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EPUB

DE

LITTÉRATURE

CHRÉTIENNE,

Contenant :

1 UNE ANALYSE LITTERAIRE COMPLÈTE DES LIVRES SAINTS, DES ÉTUDES SUR LES PÈRES
'ET LES HAGIOGRAPHES LES PLUS CÉLÈBRES;

2° UNE APPRÉCIATION ET UNE ANALYSE DÉTAILLÉE DES BEAUTÉS DE L'OFFICE DIVIN

TANT EN GÉNÉRAL QU'EN PARTICULIER;

3o DES DISSERTATIONS SPÉCIALES ET ENTIÈREMENT NOUVELLES SUR LES DIFFÉRENTS GENRES
ET LES ESPÈCES DIVERSES DE LA LITTÉRATure chrétienne;

4 DES CITATIONS ET DES EXERCICES FORMANT UN COURS INÉDIT ET COMPLET

DE LITTÉRATure.

PAR A. L. CONSTANT,

Ancien professeur au petit séminaire de Paris.

PUBLIÉ

PAR M. L'ABBÉ MIGNE,

ÉDITEUR DE LA BIBLIOTHÈQUE UNIVERSELLE DU CLERGÉ,

ου

DES COURS COMPLETS SUR CHAQUE BRANCHE DE LA SCIENCE ECCLÉSIASTIQUE.

PRIX: 7 FRANCS.

BIBLIOTH

DE LA

VILLE DE

LYOR

TOME UNIQUE.

S'IMPRIME ET SE VEND CHEZ J.-P. MIGNE, ÉDITEUR,

AUX ATELIERS CATHOLIQUES, RUE D'AMBOISE, AU PETIT-MONTROUGE,
BARRIÈRE D'ENFER DE PARIS.

1851

PRÉFACE ET, INTRODUCTION.

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Il manque aux études catholiques un cours spécial et complet de littérature chrétienne : nous n'avons pas eu la prétention de pourvoir à cette lacune, mais nous avons recueilli soigneusement, patiemment et consciencieusement, des matériaux qui pourront servir à la combler.

Lorsque Julien l'Apostat eut la folle espérance d'éteindre le christianisme dans l'ignorance et dans le mépris, il essaya d'interdire aux chrétiens l'étude des lettres humaines; que n'a-t-il réussi dans sa ridicule entreprise nous en aurions eu plus tôt fini avec cette phraséologie païenne qui faisait paraître barbare et trop simple le langage du Verbe incarné! nous n'aurions pas tiré si longtemps les lisières de Cicéron et de Virgile, et cette langue d'une société morte, cette littérature qui s'est flattée de renaître lorsque l'unité catholique, seule sauvegarde de la foi chrétienne, semblait agoniser en Europe, cette expression désormais insignifiante d'une domination détrônée, la littérature profane, en un mot, n'eût pas préparé les voies à cette philosophie ramassée dans les cendres de Rome et d'Athènes, qui préfère les augures aux apôtres, et l'aveugle Fatum si propice au libertinage, à l'œil toujours ouvert de la providence divine.

Lorque Julien eut cette pensée, il y avait dans le christianisme des hommes qui en comprenaient parfaitement les beautés et la puissance, et qui ne craignirent pas de concevoir une littérature nouvelle. Une seule chose les en empêcha, ce fut la réminiscence des vieux auteurs: il était difficile d'accoutumer au néologisme chrétien les lèvres classiques des prêtresses d'Homère. Les essais de saint Grégoire de Nazianze furent donc plutôt une innovation dans la poésie antique, qu'une véritable création de la littérature nouvelle. D'ailleurs, la littérature nouvelle était-elle encore à créer? l'humanité, relativement au paganisme, n'avait besoin alors que d'oubli car c'étaient les réminiscences du temps qui l'empêchaient de se souvenir de l'éternité. Le beau comme le vrai, en effet, n'est pas une chose qui s'innove ou qui s'invente. Des croyances factices avaient dû enfanter une littérature factice et fardée. Ce qu'il s'agissait de créer, c'était le souvenir de la vérité et de la beauté éternelles. La fille de l'écume des flots, Aphrodite la capricieuse, devait faire place à celle que le Verbe a choisie pour mère, et

DICTIONN. de Littérature chrét.

que le Père, dès l'origine des siècles, avait conçue sans ombres et sans souillure.

Trop longtemps encore après que la croix a purifié les solitudes de Lucrétile ou de Tibur, nous avons appris dans Horace le rhythme des cantiques divins. Qu'avonsnous à démêler avec Bacchus et son cortége? que nous importe le vent qui a soufflé sur les cendres de Ligurinus ou de Nérée, et pourquoi nous apprend-on encore à compatir aux infortunes de Didon, la femme vaine et adultère, quand nous ne savons pas encore pleurer avec cette mère sans tache qui souffre au pied de la croix où son fils expire!

