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toutes sortes de formes et de mouvements dont se compose l'univers, la matière, dis-je, n'est-elle point elle-même l'être nécessaire? Non, mes enfants, c'est impossible. En effet, un être ne peut exister qu'il ne soit modifié d'une certaine manière, qu'il n'ait telles ou telles qualités; un cercle, par exemple, ne peut pas exister sans sa rondeur. Si donc la matière existe nécessairement, elle a aussi nécessairement telle ou telle modification qui ne peut pas plus changer que son essence même. Or, la matière n'existe nécessairement sous aucune forme, puisque ses formes varient à chaque instant. Elle n'existe nécessairement dans aucun lieu, puisque, en vertu du mouvement qui lui est imprimé, elle en change continuellement. Les modes ou manières d'être de la matière, ne sont donc point nécessaires; d'où il suit que la matière n'existe point nécessairement, qu'elle n'est point, par conséquent, l'être nécessaire, l'être infini. L'être nécessaire est donc distinct essentiellement de la matière et du monde.

D. Tous les hommes croient donc à l'existence de Dieu? — R. Oui, tous les hommes croient à l'existence de Dieu; et dans tous les temps, et dans tous les pays, on a regardé comme des insensés ou des imposteurs ceux qui ont refusé d'y croire.

EXPLICATION.

Tous les peuples, tant anciens que modernes, tant policés que barbares, ont reconnu et reconnaissent qu'il y a un Dieu. Tous se réunissent en ce point, malgré les préjugés, les lois et les climats divers, malgré les habitudes contraires et les formes de gouvernement opposées. Cette persuasion générale da genre humain nous est attestée et constatée par les annales de tous les siècles et par les écrivains de toutes Jes nations. « Vous pourrez trouver, dit Plutarque, (1) des cités privées de murailles, de lois, de la connaissance des lettres; mais un peuple sans Dieu, on n'en vit

(1) Plutarchus, p. 1125, edit. in-fol., an. 1624.

jamais. » — « Il n'y a point, dit Cicéron, de peuple si sauvage, si barbare, qui, même en ignorant ce qu'il faut penser de Dieu, ne sache qu'on doit croire à son existence. » (4) Voici la prière que les brahmanes ou prêtres des Indiens font à Dieu : « J'adore cet être qui n'est sujet ni au changement ni à l'inquiétude; cet être dont la nature est indivisible; cet être dont la spiritualité n'admet aucune composition de qualités; cet être qui est l'origine et la cause de tous les êtres, et qui les surpasse en excellence; cet être qui est le soutien de l'univers, et qui est la source de la triple puissance. >> (2) -Les sauvages de Madagascar ont une prière dont voici le sens : « O Éternel! ayez pitié de moi, parce que je suis passager; ô Infini! parce que je ne suis qu'un point; ô Fort! parce que je suis faible; ô Source de la vie! parce que je touche à la mort; ô Intelligent! parce que je suis dans l'erreur; ô Bienfaisant! parce que je suis pauvre; ô Tout-Puissant! parce que je ne suis rien. » (3) Tous les hommes croient donc à l'existence de Dieu; or, un pareil consentement ne peut être que le résultat de l'examen le plus sérieux et le plus approfondi. Cette persuasion si générale et si constante ne peut venir que de la nature, ou plutôt de l'auteur même de la nature, qui, dès l'origine des choses, s'est manifesté aux hommes et a imprimé sur chaque créature un témoignage irrésistible de son intelligence, de sa sagesse et de sa toute-puissance. Tous les hommes croient à l'existence de Dieu : ce jugement unanime et universel peut-il être une erreur et un préjugé? Non, sans doute. Ou il n'y a rien de sûr et de certain dans nos connaissances, ou il est sûr que la nature né trompe point et tous les siècles et tous les peuples. La nature, dont le langage général ne peut être trompeur et (1) Cicero, de Legibus, 1. 1, no 24.

(2) Lettres édif., t. x, p. 15.

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(3) Flacon, Hist. de Madagasçar, p. 132.

imposteur, crie et annonce à tous les siècles et à tous les peuples qu'il existe un Dieu; donc il existe un Dieu.

L'existence de Dieu étant appuyée sur les preuves les plus nombreuses et les plus invincibles, il n'est pas étonnant que, dans tous les temps, on ait regardé ceux qui ont refusé d'y croire comme des insensés ou des imposteurs. Ne faut-il pas, en effet, avoir perdu l'esprit et abjuré le sens commun, pour ne pas comprendre ce que tous les peuples, même les plus barbares, ont compris : que l'ordre et la beauté de la nature visible ne peuvent devoir leur origine qu'à une intelligence infinie; et cette intelligence infinie peut-elle être autre chose que Dieu? Lorsque le Lapon, (1) du fond des neiges qui le couvrent, entend dans le lointain le bruit du tonnerre, il dit que Dieu vit sur la montagne. Et ce serait au milieu des merveilles de la nature et au sein des lumières de toute la science mondaine, que quelques insensés rejetteraient l'idée même de la Divinité! y a-t-il des mortels assez aveugles? M. de Montrond, un des hommes les plus spirituels de notre siècle, mais qui avait vécu, comme tant d'autres, éloigné des pratiques religieuses, étant tombé dangereusement malade, au commencement de l'année 1844, fit venir M. l'abbé Dupanloup, vicaire général de Paris, aujourd'hui évêque d'Orléans. Dans le premier entretien qu'ils eurent ensemble, M. Dupanloup jugeaà propos de lui demander s'il croyait en Dieu. Il allait compléter cette interrogation lorsque M. de Montrond l'interrompit pour lui répondre : Oui, je crois en Dieu, parce que je ne suis pas un sot. (2) Bernardin de Saint-Pierre disait, en 1798, à ses confrères de l'Institut :

