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il confirmera, par des actes visibles de sa puissance, la mission dont il le revêt.

Ceux qui demandent sans cesse pourquoi l'Etre suprême, en donnant des lois aux hommes, a pu leur laisser la force de les enfreindre, sont aussi insensés que ceux qui demanderaient pourquoi un monarque qui veut empêcher dans ses Etats l'homicide, l'adultère et le vol, ne met pas tous ses sujets à la chaîne.

Les lois Mosaïques sont le commentaire de ce texte divin, et les lois de tous les peuples doivent en être l'application.

CHAPITRE III.

Lois Mosaïques.

L'Hébreu, corrompu par un long séjour au milieu du peuple le plus idolâtre, ulcéré par un dur esclavage, accoutumé en Egypte à ne trouver d'adoucissement à ses peines que dans les jouissances des sens, avait contracté ce penchant à une religion tout extérieure, cet attachement pour les biens de la terre et pour les plaisirs des sens, que l'observateur démêle encore dans le caractère original de ce peuple superstitieux, lascif et intéressé.

L'indocile et grossier Hébreu n'était pas un peuple que le législateur pût spiritualiser; il ne voulait que le séparer des autres peuples, et le défendre contre ses propres penchants. Les préceptes dont il l'accable, frivoles en apparence, dit J.-J. Rousseau, mais dont si peu de gens sentent la force et l'effet, sont autant de barrières qu'il élève entre les autres nations et son peuple, autant de chaînes dont il lie cet esclave toujours prêt à se révolter.

La majesté du culte, la pompe des cérémonies, l'établissement des fêtes, l'appareil du sacrifice, retenaient le peuple hébreu dans la foi de l'unité de Dieu, dont il était établi le dépositaire les préceptes sévères et multipliés sur les degrés prohibés des alliances, la distinction rigoureuse des plaisirs permis et des plaisirs défendus, l'abstinence de certaines viandes mettaient un frein à sa sensualité : l'horreur du sang, les purifications ordonnées à celui qui avait touché un cadavre, les peines prononcées contre les violences, punies même dans l'animal sans raison, le précepte d'indiquer le chemin à l'étranger, de secourir jusqu'à l'animal tombé sous le faix, avaient pour objet de réprimer sa férocité naturelle. Tout tendait à ce but, de le séparer des peuples idolâtres, de le rendre fidèle à Dieu, tempérant sur lui-même, humain et compatissant envers ses frères; c'est-à-dire, d'épurer son esprit par la religion, de diriger son cœur par la répression de ses penchants déréglés, de contenir ses sens par l'habitude des actes de bienfaisance. Le législateur voulait enfin lui donner une institution durable, à l'épreuve du temps, de la fortune et des conquérants; et le philosophe est forcé de convenir qu'il a réussi.

Dans le nombre infini de lois qui forment cette constitution étonnante, je distingue :

4° L'institution du ministère lévitique; 2° le sacrifice; 3° les rites expiatoires; 4° le droit d'aînesse dans les familles.

1o Dans la religion de la famille, l'homme était le ministre du culte; à une religion domestique il fallait un ministre particulier; à une religion sociale ou publique il fallait des ministres sociaux ou publics.

Dieu établit donc un ministère social pour une religion sociale; il établit un ministère qui doit durer autant que la religion, puisque la religion doit durer autant que la société.

J'ai prouvé que la société religieuse et la société politique sont semblables, et qu'elles ont une constitution semblable.

Donc la société religieuse a un pouvoir général conservateur;

car une société qui n'aurait pas le pouvoir de se conserver, ne se conserverait pas.

Donc ce pouvoir général ou social dirige une force générale ou sociale; car un pouvoir sans force n'est pas un pouvoir force est action; action suppose des agents ou mini

stres.

Pour assurer la perpétuité de la société, il est donc nécessaire d'assurer la perpétuité de son pouvoir conservateur; pour assurer la perpétuité du pouvoir, il est nécessaire d'assurer la perpétuité de la force qui est l'action du pouvoir; pour assurer la perpétuité de la force, il est nécessaire d'assurer la perpétuité des ministres qui sont les agents de la force. Or, pour assurer la perpétuité du ministre de la force conservatrice de la société religieuse, Moïse place le ministère, non dans l'individu qui passe, mais dans la famille qui demeure; et dès ce moment, ces familles sont marquées d'un caractère qu'aucune puissance ne peut leur ôter. En même temps, et par les mêmes voies par lesquelles l'homme communique l'existence, il communique le devoir d'être ministre de la société, il communique l'existence sociale en même temps que l'existence naturelle, et il produit une famille sociale ou dévouée à la défense de la société, en même temps qu'une famille naturelle. Dieu même ne peut pas faire que l'enfant de cette famille ne naisse avec le devoir de remplir les fonctions confiées à sa famille, ou d'être ministre de la force conservatrice de la société, parce que Dieu ne peut pas faire que l'enfant ne naisse de son père. Voilà le ministère lévitique, voilà la noblesse, voilà la profession sociale et les familles distinguées des autres familles.