Stabat mater dolorosa

Juxta crucem lacrymosa, Dum pendebat filius.

Nous avons tous encore été nourris dans l'erreur qui retint si longtemps saint Augustin captif des prétendues chaînes d'or qui sortent de la bouche du vieil Hermès. Nos vieux professeurs ont sollicité pour la Bible et pour l'Evangile notre indulgence cicéronienne, nous nous sommes faits, à notre tour, les Olibrius de nos saints martyrs, et nous avons fait comparaître les apôtres devant notre férule. Nous avons toisé avec des centons de Virgile écrits sur le papier écolier qui nous sert de mesure, les grandes métaphores des prophètes et des Pères, et si nous ne nous sommes pas érigés en petits Procustes, c'est que, bien heureusement, l'autorité infaillible ne confiait à notre main ni les tenailles, ni les ciseaux.

Il est temps que ce malentendu finisse, et que les écoliers cessent de condamner les maîtres. S'il n'y a pas une vérité au monde qui ne soit sortie de la Bible, disons aussi, avec.non moins de certitude, que dans toutes les littératures du monde il n'existe pas une véritable et incontestable beauté qui n'ait dans la Bible son autorité et son modèle. Le beau n'est que la forme naturelle du vrai, et l'absolu dans la beauté accompagnera toujours l'absolu dans la vérité.

Nous établissons donc ici qu'il existe un ordre de beautés particulier au christianisme, et qui doit transfigurer complétement la littérature et les arts: beautés vraies, qu'il faut opposer aux beautés conventionnelles ou feintes de la littérature profane; beautés révélées, puisque le Saint-Esprit lui-même, en parlant aux hommes, n'a pas dédaigné les figures du langage et les har

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monies poétiques. D'ailleurs, tout a changé dans le monde à l'avénement du christianisme, et la loi nouvelle a modifié profondément tous les esprits et tous les cœurs. Ce qui était en haut, dans les choses et dans les opinions humaines, a été mis en bas, et ce qui était en bas a été relevé en haut : est-ce que ces grandes révolutions du verbe ont pu s'accomplir sans que la forme du verbe, qui est la parole, fût changée et dans son esprit et dans ses goûts? Donneronsnous la même parure à la vierge sainte Cécile qu'à la muse Euterpe? peindrons-nous l'ange Gabriel avec les traits de Cupidon? Des artistes l'ont fait et se sont rendus ridicules. Les chastes personnifications du spiritualisme sont travesties et même profanées lorsqu'on leur prête les attributs et les grâces hétérogènes des divinités de la chair. Il est vrai que la prétendue renaissance a tout confondu, et que les révoltes du sensualisme ont porté leurs attentats jusque sur les objets consacrés au culte de la mortification et de la sainte douleur. Depuis cette époque, nous vivons dans un véritable chaos, où la lumière lutte partout avec les ténèbres. C'est pourquoi nous devons nous réjouir car plus le combat a duré, plus il approche de sa fin, et quand les éléments qui se heurtent dans le conflit moral que nous traversons rentreront enfin dans l'ordre et feront place à la lumière, il se lèvera sur le monde un soleil dont nos plus beaux jours passés auront à peine valu les ombres!

Alors la littérature chrétienne renaîtra : car la vie aura sa renaissance, comme la mort la sienne; et le monde saluera avec des transports de joie et d'amour cette muse nouvelle rayonnante de toutes les gloires du Thabor et couronnée de toutes les épines du Calvaire; cette muse dont la céleste beauté ressemblera à celle de Marie, parce qu'elle aussi sera mère et vierge tout à la fois : mère, parce que jamais inspiration plus féconde n'aura donné au génie humain une impérissable famille de chefs-d'œuvre, et vierge, parce que les souvenirs de la muse profane n'approcheront jamais de sa pensée, parce que les voluptés terrestres ne profaneront jamais son sourire, parce qu'enfin les passions humaines ne traverseront jamais de leurs rides la sérénité de son front!

