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tisme littéraire le plus absolu (1), tous ces ouvrages sont remplis de fines plaisanteries, ou d'observations critiques, sur le clergé séculier et régulier, et sur les pratiques de l'Eglise romaine. On voit même quelquefois, chez les ministres réformés, des caricatures de bon goût, où les religieux des deux sexes sont représentés dans des attitudes grotesques, et ces peintures réjouissantes et politiques sont, tout à la fois, un passetemps pour l'homme et un moyen de la profession.

Dans les lieux où la protection accordée au culte catholique impose aux ministres réformés un silence rigoureux sur la religion catholique, ses pratiques et ses ministres, les sermons des pasteurs ne sont que des discours académiques où tout l'art de l'orateur ne peut sauver la stérilité d'une religion qui ne porte que des sons aux oreilles, et pas un sentiment au

cœur.

Les sectes réformées ne paraissent tranquilles aujourd'hui, que parce que les opinions auxquelles elles doivent leur naissance ne sont plus que le radotage de quelques anciens pasteurs ou de quelques vieilles femmes, et qu'elles ont dégénéré en d'autres opinions qui dans ce moment agitent l'Europe, et qui suivent naturellement des opinions qui ont fondé la réforme.

(1) Le parti philosophique disposait, en France, de toutes les réputations. On donnait pour sujet de prix littéraires, l'éloge du chancelier de l'Hôpital accusé d'un secret penchant pour la réforme; de Fénelon, pour l'opposer à Bossuet; de Catinat, parce qu'on avait trouvé le moyen, je ne sais comment, d'en faire un incrédule. D'Aguesseau, Bossuet et Turenne ne pouvaient prétendre aux honneurs du panégyrique. D'Aguesseau était un homme sans caractère ; (il a écrit sur l'Ecriture sainte, et il n'a jamais été au spectacle) Bössnet, un fanatique; on reprochait à Turenne ses exécutions sévères dans le Palatinat, et on excusait dans Catinat des expéditions aussi rigoureuses contre les Vaudois et les Barbets. Mais Turenne, qui avait refusé de changer de religion pour être connétable, s'était converti ensuite sans intérêt et par conviction. Inde iræ... Aussi l'on peut remarquer que Turenne, le plus grand homme de la monarchie, est celui sur lequel on a le moins écrit. Le tombeau mème, après plus d'un siècle, n'a pu le mettre à l'abri de la fureur philosophique, et son corps trouvé entier a été l'objet de la haine et de l'outrage. [L'auteur ignorait que l'Académie eût proposé l'éloge de d'Aguesseau. Edit.]

CHAPITRE V.

Dégénération des opinions de la réforme.

Le principe que chacun est juge du sens de la loi ou des saintes écritures, ou pour mieux dire, qu'il n'y a dans l'Eglise nulle autorité extérieure et infaillible, qui ait le droit de fixer le sens de la loi, devait ouvrir la porte à une foule d'interprétations différentes. Il devait arriver dans la société religieuse, ce qui arrive dans les sociétés politiques où l'on s'est écarté de la loi fondamentale du pouvoir général. Il n'y a pas de raison pour que le dixième, le quart ou le tiers des citoyens exercent leur pouvoir particulier, plutôt que la moitié, plutôt que tous; et de là il a résulté différentes combinaisons de républiques. De même, dans la société religieuse où l'on s'écartait du principe de l'autorité infaillible de l'Eglise en matière de foi et de discipline, il ne pouvait y avoir de raison pour borner le droit de décider de ce qu'il fallait croire ou pratiquer, à quelques individus plutôt qu'à un plus grand nombre, plutôt qu'à tous on l'étendit donc à tous, et de ce principe naquirent et devaient naître en effet une infinité de sectes différentes. Daillé, célèbre ministre calviniste, convient naïvement, dans l'exorde d'un de ses sermons, que jamais il n'y a eu de nouvelle religion annoncée, qu'aussitôt il ne se soit trouvé plusieurs prophètes qui aient été sur le marché les uns des autres. Hénault cite ce passage, en y ajoutant une réflexion un peu amère sur la réforme.

Ce serait un tableau intéressant que celui de la dégradation successive des vérités religieuses par les opinions de la réforme : on pourrait le regarder comme l'arbre généalogique de lathéisme. Ainsi les catholiques croient à la présence réelle de

l'homme-Dieu, pendant toute la durée des symboles qui le voilent; Luther l'admit au moment de la manducation; Calvin nia qu'il y eût aucune présence réelle de Jésus-Christ; Socin nia la divinité même du Fils de Dieu, et les philosophes ont nié Dieu lui-même.

Les catholiques croient sept sacrements; Mélancthon en admet quatre, Luther trois, Calvin deux, les anabaptistes un, et les philosophes ne veulent pas même de culte.

Les anglicans avaient conservé des cérémonies; les puritains proscrivirent jusqu'à l'usage du surplis; et les philosophes ont détruit jusqu'aux temples.

