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410 THÉORIE DE L'ADMINISTRATION PUBLIque.

D'ailleurs il est plus conforme à l'esprit de la constitution que les fonctions administratives ne soient pas entre les mains de la noblesse militaire.

Le cardinal de Richelieu dit quelque part qu'il ne faut pas. se servir, dans les affaires, de gens de bas lieu : ils sont trop austères et trop difficiles. Montesquieu, qui suppose apparemment que ce fameux ministre n'a rien dit que de sage, et n'a rien fait que d'utile, fait, sur ce texte immoral, un commentaire qui l'est bien davantage, et où l'on retrouve ses préjugés politiques. S'il se trouve, dit-il, quelque malheureux hon»> nête homme, le cardinal de Richelieu, dans son Testament » politique, insinue qu'un monarque doit se garder de s'en ser» vir. Tant il est vrai que la vertu n'est pas le ressort de ce » gouvernement!» De là beaucoup de gens ont conclu que les affaires publiques ne pouvaient pas, sans danger, être entre les Inains d'un honnête homme, et que l'administration d'un Etat, c'est-à-dire, la fonction de conduire les hommes au bonheur par la vertu ne devait être confiée qu'à des gens sans morale et sans principes. Si cela est ainsi, il y a certains Etats, en Europe, qui doivent être parvenus à un haut degré de prospérité; car on a vu quelquefois, à la tête de leurs affaires, des gens qu'on ne peut pas accuser d'être trop austères et trop difficiles.

On peut obtenir des succès par le crime; mais la prospérité d'un Etat, comme le bonheur de l'individu, ne peut être le fruit que de la vertu; et il ne faut pas plus confondre les succès d'un ministre avec la prospérité d'un Etat, qu'il ne faut confondre le bonheur d'un homme avec sa fortune.

SECTION PREMIÈRE.

ADMINISTRATION INTÉRIEURE.

CHAPITRE PREMIER.

Administration religieuse.

Revenons aux principes.

Le pouvoir de la société religieuse, ou de la religion, réprime les volontés dépravées de l'homme, comme le pouvoir de la société politique réprime les actes extérieurs de ces mêmes volontés.

Le pouvoir religieux réprime les volontés dépravées qui tendraient à détruire dans la société le pouvoir politique. Le pouvoir politique doit réprimer les actes extérieurs qui tendraient à anéantir dans la société le pouvoir religieux.

Ainsi le gouvernement doit protéger la religion, parce que la religion défend le gouvernement.

La société religieuse, ou religion publique, est, comme la société politique, comme toute société, composée d'hommes et de propriétés.

Le pouvoir politique doit donc protéger les hommes de la religion, ou ses ministres, et les propriétés de la religion, contre les actes extérieurs qui tendraient à nuire aux uns ou aux

autres.

Mais les ministres de la religion sont hommes, et ils ont, en cette qualité, des volontés dépravées que la religion doit réprimer, et dont le pouvoir politique doit arrêter ou prévenir les actes extérieurs.

Comment le pouvoir politique peut-il réprimer, dans les ministres de la religion, les actes extérieurs nuisibles à la société religieuse? Par les lois dont il protége l'exécution. Comment peut-il les prévenir? Par le bon choix des ministres de la religion.

CHAPITRE II.

Du choix des premiers ministres de la religion, ou des Evêques.

Pour garantir la bonté d'un choix, il faut quatre conditions: 1° l'éducation du sujet; 2o la présentation; 3° le choix; 4o la confirmation ou approbation : c'est-à-dire, qu'il faut que le sujet soit élevé pour la profession qu'il doit exercer, présenté par ceux qui peuvent le connaître, choisi par celui qui peut le distinguer, agréé, confirmé ou approuvé par celui duquel il dépend dans la hiérarchie de la profession à laquelle il se destine.

Examinons les différents degrés par lesquels l'homme passe avant de parvenir à une fonction sociale.

La famille présente l'homme à la société; la société le reçoit, s'il est sain de corps et d'esprit, et lui donne l'éducation générale ou sociale.

