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DE

NOTRE-DAME DE PARIS.

ANNÉE 1849.

CINQUANTE-TROISIÈME CONFÉRENCE.

DU COMMERCE SURNATUREL DE L'HOMME AVEC DIEU.

MONSEIGNEUR,

MESSIEURS,

Constatons d'abord le point où nous sommes parvenus dans l'exposition du mystère des destinées, tel que le professe la doctrine catholique. