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THÉORIE DE L'ADMINISTRATION EXTÉRIEURE.

écarts que célèbres par leurs talents, répandu dans toute l'Europe, la philosophie de l'athéisme et de l'anarchie.

Mais ce n'est pas assez pour la France d'instruire l'Europe par ses malheurs, elle doit la ramener par l'exemple de ses vertus aux principes conservateurs des sociétés. C'est à ce but digne d'elle que je consacre le chapitre suivant : Conclusion naturelle de la Théorie du Pouvoir politique et religieux, dans la société civile.

CONCLUSION DE TOUT L'OUVRAGE.

AUX FRANÇAIS QUI ONT L'ESPRIT ÉLEVÉ
ET LE COEUR SENSIBLE.

L'effet inévitable des grands événements et des malheurs extraordinaires est d'exalter les idées et d'émousser les sentiments. Il faut des pensées plus vastes à des esprits agrandis par l'importance et la majesté des événements; il faut des impressions plus fortes à des cœurs endurcis par l'excès et la continuité des malheurs. Cette disposition est commune à tous mes lecteurs; et il n'en est aucun qui soit étranger aux grands événements dont l'Europe est le théâtre, aucun que ses propres malheurs ou la compassion pour les malheurs des autres n'ait associé aux calamités inouïes qui accablent la première nation de l'univers. Cette disposition est plus particulièrement celle des Français, acteurs dans ces scènes mémorables, victimes de ces déplorables infortunes. C'est donc aux Français que je m'adresse, à ceux du moins dont l'esprit peut me comprendre, et dont le cœur peut me répondre. Quand la corde d'un instrument est tendue, c'est le moment d'en tirer des sons.

J'observe avec attention tous les peuples qui ont paru avec éclat sur la scène du monde; et je remarque que ceux qui ne sont pas morts tout entiers, et qui ont laissé des traces ineffaçables de leur existence politique ou religieuse, avaient attaché, si j'ose le dire, leur durée à quelque grand monument à la fois religieux et politique.

Je vois dans la première société politique de l'univers, chez l'antique Egyptien, ces vastes pyramides, contemporaines de la société, élevées comme une limite sur les confins de l'état social et de l'état sauvage; destinées à montrer ce que peut, même dans son enfance, l'homme social; monument impérissable de la puissance et du génie de ce peuple célébre; gage immortel de sa vénération pour ses rois; demeures éternelles des morts (1), dont l'indestructible solidité devait transmettre à tous les âges la preuve que le sentiment consolateur de l'immortalité de l'âme a existé dans tous les temps.

Je vois dans la première société religieuse de l'univers, chez le peuple hébreu, ce temple célèbre, le plus magnifique que le soleil ait éclairé, seul asile que les dieux des sens eussent laissé sur la terre au Dieu de l'intelligence et du cœur, retranchement où l'unité de Dieu s'était retirée, et d'où elle devait un jour reconquérir l'univers sur l'idolâtrie. Les pyramides de Memphis étaient le monument de la royauté, le temple de Jérusalem était le monument de la Divinité: dans l'un, la puissance des rois se rendait sensible, dans l'autre, la majesté de Dieu se rendait visible. Un jugement sévère a détruit le temple et dispersé les adorateurs; et des extrémités de la terre où il est errant, le Juif dans sa misère jette un regard de douleur vers ce lieu sacré; il jure par son temple qui n'est plus; et, contre toute espérance, il ose encore espérer d'en voir relever les ruines.

Jusque dans cette société célèbre soumise à tous les pouvoirs, hors au pouvoir général, à tous les dieux, hors au Dieu véritable, chez le Romain, dont l'empire réunit un instant tout l'univers, lorsque l'univers idolâtre dut devenir chrétien, et qui se divisa bientôt, lorsque l'univers chrétien dut devenir monarchique; je vois cet édifice imposant, dont le nom seul an

(1) Discours sur l'hist. univ., par Bossuet. Ille part. ch. in.

nonçait les destinées, ce Capitole fondé sous les meilleurs auspices, éternel comme Rome, sacré comme son fondateur (1), ce Capitole, la demeure des dieux protecteurs de l'empire, et le gage éternel de sa durée (2).

Chez tous ces peuples, ces monuments, que la philosophie traite de superstitieux et de frivoles, mais dont si peu de gens sentent la force et l'effet, réunirent tous les citoyens en un corps indissoluble, les attachèrent les uns aux autres, et tous à leur sol (3).

Le Français est un peuple aussi, et il est un grand peuple; il est grand par son intelligence, par ses sentiments, par ses actions. Hélas! il est grand... jusque par ses crimes.

Au centre de la France, et dans la position la plus embellie par les vastes décorations de la nature, j'élèverais aussi un monument qui réunirait aux proportions imposantes des pyramides égyptiennes la majesté sainte et sublime du temple de l'antique Sion, l'intérêt national du Capitole romain.

Je le consacrerais au Dieu de l'univers, au Dieu de la France..., A LA PROVIDENCE; à ce Dieu de tous les hommes, même de ceux qui le nient; de toutes les nations, même de celles qui l'outragent; de toutes les religions, même de celles qui le défigurent; à ce Dieu qui si longtemps a protégé la France, et qui la punit parce qu'il la protége encore; à ce Dieu qui ne l'a livrée un instant à la fureur de l'athéisme, que pour la préserver du malheur affreux de devenir athée; à ce Dieu qui a versé tant de consolations au sein de tant de douleurs, tant de secours au sein de tant de misères, tant d'espoir au sein de tant de malheurs; à ce Dieu qui a fait briller

(1) Grandeur et décadence des Romains.

(2) Corn. Tacit. Hist.

(3) J.-J. Rousseau. Gouv. de Pologne.

T. II.

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tant de foi au milieu de tant d'impiété, tant de force au milieu de tant de faiblesse, tant de vertus au milieu de tant de crimes; à ce Dieu qui a permis tant de forfaits, et qui exerce tant de vengeances; à ce Dieu qui, au moment où il livrait vos corps à la rage des bourreaux, vous recevait dans son sein, ô mes rois!ômes maîtres! ô vous ministres de la religion et de la société ! prêtres fidèles, militaires intrépides, magistrats vertueux ! et vous que la faiblesse de votre sexe ou de votre âge et l'obscurité de votre condition réservaient à des malheurs moins éclatants, mais que la grandeur de votre courage a associés par cette fin honorable aux défenseurs de la société; vous tous enfin, parents, amis, concitoyens, martyrs de votre foi en votre Dieu, de votre fidélité à votre roi!

Ce temple serait l'objet des vœux et des hommages de la nation; tout Français accourrait des extrémités du royaume pour adorer le Dieu de la France, et s'en retournerait meilleur et plus heureux.

Sous les portiques de ce temple auguste s'assemblerait la nation en Etats-généraux; et le Dieu qui punit les parjures recevrait des serments qui ne seraient pas violés.

Sous ces voûtes sacrées, le roi serait dévoué par l'onction sainte à la défense de la société religieuse et au gouvernement de la société politique. Il jurerait protection et respect à la religion, justice et force à la société ; la religion promettrait de le défendre, la société de lui obéir; les échos du temple répéteraient ces serments solennels, et Dieu qui les entendrait en serait le garant et le vengeur.

Sous ses parvis majestueux, la dépouille mortelle du monarque recevrait les derniers honneurs que la religion rend à ce qui fut homme, et que la société doit à ce qui fut roi; et dans les premiers Etats-généraux qui suivraient l'intervalle

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