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Si je voulais vous prouver l'existence de l'auteur de la nature, je croirais manquer à vous et à moi-même ; je me croirais aussi insensé que si je voulais démontrer

(1) Habitant de la Laponie, pays très-froid, situé au nord de l'Europe. On y a, dans la partie septentrionale, trois mois de nuit. (2) L'Ami de la religion, no du 4 avril 1844,

en plein midi l'existence du soleil. (1)

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temps, le célèbre Cuvier proclamait aussi, en pleine Académie, que les athées ne sauraient être que des fous ou des fripons. (2)

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D. Comment s'appellent ceux qui admettent l'existence de Dieu et ceux qui ne l'admettent pas? R. Ceux qui admettent l'existence de Dieu s'appellent théistes, et ceux qui ne l'admettent pas s'appellent athées.

EXPLICATION.

Le mot théiste vient du mot grec Oɛós, qui signifie Dieu. Athée, 0Eos, (3) veut dire homme sans Dieu; ce nom est donné avec raison à ceux qui ne veulent point reconnaître l'existence d'une cause première; leur affreuse opinion s'appelle athéisme. Le matérialisme est un véritable athéisme. On entend par matérialisme le système de ceux qui pensent que tout est matière dans l'univers, et qui excluent par là même toute substance spirituelle, créée ou incréée. Selon le matérialiste, il n'y a point de Dieu dans la nature; ou s'il y a un Dieu, ce Dieu n'est autre chose que la matière (4) même qui compose la nature. De même, selon lui, il n'y a point d'âme proprement dite dans l'homme, et ce que l'on appelle l'âme humaine n'est autre chose que la matière même qui forme l'organisation du corps humain. Nous venons de faire voir l'absurdité de l'athéisme et du matérialisme, puisque nous avons démontré qu'il y a un Dieu distingué de cet univers et qui l'a tiré du néant. Nous démontrerons bientôt qu'il y a dans l'homme quelque chose qui est essentiellement distinct de la matière, c'est-à-dire une âme spirituelle et immatérielle.

(1) Vie de Bernardin de Saint-Pierre, par Aimé Martin.
(2) Séance de l'Académie française, du 15 messidor an viii.
(3) D'a privatif et de ɛós, Dieu.

(4) Matière, substance étendue, divisible... Voir ce que nous disons ci-après de la différence essentielle qui existe entre les corps ou la matière et les esprits.

D. Y a-t-il eu, y a-t-il réellement des athées, c'est-à-dire des hommes qui n'aient pas cru et qui ne croient pas à l'existence de Dieu ? R. Il est permis d'en douter.

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EXPLICATION.

-

Qui, mes enfants, il est permis d'en douter, parce qu'il est bien difficile que l'homme, même le plus dépravé, n'entende pas une voix qui lui crie: Il y a un Dieu ! L'impie dit qu'il n'y en a point, mais il le dit dans son cœur ; c'est-à-dire qu'il hait au fond de son âme ce Dieu qu'il ne peut s'empêcher de craindre comme le vengeur des crimes, des abominations auxquelles il s'abandonne; c'est-à-dire qu'il souhaiterait que ce Dieu n'existât pas, et que dans des excès violents de frénésie et de délire il s'efforce de se persuader à lui-même qu'en effet il n'y a point de Dieu. (1) Mais réussit-il à se persuader de cette horrible pensée? Parvient-il à étouffer la voix de la nature, qui lui crie, au dedans et au dehors de lui-même, qu'il est l'ouvrage d'un Dieu tout-puissant? Non, et pour en avoir la preuve, jetez les yeux sur cet impie, lorsqu'il est exposé à quelque danger, voyez-le lever les yeux au ciel, invoquer Dieu à son aide... (2) Il croit donc réellement à l'existence de Dieu, et s'il dit que Dieu n'existe pas, c'est un imposteur qui ment à luimême et à ses semblables. « Je voudrais voir, dit un illustre écrivain, je voudrais voir un homme sobre, modéré, chaste, équitable, prononcer qu'il n'y a point de Dieu; il parlerait sans intérêt; mais cet homme ne se trouve pas. » (3) En d'autres termes, il y a beaucoup d'athées en pratique, beaucoup d'hommes qui, égarés par les vices et par les passions qui les tyrannisent, vivent comme s'il n'y avait point de Dieu. Mais y a-t-il des athées en spéculation, des hommes qui, séduits par les systèmes et les sophismes de l'erreur, nient sérieusement l'Etre éternel, existant par

(1) Dixit insipiens in corde suo: Non est Deus. (Psal. LII, v. 1.) (2) Voir ci-dessus, p. 34.

(3) Caractères de La Bruyère, c. XVI.

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