= LEÇON XXXI. DE L'ENFER. = D. Qu'est-ce que l'enfer? R. L'enfer est un lieu horrible où, étant privé pour jamais de la vue de Dieu, l'on souffre dans le feu des tourments éternels. EXPLICATION. Le mot enfer, inferus, signifie en général un lieu bas et souterrain, retiré de la vue des hommes. Les livres saints donnent le nom d'enfer au lieu où étaient détenues les âmes des justes morts avant la venue de Jésus-Christ, et dans lequel descendit ce divin Sauveur. « Vous ne laisserez point mon âme dans l'en« fer, » (1) est-il dit au livre des Psaumes, c'est-à-dire dans les limbes. Mais on entend plus ordinairement par enfer, le lieu où les damnés sont tourmentés, et c'est dans ce sens que nous prenons ici le mot enfer. L'enfer est un lieu horrible, c'est-à-dire un lieu où se trouvent réunis toutes les douleurs, tous les supplices, où il n'y a ni ordre ni repos, mais où règne une éternelle horreur; c'est le séjour du trouble et de la confusion, et on n'y entend que des cris de rage et de désespoir. - L'enfer est appelé dans l'Écriture, tantôt le puits de l'abîme, (2) à cause de son effroyable profondeur; tantôt le grand lac de la colère de Dieu, (3) à cause de sa vaste étendue; tantôt l'étang ardent, (4) tantôt la fournaise de feu; (5) et les malheureux qui y sont plongés s'appellent (1) Non derelinques animam meam in inferno. (Psal., xv, 10.) Au XVIe siècle, il y eut des hérétiques qui soutenaient que pendant les trois jours de la sépulture de Jésus-Christ, son âme descendit dans le lieu où souffrent les damnés, et y fut tourmentée avec ces malheureux. On donna le nom d'infernaux à ces hérétiques, qui ne tardèrent pas à être condamnés par l'Église. (2) Et data est ei clavis putei abyssi. (Apoc., IX, 1.) (3) Misit in lacum iræ Dei magnum. (Ibid., xiv, 19.) (4) Pars illorum erit in stagno ardenti igne et sulphure. (Ibid., xx1, 38.) (5) Et mittent eos in caminum ignis. (Matth., XIII, 42.) les damnés ou les réprouvés. Réprouvé signifie qui est rejeté et maudit de Dieu; damné vient du mot latin damnum, qui veut dire perte, et on l'applique aux malheureux qui sont dans l'enfer parce qu'ils ont perdu Dieu pour l'éternité. D. Est-il bien certain qu'il y ait un enfer? R. La foi nous enseigne qu'il y a un enfer, et la raison nous en démontre l'existence. EXPLICATION. 4° La foi nous enseigne qu'il y a un enfer, et il n'est point de vérité plus souvent ni plus expressément marquée dans les livres saints. « La voie « des pécheurs, est-il dit au livre de l'Ecclésiastique, est << unie et pavée de pierres, mais elle conduit à l'en« fer.» (1) « Le riche mourut, et il eut l'enfer pour « sépulture; ainsi s'exprime Jésus-Christ dans l'Evangile selon saint Luc. (2) L'Ancien Testament et le Nouveau renferment une foule de passages non moins formels. 2o La raison démontre l'existence de l'enfer. En effet, il y a un Dieu, donc il y a un enfer; ces deux vérités sont une conséquence nécessaire l'une de l'autre. S'il y a un Dieu, il est souverainement juste et équitable. Si Dieu est juste, nul crime ne doit demeurer impuni. Or, il est évident que tous les crimes ne sont pas punis en cette vie; il y a donc après cette vie un lieu de justice et de punition; il y a donc un enfer. « S'il n'y a point « d'enfer, dit saint Justin, il n'y a point de Dieu; ou « bien s'il y en a un, il est indifférent sur le bien ou sur « le mal. Il n'y a donc ni vice ni vertu, et c'est injus«tement que les législateurs ont décerné des peines « contre les transgresseurs des lois. Que s'ils ne sont pas « injustes, le chef des législateurs ne saurait l'être, lui « qui n'ordonne rien que par sa suprême sagesse.» (3) « Il en est parmi nous, dit saint Jean Chrysostôme, (1) Via peccantium complanata lapidibus, et in fine illorum inferi. (Eccl., XXI, 11.) (2) Luc., XVI, 22. (3) S. Justin, apud Guillon, t. 1, p. 317. a qui, abandonnés tout entiers aux impressions de la « chair, ne vivent que pour le temps présent, et s’ima ginent qu'il n'y a point de vie future. Leur grand « argument, c'est que Dieu est trop bon pour qu'il y ait << des châtiments à craindre après la mort. Oui, certes, « Dieu est bon, mais il est juste; et, cela posé, où serait « la justice en Dieu, de permettre qu'on l'outrage, que « l'on méconnaisse ses bienfaits, que l'on brave ses « menaces? Offenser quelque homme que ce soit, c'est << un crime punissable, aux termes de la seule justice a humaine; mais s'en prendre à son bienfaiteur, au « Dieu sans qui l'on n'existerait pas, n'est-ce done point « là un attentat qui repousse toute miséricorde? Dieu « est bon, dites-vous, et, parce qu'il est bon, il ne a doit pas punir. Insensé qui tenez ce langage, pourquoi « cesserait-il d'être bon en vous punissant! Quoi! vous « péchez et vous ne voulez pas être puni ! Mais sa bonté « vous en avait prévenu; elle essaya de vous en détourner « par les menaces qu'elle faisait retentir à votre oreille; « elle multiplia autour de vous les secours pour aller « au-devant de vos chutes; elle s'est épuisée pour votre « salut. Mais s'il n'y a point de châtiment à craindre << pour le coupable, un autre viendra nous dire qu'il « n'y a pas davantage à espérer pour les justes. Et « qu'est-ce donc alors que ce que vous appelez la justice « en Dieu?... S'il n'y avait rien à craindre après la « mort, quel frein resterait-il aux pervers? Si la crainte « même du châtiment dont il est menacé ne suffit pas a toujours pour le détourner du crime, que sera-ce << quand il se verra affranchi de cette crainte?» (1) D. L'enfer a-t-il été reconnu par les païens?— R. Oui, l'enfer a été reconnu par les païens. EXPLICATION.« Il faut, dit l'illustre docteur que << nous venons de citer, que l'existence d'un enfer soit (1) S. Jean Chrysostôme, apud Guillon, t. xv1, p. 354, 355. « une vérité bien incontestable, puisqu'elle s'était fait << sentir au milieu des ténèbres du paganisme. Parcourez à les livres des poëtes, des philosophes, des orateurs a païens, partout vous les entendrez parler d'un séjour « de récompense pour les âmes vertueuses, et d'un lieu a de supplices pour les méchants après la mort. Ils a nous parlent de fleuves infernaux, d'un Tartare, et a de châtiments divers auxquels les méchants sont « enchaînés; de champs Élysées où ceux qui ont bien a vécu goûtent après la vie des plaisirs purs au sein « de campagnes riantes... Voilà où les avaient conduits « les seuls principes de la raison et de la justice << naturelle. » (1) D. Combien de sortes de peines souffre-t-on dans l'enfer? R. Deux sortes: la peine du dam et la peine du sens. D. En quoi consiste la peine du dam? consiste dans la privation de la vue de Dieu. R. La peine du dam EXPLICATION. - Le premier tourment de l'enfer, qu'on appelle la peine du dam, du mot latin damnum, lequel, comme nous l'avons déjà dit, signifie perte, est la privation de la vue de Dieu; peine cruelle, tourment insupportable au delà de tout ce que nous pouvons imaginer ici-bas de plus rigoureux. L'âme de l'homme ne peut être satisfaite que par la possession de Dieu; il y a en elle un penchant violent et irrésistible qui la porte vers lui comme vers son souverain bien. Ce penchant est arrêté et suspendu, pendant cette vie, par une infinité de créatures qui l'attachent et qui la trompent sans pouvoir la satisfaire;... mais, dès que l'âme du pécheur est séparée de son corps, éloignée de tous les objets qui l'attachaient ici-bas, elle se trouve dans un vide affreux qu'elle veut remplir en s'unissant à Dieu. Emportée par l'impétuosité de ses désirs, elle s'élance vers lui comme (1) S. Jean Chrysostome, apud Guillon, t. xvi, p. 356. vers le centre unique de son repos ; mais Dieu la repousse avec indignation et la bannit à jamais de sa présence : Retire-toi, maudite, retire-toi! tu as abandonné ton Dieu, il t'abandonne à son tour; jamais tu ne jouiras de sa présence, et éternellement tu en seras séparée par un intervalle immense que tu ne pourras jamais franchir. « Comprends maintenant quel mal c'est pour toi d'avoir << abandonné ton Créateur et de t'être révoltée contre « lui. » (1) Ah! elle ne le comprend que trop, l'infortunée! Elle a perdu son Dieu, elle l'a perdu par sa faute, elle l'a perdu pour un plaisir d'un moment, elle l'a perdu pour toujours, ce bien suprême, universel, infini, et en le perdant elle a tout perdu et elle s'est perdue elle-même !... Pensée accablante, pensée désespérante qui la tourmentera pendant toute l'éternité. C'est là ce ver dont il est parlé dans l'Evangile, ce ver rongeur qui dévore le réprouvé, qui ronge toujours et ne se rassasie ni ne meurt jamais. (2) C'est là de tous les tourments le plus insupportable, de tous les supplices le plus affreux, de tous les malheurs le plus accablant. Ainsi en ont pensé tous les saints : « Avoir perdu pour « jamais le royaume du ciel, c'est là, dit saint Jean << Chrysostôme, un genre de supplice plus rigoureux « mille fois que toute l'activité des feux dévorants. Je «sais bien qu'il est des hommes qui n'ont peur de l'enfer a que pour l'enfer lui-même; je n'en affirme pas moins << qu'il y a quelque chose de pire. Que je ne puisse << rendre toute ma pensée par des paroles, n'en soyez « pas surpris. Pour bien concevoir le malheur qu'il y a a de perdre le royaume du ciel, il faudrait pouvoir a comprendre le bonheur de ceux qui en jouissent. » (3) « Le mauvais riche dans les enfers, dit saint Pierre (1) Scito, et vide, quia malum et amarum est reliquisse te Dominum Deum tuum. (Jer., II, 19.) (2) Vermis eorum non moritur. (Marc., 1x, 43.) (3) S. Jean Chrysost., apud Guillon, t. xvi, p. 581. |