Ainsi il y a une noblesse religieuse dans la société religieuse, comme il y a une noblesse politique dans la société politique. Le ministère lévitique est donc la force conservatrice de la société religieuse, comme les nobles sont la force conservatrice de la société politique; le sacerdoce et la noblesse forment donc les deux professions sociales, c'est-à-dire, essentiellement et nécessairement conservatrices de la société civile, parce

qu'une société constituée ne peut exister sans pouvoir, et qu'un pouvoir ne peut exister sans force (1).

En effet, les lévites n'étaient pas seulement employés au ministère des choses saintes et au service des autels, ils prenaient encore les armes dans les grands dangers qui menaçaient la société religieuse; car il ne faut jamais perdre de vue que les Juifs ne formaient société constituée que sous le rapport de la religion.

Lorsque le peuple attente à la constitution religieuse, en prostituant ses adorations à des dieux, ouvrage de ses mains, ce sont les lévites que Moïse charge de la punition des coupables; ce n'est qu'à eux qu'il confie de la part de Dieu les armes qui doivent les exterminer, parce que c'est à la force dirigée par le pouvoir à conserver la société.

Les lévites étaient les gardiens et les défenseurs du tabernacle, et non pas des prêtres, puisque le sacerdoce n'était que dans la famille d'Aaron. Les lévites campaient toujours autour du tabernacle, qu'on peut regarder comme le pouvoir extérieur de la société des Juifs, et la garde en était confiée à leur valeur. Ce ne sont point des conjectures; c'est le propre texte des livres sacrés. « Les lévites porteront eux-mêmes le taber» nacle... et ils camperont autour... Les lévites dresseront leurs » tentes autour du tabernacle... et ils veilleront a sa garde...

(1) La province de France qui s'est le plus conservée dans la révolution, je veux dire, qui a conservé le plus d'attachement à la constitution religieuse et politique, a été la Bretagne, qui avait le plus de force conservatrice ou de noblesse. En Bretagne, la noblesse servait l'Etat autant et plus que la noblesse des autres provinces; mais les familles s'y conservaient peut-être davantage, à cause que les aînés d'un grand nombre de maisons nobles de cette province occupaient des charges dans le Parlement. Sous Louis XIV et mème plus tard, les aînés des familles nobles des provinces embrassaient moins la profession des armes; la constitution gagnait infiniment à la perpétuité des familles, sans que la défense extérieure de l'Etat en fût moins assurée. Depuis l'établissement de la croix de Saint-Louis, les idées ont pris une autre direction; et je crois que la noblesse s'est beaucoup diminuée à compter de cette époque : l'extrême diminution de la noblesse en France est un fait avéré dont il serait utile de rechercher la cause, et urgent de prévenir l'effet.

> Faites approcher la tribu de Lévi; qu'elle se tienne devant » Aaron, grand prêtre, afin qu'ils le servent et qu'ils veillent à » la garde du tabernacle. » Les familles des lévites étaient de la société; et les autres familles étaient dans la société. Aussi Dieu défend expressément de comprendre les familles lévitiques dans le dénombrement du reste de la nation: « Ne faites point, » dit le Seigneur à Moïse, le dénombrement de la tribu de » Lévi, et n'en marquez pas le nombre avec celui des enfants » d'Israël, mais établissez-les pour avoir soin du tabernacle... » Vous donnerez les lévites à Aaron et à ses fils comme un don que leur font les enfants d'Israël, mais vous établirez Aaron » et ses enfants pour les fonctions du sacerdoce. » La société dévoue ces familles à sa défense; et dès ce moment, distinguées par un engagement particulier, elles ne peuvent s'y soustraire, et leur servitude fait leur distinction, comme leur distinction. fait leur servitude.

D

Les lévites avaient donc la garde héréditaire du tabernacle : ils étaient donc la force publique, conservatrice du pouvoir de la société, puisque le tabernacle était en quelque sorte le pouvoir extérieur de la société, qu'on le consultait dans toutes les affaires politiques, et que les réponses qui en émanaient étaient des ordres pour la nation. Les lévites étaient réellement la noblesse; ils en avaient les fonctions, et les biens mêmes qui leur furent donnés aux dépens des autres tribus avaient part à leur privilége, puisqu'il y avait pour leur maison, qui est, à proprement parler, la propriété de la famille, une substitution qui n'existait pas pour les maisons des autres familles; car il ue faut pas oublier que, dans le dénombrement que fait Moïse de sa nation, il ne compte que par familles et jamais par tétes (1).

Puisque la religion était une société, elle devait être indé

(1) Dieu punit David d'avoir voulu faire le dénombrement du peuple juif. Une société ne doit pas compter les hommes, mais les familles propriétaires. C'est une chose digne de remarque, que Jésus-Christ, dans l'Evangile, tire toutes ses paraboles de la famille propriétaire.

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