Lorsque le Saint-Esprit descendit sur les apôtres sous la forme de langues de feu, il les arma de la toute-puissance du Verbe, et leur inspira non-seulement la vérité, mais l'éloquence pour la bien dire. Saint Paul, qui se vantait d'ignorer les artifices de la parole, n'en est pas moins un sublime orateur; et lorsqu'il brûlait les livres du vieux monde, ce n'était pas pour anéantir les lettres et les sciences, mais pour faire place à une science et à une littérature nouvelles. Les formes littéraires sont comme le vêtement de la pensée; or la pensée sensuelle et matérialiste du vieux monde était morte d'une maladie contagieuse; que faire de ses vêtements, sinon les brûler? L'esprit humain avait besoin d'une robe blanche

et neuve au sortir de la piscine baptismale; tout était renouvelé par la loi nouvelle : il y avait un nouveau ciel et une nouvelle terre. A de nouvelles inspirations il fallait un nouveau langage. Que le Verbe du Christ habite en vous abondamment, disait saint Paul aux Colossiens; instruisez-vous dans toute la sagesse, vous avertissant vous-mêmes par des chants (psalmis), des hymnes et des cantiques spirituels, laissant chanter dans vos cœurs la grâce de Dieu. C'est ainsi que l'Apôtre indique les sources célestes de la nouvelle poésie, et la fait remonter à une inspiration réelle. « C'est le cœur qui fait l'éloquence, »> avait dit un ancien, et l'Ecriture nous apprend que Dieu est le maître des cœurs. La poésie est aussi la voix du cœur, dont elle exprime les affections, les enthousiasmes et les désirs; mais ces désirs, ces affections, ces enthousiasmes peuvent être de la sagesse ou de la folie la poésie qui émane des passions exaltées est donc elle-même une folie, puisqu'on peut dire qu'elle est ce qu'elle exprime. La poésie de la sagesse chrétienne, au contraire, étant la forme de la sagesse, fait aussi partie de la sagesse, dont elle représente l'harmonie et la beauté. Saint Paul, enumérant les caractères de la vraie sagesse, dit en premier lieu qu'elle est chaste (pudica est), et tel est aussi le premier, le grand, l'ineffaçable caractère de la poésie et de toute la littérature chrétienne. Les anciens avaient bien dit que les muses étaient vierges; mais aux discours qu'ils leur faisaient entendre et répéter, on reconnaissait bien que c'étaient des vierges folles. Quelle gravité pouvait conserver en effet la virginité de Terpsichore, lorsqu'elle accompagnait de sa danse lascive les molles chansons d'Erato? Comment Thalie pouvaitelle être vierge et rire sous son masque des immoralités de Plaute? La muse chrétienne, au contraire, n'a jamais transigé et ne transigera jamais avec le vice: elle a aussi des larmes et des sourires, mais c'est pour la vertu et l'innocence. Les roses de sa couronne ne se sont jamais flétries à la vapeur de l'encens qui brûle sur les autels de l'impudique Vénus, ni effeuillées dans les orgies d'Anacréon; elle n'est pourtant rigoureuse et sévère que dans la haine du mal; elle approuve tout ce qui est bien, accueille tout ce qui est aimable, admet tout ce qui est juste, glorifie tout ce qui est honorable, toujours suivant la doctrine du grand apotre. Elle se plaît au milieu des jeunes vierges et se joue avec les enfants; elle résiste aux puissances de la terre avec les martyrs, tonne contre l'iniquité par la voix des prophètes et des Pères. Tour à tour héroïque et enfantine, pleine de douceur et de force, pacifique et guerrière, ceinte d'épines sanglantes ou parée de lis dont rien ne flétrit la blancheur, elle prie, elle pleure, elle bénit, elle menace, elle sourit, elle console. Les vertus dont elle dispose sont celles de toute la hiérarchie céleste, et dans les chœurs des anges elle se reproduit neuf fois toujours différente et toujours la même. Elle rem¬

place ainsi toute seule les neuf muses qu'elle à détrônées. Le compas d'Uranie mesure dans sa main plus hardie l'orbe des roues étoilées qui tournaient devant Ezéchiel; elle a remplacé par la Bible le livre de Clio, et en a distribué les trompettes aux anges de l'Apocalypse. Pour remplacer les sept autres muses, elle prend les traits et les attributs des sept vertus chrétiennes; ses carac¬ tères sont ceux de la charité elle-même, dont elle est l'organe.

Elle est patiente, elle est bonne, elle n'est point jalouse, contrairement au génie de ces poëtes qu'Horace appelle une espèce irascible.

Elle n'est point inconvenante, elle évite l'enflure, ce qui la distingue spécialement du romantisme et du cynisme de nos écrivains modernes.

Elle n'est point ambitieuse, elle ne cherche point sa propre gloire, bien différente en cela de tous les écrivains profanes.

Elle ne se met point en colère et ne pense jamais le mal, condamnant ainsi les satyriques et les déclamateurs antisociaux.