La société, à son tour, le présente aux différentes professions une d'elles le reçoit et lui donne l'éducation particulière de la profession.

:

La profession présente tous les sujets qu'elle a élevés, au

pouvoir général de la société ou à ses délégués, pour choisir parmi eux celui qui convient le mieux à l'emploi vacant.

Lorsque toutes ces conditions sont remplies, le monarque ne peut pas faire un mauvais choix, s'il choisit par un acte de la volonté générale; car le pouvoir conservateur de la société prend nécessairement les moyens les plus propres à assurer la conservation de la société.

Mais si l'éducation sociale est imparfaite, ou s'il n'y a pas d'éducation sociale, si l'homme pouvoir met sa volonté particulière à la place de la volonté générale dont il est l'agent, les choix pourront être défectueux; ils doivent donc être soumis à une approbation on confirmation, qui diffère comme les fonctions du sujet élu, et les modifications du pouvoir élisant.

Dans l'administration religieuse, le monarque est pouvoir de protection: il renvoie le sujet élu devant le chef des ministres de la religion, dont la confirmation ou l'approbation sont nécessaires; parce qu'il est dans la nature des fonctions, que le chef connaisse et approuve le choix de ses subordonnés.

Dans l'administration judiciaire, le monarque est pouvoir d'exécution: il renvoie le sujet élu devant le tribunal auprès duquel il doit exercer ses fonctions; car ce tribunal est un corps qui doit connaître et approuver le choix de ses membres.

Dans l'administration militaire, le monarque est pouvoir de direction; il ne doit demander à aucun autre pouvoir l'approbation des sujets qui sont l'objet de son choix. Mais, comme dit Montesquieu, il n'y a pas de pouvoir si absolu, qui ne soit borné par quelque coin. L'opinion publique, à défaut de tout autre pouvoir, approuve les choix militaires que fait la sagesse, ou rejette ceux que fait la faveur.

Le souverain pontife peut-il refuser de confirmer le choix d'un évêque, ou une compagnie d'enregistrer les provisions d'un magistrat nommé par le roi? Le droit et le devoir de l'un et de l'autre sont de représenter l'inconvenance d'un mauvais

:

choix le devoir du roi est de déférer à des représentations fondées sur des motifs légitimes. Le devoir de la compagnie, l'intérêt du souverain pontife sont de céder à la volonté générale exprimée dans les formes prescrites: les droits, les devoirs, les intérêts, tout s'accorde.

Je reviens aux fonctions religieuses. L'Etat ainsi que l'Eglise distingue deux ordres dans la hiérarchie ecclésiastique. L'ordre épiscopal et l'ordre sacerdotal.

Le choix des curés est moins important pour l'Etat et pour l'Eglise que celui des évêques; et le choix des évêques est le plus important de tous les choix, parce que la religion publique est la première et la plus importante des lois fondamentales de la société civile.

Cette vérité démontrée par le raisonnement a été prouvée en France par les faits.

Comme le choix d'un évêque est le plus important de tous les choix, son élection est soumise à un plus grand nombre de formalités.

La société fait des hommes sociaux; la religion fait des prêtres les évêques nomment parmi eux des coopérateurs sous le nom de vicaires généraux; le ministre des affaires ecclésiastiques, qui est toujours un évêque, présente au roi plusieurs vicaires généraux, pour choisir parmi eux celui qui doit remplir le siége vacant; le roi choisit, le pape confirme. Assurément, s'il se fait de mauvais choix, la faute en est aux hommes, et non aux institutions.

Mais si les supérieurs de l'éducation ecclésiastique ne sont pas assez sévères dans le choix des sujets qu'ils admettent aux fonctions sacerdotales; mais si les évêques se décident dans le choix de leurs coopérateurs, par d'autres convenances que par des convenances d'Etat; mais si le ministre ecclésiastique n'est pas toujours libre dans le choix des sujets qu'il présente au monarque, alors le choix du monarque peut tomber sur des sujets peu capables de remplir avec fruit cette éminente fonction.

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