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HAPITRE PREMIER.

Religion Judaïque.

La postérité d'Abraham, longtemps esclave en Egypte, avait contracté, chez le plus superstitieux de tous les peuples, un penchant à l'idolâtrie que des traditions et des souvenirs ne pouvaient plus réprimer.

« Ce grand Dieu, dit Bossuet, ne voulait pas abandonner plus » longtemps à la seule mémoire des hommes le mystère de sa > religion et de son alliance; il était temps de donner de plus » fortes barrières à l'idolâtrie qui inondait tout le genre hu» main, et achevait d'y éteindre les restes de la lumière natuDrelle. D

Pourquoi, demande l'homme présomptueux, Dieu avait-il laissé éteindre, parmi les nations, la connaissance de son unité, puisque cette connaissance était nécessaire à leur bonheur? L'homme a le choix du bien et du mal, ou le libre arbitre, puisqu'il est intelligent ce n'est même que parce qu'il est intelligent qu'il est semblable à Dieu, et qu'il est digne et capable d'être en société avec Dieu; mais il est puni du mauvais usage qu'il fait de son libre arbitre, par l'affaiblissement de son intelligence. On dira sans doute que, dans une société idolâtre, tous étaient punis et tous n'étaient pas coupables; mais, outre que Dieu pouvait maintenir la foi de son unité dans quelques familles de justes, au milieu même des ténèbres de l'idolâtrie, comme on peut le conjecturer de l'histoire de Job, il faut prendre garde que, dans une révolution religieuse ou politique, nul

T. II.

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presque n'est innocent, et que les bons sont presque toujours coupables de faiblesse, comme les méchants d'égarement. Je reviens aux Juifs. « Moïse, dit Rousseau, osa faire de cette » troupe errante et servile un corps politique, un peuple libre; » et tandis qu'elle errait dans les déserts, sans avoir une pierre » où reposer sa tête, il lui donnait cette institution 'durable à » l'épreuve du temps, de la fortune et des conquérants, que » cinq mille ans n'ont pu détruire ni même altérer, et qui sub» siste encore aujourd'hui dans toute sa force, lors même que » le corps de la nation ne subsiste plus. »

Philosophe! tu te prends par tes propres aveux : les institutions de l'homme ne peuvent pas être durables; cet être faible et périssable ne peut faire un ouvrage à l'épreuve du temps, de la fortune et des conquérants. L'ouvrier ne peut donner à son ouvrage un caractère de durée et d'immortalité qu'il n'a pas lui-même. Si le législateur des Hébreux n'est qu'un sage, il est donc le seul sage qui ait paru dans l'univers; puisque nous ne voyons chez aucun autre peuple une constitution durable, à l'épreuve du temps, de la fortune et des conquérants. La plus forte preuve que la constitution judaïque n'est pas l'ouvrage de l'homme, est qu'elle ne convient pas à tous les hommes, et qu'en même temps qu'elle est inaltérable chez un peuple, elle. est impraticable chez les autres (1).

Dieu même avait éclairé l'esprit, avait surtout échauffé le cœur de Moïse; c'est-à-dire que, lui ayant donné une intelligence plus capable de comprendre, un ceur plus capable d'aimer, des sens plus capables d'agir, il lui avait ménagé dans l'éducation la plus soignée, et dans les autres circonstances de ses premières années, les moyens de perfectionner ses facultés, et de se rendre propre aux grands desseins de Dieu sur lui. C'est ainsi que l'Etre suprême éclaire l'esprit, échauffe le cœur, fortifie même les sens des hommes extraordinaires, auxquels il donne la mission sublime de former ou de rétablir les socié

(1) Qu'on ne m'oppose pas Lycurgue et ses institutions, car je demanderai qu'on me montre le peuple qu'il a formé.

tés. Moïse devient donc le législateur du peuple juif : c'est-àdire que Dieu se sert de ce grand homme pour parler et écrire sa parole; et il renferme, dans dix commandements ou préceptes, les premiers principes du culte de Dieu, et de la société humaine. Remarquez que Bossuet, de qui sont ces paroles, joint ici la société politique à la société religieuse.

Avant d'analyser ce code célèbre, le type de tous les codes, je dois faire une observation importante. A l'instant que le peuple juif sortait de l'Egypte, et qu'il allait entrer dans la terre dont il devait faire la conquête, c'est-à-dire, lorsqu'il dépose les chaînes de l'esclavage, pour s'élever à la dignité d'un peuple indépendant et d'une société extérieure, Moïse ordonne aux Juifs, au nom du Seigneur, de lui consacrer tous les premiers nés mâles; et en établissant une distinction aussi marquée entre l'aîné et ses frères, il constitue la famille comme le seul et véritable élément de la société extérieure et politique.

Dieu se place lui-même à la tête du code qu'il donne aux sociétés. Je suis le Seigneur votre Dieu, dit-il; sublime préambule de la loi la plus auguste qui fut jamais! Moïse n'ordonne pas au peuple de croire l'existence de Dieu; il n'en fait pas un décret c'est un fait indépendant de la croyance des hommes; Dieu, si j'ose le dire, expose son titre et se réserve de le prouver.