Elle ne met pas sa joie dans le désordre, comme les exploiteurs de la littérature du crime; mais elle se complaît dans la vérité, ce qui la rend étrangère aux polémiques du journalisme et aux invectives des partis. La patience, la foi, l'espérance, la tolérance de tout ce qui n'atteint pas l'honneur de Dieu, l'abnégation de soi-même, le dévouement pour les autres, tel est, dans toute son analyse, le génie de la littérature chrétienne, parce que c'est le génie du christiatianisme, dont cette littérature doit reproduire uniquement les sentiments et les pensées.

La bouche parle de l'abondance du cœur, disent les saintes lettres; l'homme dit ce qu'il sait or la science du chrétien ne doit pas différer de celle de l'Apôtre, qui a eu le droit de dire: Soyez mes imitateurs, comme ie le suis de Jésus-Christ. Or quelle était la science de saint Paul? « Rien, disait-il luimême, si ce n'est Jésus-Christ, et JésusChrist crucifié. Non existimavi me scire aliquid, nisi Jesum Christum et hunc crucifixum.» Or, puisque notre science c'est le Crucifié, puisque notre amour est également attaché à la croix, Amor meus crucifixus est, notre parole doit être le Verbe de la croix, Verbum crucis, et nous devons trouver sur le Calvaire le type complet de notre littérature chrétienne. En effet, le médiateur placé entre le ciel et la terre, qui souffre, saigne et prie pour ses bourreaux, voilà la plus haute expression de la poésie et de la philosophie moderne. Sous les bras étendus de ce Verbe crucifié, la société ancienne et la société nouvelle sont figurées par les deux Marie, toutes deux belles, mais d'une beauté si différente: l'une prosternée, parce que le sensualisme rendait la femme esclave; l'autre debout, parce que la chasteté l'émancipe; la courtisane stérile et la vierge mère, cette

double antithèse vivante qui consacre pa son rapprochement la fraternité de l'innocence et du repentir. Puis, saint Jean, le théologien, le confident des secrets du Verbe: In principio erat Verbum; celui qui a vu dans le cœur de son maître le commencement et la fin de toutes choses, le prophète à la double vue, qui, sans avoir besoin de la monstruosité de Janus aux deux visages, regarde en même temps avec le même regard d'aigle dans le passé et dans l'avenir. Foi, contemplation, raison soumise, espérance illimitée, amour humain réparé par la pénitence; amour divin consacré par le sacrifice du fils et de la mère; prière, bénédiction, pardon, larmes, consolation et promesse, tout est là, tout complète la pensée de l'avenir, tout ce que peuvent chercher l'intelligence et l'amour, tout ce qui peut s'exprimer par une parole harmonieuse, une littérature complète, un monde moral nouveau, une éloquence vivante, mourante et immortelle, une synthèse de toutes les affections, de toutes les espérances, de toutes les craintes humaines, de tous les héroïsmes. surhumains, concentrée, résumée et exprimée par un seul cri d'angoisse, d'agonie, de mort, de résurrection prochaine, de joie et de triomphe, voilà le mystère du Calvaire conçu dans ses rapports avec la littérature chrétienne; voilà la création d'un nouveau monde; voilà le Verbe abrégé, Verbum abbreviatum, dont l'analyse doit remplir désormais dans tous les ages les œuvres de l'esprit humain. Voilà la sagesse nouvelle qui sort de la fontaine baptismale régénérée dans le sang d'un Dieu, et qui marche parée de pourpre et de blancheur, dans ses vêtements splendides, à la conquête de l'avenir, en chantant le cantique de sa mère :

« Je suis sortie de la bouche du Très-Haut, et je suis l'aînée de toutes les créatures. C'est moi qui fais lever dans le ciel une lumière impérissable, et j'en ai couvert la terre comme d'une nuée splendide. Ma demeure est dans les hauteurs éternelles, mon trône est sur la colonne de nuée. J'ai parcouru seule le cercle du ciel, je suis descendue dans le profond de l'abîme, et j'ai marché sur les flots de la mer. Je me suis arrêtée sur toute la terre et chez tous les peuples, et partout on m'a nommée reine. J'ai mesuré par ma vertu les cœurs des superbes avec ceux des humbles : les grands et les petits m'ont préparé une demeure, et j'y resterai comme dans l'héritage de Dieu!

« J'ai reçu les ordres et la parole du Créateur de toutes choses, et celui qui m'a créée s'est reposé dans ma demeure; et il m'a dit que Jacob soit ta patrie, et Israël ton héritage; étends tes racines dans l'âme de tous mes élus. Depuis le commencement et avant tous les siècles je suis créée, et dans le siècle futur je ne finirai pas; et j'ai servi sa volonté dans sa demeure sainte.

<< Ainsi je me suis affermie dans Sion, ainsi j'ai trouvé mon repos dans la cité sanctifiée; et Jérusalem est en ma puissance. J'ai jeté

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