L'athéisme est une conséquence rigoureuse du socinianisme, comme le socinianisme est une application des principes de la réforme. En effet, dès que chacun était juge de sa foi et interprète du sens de l'Ecriture, Socin, l'interprétant à sa guise, nia la divinité de Jésus-Christ: il fut persécuté par les réformés, qui, en se séparant de l'Eglise romaine, s'étaient ôté le droit et les moyens de le combattre. « Le temps, dit l'auteur du » Dictionnaire des hérésies, éteint sans cesse le principe du >> fanatisme dans les pays réformés : il y a dans les Eglises sé» parées de l'Eglise catholique une force qui pousse sourde» ment les esprits vers le socinianisme. Le socinianisme, en >> retranchant du christianisme tout ce que la raison ne comprend pas, porte les esprits à regarder la raison comme la » seule autorité à laquelle on doive se soumettre. » Or ce principe est évidemment le même que celui de la réforme qui veut que chacun soit juge du sens de la loi. Il est évidemment le même que celui du philosophe, qui en appelle à la raison de tout ce qu'il ne peut comprendre, et qui, depuis longtemps, lui érigeait dans son cœur des autels, en attendant que la philosophie, disposant à son gré d'une grande société, pût extérieurement lui dédier des temples.

On se doutait, depuis longtemps, en Europe, de cette force secrète, qui pousse les réformés vers le socinianisme. Les ministres de quelques Etats calvinistes en étaient hautement accusés,

et le même auteur que je viens de citer pronostique que la secte réformée des arminiens absorbera vraisemblablement toutes les autres; et on sait que les calvinistes accusaient les arminiens d'être tombés dans les erreurs de Socin. Il n'était pas difficile de prévoir que le calvinisme se perdrait dans le socinianisme, puisque le calvinisme et le socinianisme partent du même principe et duivent aboutir au même résultat. En effet, Socin, en admettant l'existence de Dieu, et niant la divinité de Jésus Christ, niait que la Divinité eût jamais été extérieurement présente au corps sorial: et les calvinistes, en admettant la divinité de Jésus-Christ et niant sa présence réelle dans le sacrifice perpétuel, nient que la Divinité soit aujourd'hui extérieurement présente dans le corps social. Socin, en niant la divinité de Jésus-Christ, excluait tout culte, c'est-à-dire, tout acte de l'amour général et mutuel de Dieu et des hommes; il ne conservait donc pas le sentiment de la Divinité dans le corps social; il tombait donc dans l'athéisme social: et les calvinistes, en niant la présence réelle de Jésus-Christ dans le corps social, excluent aussi tout culte, c'est-à-dire, tout acte de l'amour général et mutuel de Dieu et des hommes; ils ne conservent donc pas le sentiment de la Divinité dans le corps social; ils doivent donc tomber aussi dans l'athéisme social. Mais si les sociétés calvinistes n'ont pas le sentiment de la Divinité, elles n'ont donc pas le sentiment de l'intelligence, puisque la Divinité est l'intelligence même; donc elles tombent dans le matérialisme.

Aussi les principes de la révolution française, qu'on peut regarder comme la constitution de l'athéisme et du matérialisme, ont-ils été accueillis avec plus de faveur dans les pays calvinistes; et cet effet, qui tient aux principes mêmes de la secte, est absolument indépendant de l'opinion personnelle des individus, parmi lesquels il y en a un grand nombre qui croient à l'existence de Dieu et à l'immortalité de l'âme. Mais le calvinisme n'ayant point de pouvoir conservateur, puisqu'il n'a pas d'amour de Dieu, ne peut avoir de force conservatrice, et ne

peut par conséquent pas se conserver; c'est-à-dire qu'il laisse anéantir les éléments de toute société religieuse, la croyance de la Divinité et de l'immortalité de l'âme ; il prêche ces vérités à l'esprit, mais il ne les place pas dans le cœur : en sorte qu'il en fait une opinion, et les expose à toute l'incertitude, à toutes les variations de l'opinion, au lieu d'en faire un sentiment, qui est le même dans tous les hommes, et le principe même de la conservation des êtres. En effet, on ne peut jamais s'assurer que deux hommes pensent précisément de la même façon sur le même objet; mais on peut se convaincre, par les effets extérieurs, qu'ils aiment tous le même objet de la même manière.

Cette dégénération de la réforme, suite nécessaire d'un premier pas au delà des bornes marquées à la curiosité humaine, n'échappait pas au plus sage et au plus savant des réformateurs. «Bon Dieu! s'écrie Mélancthon accablé de douleur,

quelles tragédies verra la postérité, si l'on vient un jour à » remuer les questions des mystères de la religion chré» tienne!»> « On commença de son temps, dit Bossuet, à re» muer ces matières; mais il jugea que ce n'était qu'un faible >> commencement, car il voyait les esprits s'enhardir insensible>>ment contre les doctrines établies et contre l'autorité des dé>>cisions ecclésiastiques. Que serait-ce, s'il avait vu les autres » suites pernicieuses des doutes que la réforme avait excités ? » tout l'ordre de la discipline renversé publiquement par les » uns, et l'indépendance établie, c'est-à-dire, sous un nom » spécieux et qui flatte la liberté, l'anarchie avec tous ses » maux; la puissance spirituelle mise par les autres entre les >> mains des princes; la doctrine chrétienne combattue en tous » ses points; des chrétiens nier l'ouvrage de la création, et ce>> lui de la rédemption du genre humain, anéantir l'enfer, abo» lir l'immortalité de l'âme, dépouiller le christianisme de tous » ses mystères et le changer en une secte de philosophie tout >> accommodée aux sens; de là naître l'indifférence des religions, et ce qui suit naturellement, le fond même de la reli»gion attaqué, l'Ecriture directement combattue, la voie ou

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