« Je suis le Seigneur votre Dieu qui vous ai tirés de l'Egypte, » de la maison de servitude; » parce que la liberté religieuse ne peut exister que dans la religion constituée de l'unité de Dieu, comme la liberté politique n'existe que dans la monarchie constituée, et que la liberté religieuse et politique consiste, pour la société comme pour l'homme, à obéir aux lois religieuses et politiques, ou aux rapports nécessaires dérivés de la nature des êtres intelligents et physiques.

Ce n'est pas assez d'établir le principe de l'unité de Dieu chez ce peuple si porté à multiplier les dieux; le Dieu jaloux lui défend expressément d'adorer les dieux étrangers, de se

faire aucune figure taillée, aucune image de la Divinité, ni de la représenter sous la ressemblance d'aucun corps animé ou inanimé.

L'intelligence pure se manifeste aux sens par la parole, mais elle ne veut pas encore se peindre aux yeux. Elle est sensible, mais elle ne veut pas être visible chez un peuple porté à n'adorer que des dieux qu'il puisse voir.

Dieu interdit aux Juifs d'adorer de faux dieux. Non adorabis neque coles; et il distingue ainsi l'adoration du culte. En défendant à son peuple de se faire des figures taillées, ou des représentations visibles de la Divinité, Dieu emploie ces paroles remarquables : Je punirai les iniquités des pères sur les enfants, jusqu'à la troisième et quatrième génération dans tous ceux qui me haïssent; preuve évidente que l'idolâtrie est une religion de haine, ou de crainte sans amour.

Dieu menace de punir jusqu'à la troisième et quatrième génération, les iniquités de ceux qui le haïssent : il promet de faire miséricorde, jusqu'à mille générations, à ceux qui l'aiment et gardent ses préceptes. Après la défense que Dieu vient de faire, de fabriquer et d'adorer de faux dieux, on ne peut entendre par ceux qui le haïssent, que les idolâtres, sectateurs de la religion de haine, et par ceux qui l'aiment, que les sectateurs fidèles de la religion de l'unité de Dieu, religion d'amour.

Dieu lui-même établit entre eux une différence remarquable. Il borne au nombre déterminé de trois ou quatre générations la punition de l'idolâtre, c'est-à-dire, la durée de l'idolâtrie, ce qui annonce que la religion publique du polythéisme ne peut avoir qu'un temps et qu'elle doit prendre fin, au lieu qu'il étend au nombre infini de mille générations sa miséricorde envers ceux qui l'aiment, c'est-à-dire, la conservation de la religion de son unité.

Dieu a proscrit le polythéisme, il condamne l'athéisme qui est l'excès opposé. Vous ne prendrez point le nom du Seigneur en vain, c'est-à-dire, vous ne regarderez pas la Divinité comme

si elle n'existait pas. L'interprétation différente qu'on peut donner à ce passage rentre au fond dans celle que je donne ; car jurer à faux le nom de Dieu est nier tacitement son existence.

Dieu a établi la religion intérieure ou l'adoration, il établit la religion extérieure ou le culte. Souvenez-vous de sanctifier le jour du Sabbat ; et comme la religion, aussi ancienne que l'homme, se lie, dans tous ses préceptes, à quelque motif tiré de la nature de l'homme; le culte, aussi ancien que la société, se lie, dans toutes ses pratiques, à quelque époque de l'histoire et de la nature de la société. Dieu rappelle à son peuple, qu'après avoir créé l'univers durant six jours, il s'est reposé le septième ; il veut que tous les septièmes jours lui soient consacrés, en mémoire de la création et en donnant un jour de repos utile à l'homme physique, il se le réserve tout entier, pour occuper à son culte l'homme intelligent. Dans la religion judaïque, religion de crainte mêlée d'attente, Dieu défend, le jour du Sabbat, jusqu'aux occupations les plus innocentes, de peur que ce peuple indocile et grossier ne passât bientôt jusqu'aux occupations les moins utiles, et peut-être jusqu'à méconnaître la loi; et dans la religion chrétienne, religion d'amour, l'extrême rigueur de cette loi a été modérée et restreinte aux seules occupations lucratives. On remarquera que la première loi donnée aux Juifs, celle qui devait être un souvenir toujours subsistant de l'acte de la puissance infinie, de la création, est précisément celle que ce malheureux peuple observe partout avec la plus religieuse fidélité, quoiqu'elle soit celle dont l'exécution est la plus répétée et la plus pénible.

La loi religieuse de l'observation du Sabbat est une conséquence nécessaire dérivée de la loi fondamentale de l'existence de Dieu, et elle est fondée aussi sur la nature de l'homme. Car s'il existe un Dieu, il doit être honoré; et si l'homme n'est jamais occupé que de ses besoins physiques, il négligera le culte de la Divinité ; l'homme intelligent cessera de former société avec l'Etre suprême, et par conséquent cessera de se conserver luimême dans sa perfection.

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