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gnage de la grandeur du monde jusque dans son élément le plus vil. Que serait-ce si j'allais plus loin, si je vous faisais entendre cette fameuse parole Le Verbe a été fait chair? Si je vous montrais la poudre dans son éternel hyménée avec Dieu? Mais ne dépouillons pas l'avenir au profit du présent; laissons un nuage sur le Thabor de la vérité, et achevons ce discours en vous montrant comment Dieu a communiqué au monde sa perfection morale.

La perfection morale de Dieu se résume en deux mots : Justice et bonté. Pour que le monde en reçût communication, il ne suffisait pas que l'homme et les esprits supérieurs fussent doués de la double faculté de connaître et de vouloir, de connaître le bien et de le réaliser; il leur fallait encore un autre don, celui de choisir entre le bien et le mal. Car, sans ce libre choix, qu'eût été en eux, soit la justice, soit la bonté? Une perfection nécessaire, dénuée de tout mérite personnel, et qui eût fait de leur vie un enchaînement d'actes irrésistiblement commandés et accomplis. Or, en Dieu, dont il s'agissait de reproduire la perfection totale, cette fatalité n'existe pas. Dieu est un être libre. Retenu naturellement dans l'ordre immuable de son essence, il agit au dehors avec une pleine liberté; il crée ou ne crée pas, il donne dans le temps et dans la mesure déterminés par son souverain vouloir; et lors même qu'il reste en dedans de ses opérations nécessaires, comme le sont les rapports des trois personnes divines, il ne subit le joug de

rien qui soit extérieur à lui. Il n'est ni commandé ni nécessité. Si, au contraire, l'homme et les esprits purs n'avaient pas de choix entre Dieu et eux-mêmes, entre l'infini et le fini, leur personnalité n'existerait que comme une dépendance absolue de la personnalité divine; ils seraient autrui et non pas eux. Ils ne se donneraient pas par justice ou par bonté, mais par un empire étranger à leur propre délibération. Ils seraient privés de perfection morale, parce qu'ils auraient une moralité totalement inamissible, et par conséquent impersonnelle.

En Dieu, il est vrai, la moralité est inamissible; mais elle est inamissible sans être impersonnelle, parce que ce n'est pas l'action d'autrui qui subjugue la volonté divine, tandis que dans la créature dénuée de libre arbitre, ce serait l'infini qui opprimerait le fini. Le vouloir humain s'absorberait dans le vouloir divin.

Je n'ai pas besoin d'ajouter, Messieurs, que la matière elle-même, élevée à l'état d'humanité, jouit par son concours avec l'âme des honneurs du libre arbitre, et qu'elle entre ainsi en participation des droits et des périls de l'ordre moral. Vous l'aurez conclu de vous-mêmes, pour peu que ma parole vous ait éclairés sur les ruses de la sagesse divine pour communiquer au monde sa triple et adorable perfection.

La conséquence de la perfection, c'est la béatitude. Dieu est infiniment heureux, parce qu'il est infiniment parfait. Ayant donc appelé le monde à jouir de

sa perfection, il a dù l'appeler aussi à jouir de sa béatitude; et la béatitude terminant tout en Dieu, elle est aussi nécessairement le terme final de la création, pour tout être qui n'aura pas démérité de sa destinée. Ici, Messieurs, je touche au nœud gordien de la vérité, et j'ose croire que déjà vous l'avez brisé de vous-mêmes. Vous ne me demanderez pas pourquoi Dieu n'a pas donné la béatitude sans conditions de mérite; ou je me trompe, ou vous en savez la raison. Si, en effet, Dieu a voulu communiquer au monde tous ses biens, il a dû les lui communiquer dans l'ordre où il les possède lui-même, et dans le seul ordre où il lui fût possible de les communiquer tous. Or, les biens divins se réduisent à la perfection et à la béatitude, à la perfection, cause de la béatitude, et à la béatitude, effet de la perfection. Si Dieu eût changé l'ordre, en nous plongeant, par l'acte seul de notre naissance, dans la possession de lui-même, d'où naît sa félicité, il nous eût ravi le premier de ses biens, qui est la perfection. Car, ainsi que nous l'avons vu, le libre arbitre en est un élément nécessaire, que la vue directe et béatifique de Dieu ne nous eût pas permis de posséder même un seul instant. Perdus aussitôt que nés dans l'abîme d'une attraction infinie, nous n'eussions offert à la bonté divine aucune représentation de sa propre liberté, aucune vertu, aucun mérite, aucun retour digne de sa gratuite et libérale dispensation à notre égard. Dieu nous devait donc et se devait à lui-même de retarder notre béatitude au

profit de notre perfection. Mais la retarder, c'était se cacher pour un temps aux êtres créés; c'était s'envelopper à leurs yeux dans le voile des choses finies, afin que le choix leur étant possible, l'épreuve le fût avec le choix, et que de l'épreuve naquit en eux une justice digne d'éloge, une bonté digne d'amour.

Ainsi fut jeté le monde dans la possession d'une souveraineté qui le mettait avec gloire en présence de Dieu. Ainsi, ayant Dieu pour principe et pour fin, devait-il graviter vers lui par une perfection volontaire et reconnaissante, jusqu'au jour où l'orbite entière de son épreuve étant parcourue, il se serait reposé au sein de Dieu même dans une béatitude égale à sa fidélité.

Je vous ai dit, Messieurs, tout le plan de la création. Je vous ai dit les matériaux qui y furent employés, l'ordonnance qu'ils reçurent, les raisons de cette ordonnance, et connaissant déjà votre principe, vous avez appris à connaître votre fin. Votre fin et votre principe ne diffèrent pas c'est Dieu qui est votre père, et c'est lui qui est votre but. Il est l'alpha et l'oméga de votre destinée; vous ne pouvez regarder plus bas sans vous perdre, aller moins haut sans périr. En vain, si vous êtes ingrats, en appellerez-vous à la bonté contre la justice. Je viens de détruire cette espérance en vous montrant dans la bonté elle-même la racine de vos devoirs. C'est la bonté sans doute qui a prononcé cette parole: Venez les bénis de mon Père, au royaume qui vous a été préparé dès l'origine

du monde. Mais c'est aussi la bonté qui a dit cette autre parole Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait 2. Car, la bonté a pour mouvement naturel de communiquer ses biens, et Dieu n'ayant que deux biens, sa perfection et sa béatitude, l'effet de la bonté divine est de vous communiquer tous les deux dans le même ordre où ils sont en lui. Si vous refusez la perfection, parce qu'elle vous coûte, vous refusez en même temps la béatitude, qui en est la conséquence. Cet ordre ne dépend pas de Dieu; il est sa propre et rigoureuse nature; la nature même de la bonté, dont la justice n'est que la sanction.

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