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taire lui-même, un témoignage suffit. Pour croire le mal, ce n'est pas assez de cent. » Or, ici, il n'y en a qu'un, et encore Le Dieu se désavoue-t-il en effaçant ses premières impressions.

Ce qui est plus intéressant, c'est la contribution à l'histoire de la vie littéraire de Bossuet que vient de fournir le P. Griselle par le Fragment inédit de Le Dieu sur l'éducation du Dauphin. Il appartenait d'abord à M. Floquet; il est maintenant à M. Gasté, professeur à l'Université de Caen. Il paraît avoir été rédigé en mai 1704.

On y voit qu'avec la Fable latine In Locutuleios, Bossuet vait composé pour son royal élève « trois ou quatre pièces manuscrites » que possédait Le Dieu et « qui sont de la pureté du siècle d'Auguste et du style de César et de Salluste pour la narration ».

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On y voit encore que Bossuet avait écrit pour l'éducation du Dauphin << des marques très singulières sur les conjonctions et autres particules indéclinables », remarques distinctes de ce qu'on a publié de lui sur « les verbes de signification contraire ».

De plus, « dès que M. de Condom fut auprès de Mgr le Dauphin, il commença par lui dresser des formules de prières, un Catéchisme », dont le P. Griselle annonce la publication prochaine dans la Revue Bossuet.

<< Dans le voyage d'Allemagne (en 1680, pour le mariage du Dauphin), M. de Condom fit aussi des vers, dit Le Dieu, dont je n'ai aucune connaissance : j'ai seulement ouï conter ce fait à M. de Fleury, évêque de Fréjus, qui en parlait comme ayant vu les vers. »

Ce qui est encore plus important, c'est le témoignage de Le Dieu sur le Discours sur l'Histoire universelle : « C'était un dessein, disait-il (Bossuet), qu'il avait conçu dès sa jeunesse et aussitôt qu'il eut puisé ses premières lumières de la vérité de la religion dans la sainte Écriture et dans les saints Pères... Il aurait jeté sur le papier une espèce de préface sur un abrégé de l'histoire universelle qu'il faisait voir à Mgr le Dauphin, pour lui en montrer l'utilité et la manière de la lire avec fruit; ses amis trouvèrent ce projet si beau qu'ils l'ex

hortèrent à le conduire à sa perfection. Aussi, au lieu d'une simple préface sur l'histoire, il en fit un discours plein de réflexions très utiles, qui devint la seconde partie de l'ouvrage, parce qu'il suit l'abrégé historique, à la tête, qui en était la matière et le sujet, et y joignit la 3o partie qui est la chute des Empires ».

<< Ce récit de la genèse du Discours sur l'Histoire universelle », comme l'appelle le P. Griselle, page 4, note 3, n'avait encore été donné par aucun historien, par aucun éditeur de Bossuet. Il en sera question plus longuement dans un autre passage de ce livre (1).

Le Fragment inédit de Le Dieu nous apprend, encore que Bossuet, après « avoir fait voir (à son élève) la meilleure. partie » de la Politique tirée des propres paroles de l'Écriture sainte, «< voulait enfin mettre cet ouvrage en état de paraître sous son nom »; cependant des occupations plus pressées retardèrent l'exécution de ce dessein, jusqu'à ce que M. le duc de Beauvilliers, M. l'abbé de Fénelon et les autres chargés de l'éducation de M. le duc de Bourgogne pressèrent tellement M. de Meaux de leur donner la Politique, qu'il la leur promit en 1692 pour l'année suivante. « Oui, leur dit-il familièrement en bon ami, je vous en mettrai dans un an la clef à la main », comme un architecte parle d'un bâtiment qu'il doit achever à temps marqué. Mais en 1693, « les premiers commencements » du Quiétisme empêchèrent Bossuet de tenir sa promesse.

Le Dieu donne aussi, dans le Fragment inédit publié par le P. Griselle, les détails les plus intéressants sur la composition de l'Histoire de France, dont les Mémoires parlent à peine. Bossuet << en faisait de vive voix de courts récits (à son élève) qu'il obligeait de répéter, et en même temps il les lui faisait écrire en français de sa main. C'était ensuite la matière d'un thème qui se corrigeait avec beaucoup d'attention en français et en latin, si bien que ce travail ayant duré quelque temps, se trouva un commencement d'histoire suivie, dont on pouvait espérer de faire un corps complet.... J'en ai à moi une

(1) Bossuet historien, tome II d'Autour de Bossuet.

copie qui servira à faire connaître le mérite de l'ouvrage. »

Il y a là une réponse décisive, ce semble, à l'opinion du` cardinal de Bausset (1), et de M. Gosselin, qui ne voulaient pas qu'on regardât proprement l'Histoire de France « comme l'ouvrage de Bossuet, quoiqu'il en eût dirigé la rédaction et rédigé même quelques fragments ». Bien qu'écrite en grande partie par le Dauphin, l'Histoire de France n'est pas son œuvre, mais celle de Bossuet, qui la lui dictait, comme l'Histoire de la Conquête de Constantinople est bien certainement de Villehardouin, qui dit pourtant plusieurs fois qu'il l'a << dictée ».

