature et le temps travaillent sans interruption à constituer la société religieuse comme la société politique, cette réunion ne peut être l'ouvrage des hommes. Les puritains, profonds dans leurs vues, indifférents sur les moyens, ont, pour la rendre impossible, enivré le peuple de leurs déclamations fougueuses contre le papisme (1); et l'inflexibilité nécessaire de la religion catholique, que les philosophes traitent d'intolérance, ne lui permet aucune variation dans ses dogmes, et ne souffre d'autres changements à sa discipline que les développements nécessaires, qu'amènent, sans les hommes ou malgré les hommes, le temps et la nature des choses.

Les législateurs modernes, qui ont aperçu cette opposition

(1) J'ignore si l'on conserve encore à Londres, l'usage, indigne d'un peuple policé, de brûler tous les ans publiquement l'effigie du pape. C'est un moyen des puritains.

secrète entre certaines religions et certains gouvernements, ou bien entre une seule religion dominante et des religions rivales, ont cru y remédier en permettant le libre exercice de tous les cultes. Ils ont fait comme des législateurs qui, pour faire cesser les factions dans un Etat, y permettraient l'exercice de tous les gouvernements. Ils n'ont pas vu que l'opposition était nécessaire entre la constitution nécessaire de la société religieuse, et les institutions religieuses absurdes, immorales, non nécessaires de l'homme comme elle l'est entre la constitution nécessaire de la société politique et les institutions politiques non nécessaires ou absurdes de l'homme. Ils n'ont pas vu que l'indifferentisme du citoyen était une suite nécessaire de l'indifférentisme du gouvernement, et que l'athéisme social devait produire l'atheisme individuel. Ils ont cru la société tranquille, lorsqu'elle était morte, et ils n'y ont pas yu d'agitation, lorsqu'il n'y a plus eu de ressort. Ce n'est plus avec des cantiques et du pathos, avec des phrases qu'on n'achève qu'avec des points, parce qu'on ne peut pas les finir autrement; ce n'est pas avec des interjections, des déclamations, des exclamations, des invocations sentimentales à l'Etre suprême, à l'Etre des êtres, au grand Etre, qu'on produit l'amour de Dieu dans la société comme ce n'est pas avec des habits bien noirs, des rabats bien empesés, des perru. ques bien poudrées, la démarche bien grave, et la voix bien mielleuse, qu'on le conserve. Il faut un sacrifice, il faut une victime, il faut des prêtres. Ce n'est pas en criant : « Seigneur, Seigneur, nous dit le pouvoir conservateur de la société religieuse, qu'on est membre de ma société et sujet de » mon royaume, mais en faisant la volonté de mon Père. »

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CHAPITRE III.

Lois religieuses des sociétés religieuses réformées.

On a vu dans le cours de cet ouvrage, que toute société existe par une volonté générale, un pouvoir général, agissant par une force générale.

On en a conclu, comme des rapports nécessaires et dérivés de la nature même de la société, 1o la nécessité dans la société politique d'un pouvoir général conservateur extérieur, ou d'un monarque; 2° la nécessité de distinctions sociales héréditaires, force générale conservatrice ou d'un corps de noblesse; et ces deux lois, conséquences nécessaires des lois fondamentales, sont devenues elles-mêmes de véritables lois fondamentales de la société politique.

On en a conclu, comme des rapports nécessaires et dérivés de la nature même de la société, 1° la nécessité, dans la société religieuse, d'un pouvoir général conservateur extérieur ou de Dieu même, rendu sensible dans le sacrifice perpétuel; 2o la nécessité de distinctions sociales permanentes ou spirituellement héréditaires, force générale conservatrice, qui sont le sacerdoce; et ces deux lois, conséquences nécessaires des lois fondamentales, sont devenues elles-mêmes de véritables lois fondamentales de la société religieuse.

On a vu, dans la société politique constituée, les autres lois politiques, celles qui déterminent les rapports extérieurs du pouvoir et des sujets, ou la forme extérieure de gouvernement, conséquences plus ou moins immédiates, mais toujours nécessaires des lois fondamentales, devenir fondamentales ellesmêmes; et la forme de gouvernement se confondre, dans la

société politique constituée, avec la constitution même de la société.

On a vu, dans la société religieuse, les autres lois religieuses, celles qui déterminent les rapports extérieurs de Dieu, pouvoir de la société religieuse, avec l'homme social, ou la forme du culte extérieur, conséquences plus ou moins immédiates, mais toujours nécessaires des lois fondamentales, devenir fondamentales elles-mêmes; et le culte extérieur se confondre, dans la société religieuse constituée, avec la constitution même de la société.

On a vu, dans les sociétés politiques non constituées, où l'on rejette les lois fondamentales du pouvoir général conservateur ou du monarque, de la force générale conservatrice on de la noblesse, les lois politiques, ouvrage de l'homme, et non de la nature de la société politique, n'avoir aucun rapport avec la nature de l'homme social, et être toutes absurdes, immorales, injustes, attentatoires à la liberté de l'homme physique; et l'on verrait de même, dans les sociétés religieuses non constituées, ou les sectes qui ont rejeté les lois fondamentales du pouvoir général conservateur ou de la présence réelle de la Divinité dans le sacrifice perpétuel, et de la force générale conservatrice ou du sacerdoce; on verrait, dis-je, toutes les lois religieuses, ouvrage de l'homme, et non de la nature de la société religieuse, n'avoir aucun rapport nécessaire avec la nature de l'homme social, et être toutes absurdes, immorales, attentatoires à la perfection ou à la liberté de l'homme intelligent. Le détail en serait infini : j'en prendrai au hasard quelques exemples, en me bornant même aux sectes réformées qui dominent aujourd'hui en Europe. J'aurais trop d'avantage si je voulais appliquer ces principes à toutes celles qui se sont élevées depuis l'origine du christianisme, à cette multitude innombrable d'opinions religieuses qui ont pris naissance dans le cerveau creux de quelque visionnaire.

Une religion publique ou sociale est une société d'hommes intelligents et physiques, unis intérieurement par le sentiment

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