Enfin, le Fragment inedit de Le Dieu nous donne des détails nouveaux sur « la vie toute chrétienne et toute philosophique » de Bossuet à la cour, « qu'il ne cessait d'édifier », « au milieu d'un grand nombre d'amis, tous gens d'esprit et de lettres, théologiens et philosophes », et sur le Petit « Concile, établi chez M. de Condom, (qui) y attira tous les ecclésiastiques de la cour. Ce fut une lecture de la Sainte Écriture, qui commença (dès) le séjour de la Cour à Saint-Germain en 1673, un premier dimanche de l'Avent, à l'issue du sermon pour tenir lieu de vêpres, parce qu'on ne disait point de vêpres ni dimanches ni fêtes dans la chapelle du château de Saint-Germain, si ce n'est aux grandes fêtes qu'il y a office pontifical, ou que le service se fait par les officiers de la grande chapelle. Comme c'était l'Avent, on lut Isaïe dans cette assemblée, à qui est demeuré depuis le nom de Concile, parce qu'on n'y parlait que de science (de la) Sainte Écriture et d'affaires ecclésiastiques. >>

Tout cela offre un intérêt de premier ordre pour l'histoire de la vie et des ouvrages de Bossuet. Il faut donc payer au P. Griselle le tribut de reconnaissance que mérite la publication urgente d'un manuscrit « qui s'émiette et qui s'en va en poussière» et « pour le vœu, qu'il formule après M. Gazier, d'une histoire des œuvres » du grand évêque.

Elle serait vaste et capable d'effrayer « peut-être toutes les entreprises ». Mais ne peut-on pas « espérer, du moins, que,

(1) Histoire de Bossuet, IV, no 1.

suivant la méthode de la division du travail, quelques monographies rendront possible un jour une œuvre d'en

semble »?

Au P. Griselle revient le mérite d'avoir singulièrement facilité la tâche de quiconque voudra écrire « l'histoire des ouvrages composés par Bossuet durant son préceptorat ».

1898-1900.

III

La Bibliographie de Bossuet (1).

M. Brunetière félicitait chaleureusement M. Bengesco d'avoir publié une Bibliographie de Voltaire en quatre volumes, très intéressants et très précieux pour l'histoire même du patriarche de Ferney et de son souple et multiple génie. Ne faut-il pas féliciter, pour les mêmes raisons et aussi cordialement, M. l'abbé Bourseaud de nous avoir donné une Bibliographie à peu près complète des œuvres de celui qui est « le plus grand nom de la littérature française »>?

Que cette Histoire et description des manuscrits et des éditions originales de Bossuet ait coûté à l'auteur «< un travail de plusieurs années et de longues et pénibles recherches », personne n'en doutera, en voyant la scrupuleuse exactitude. avec laquelle M. Bourseaud relève les détails les plus minutieux. Mais on lui en saura d'autant plus gré que ce travail << précise et éclaire souvent les œuvres de Bossuet ». En décrivant les manuscrits et les éditions originales de l'évêque de Meaux, son nouvel historien déclare n'avoir pour but « que de considérer les dehors du temple et les voies qui y mènent, afin d'en faciliter l'accès aux lecteurs qui désirent y entrer ». Mais il ne peut se défendre lui-même d'admirer « la nourriture substantielle » qu'on trouve dans les œuvres de Bossuet, tant

(1) Histoire et description des manuscrits et des éditions originales des ouvrages de Bossuet, avec l'indication des traductions qui en ont été faites, et des écrits auxquels ils ont donné lieu à l'époque de leur publication, par M. BOURSEAUD, prêtre, licencié en théologie. 1 vol. in-8; 1re édition, 1897; Saintes. Bibliographie critique de Bossuet, par M. l'abbé Ch. Urbain, parue dans la Revue des Études historiques, décembre 1899-janvier 1900, et depuis tirée à part.

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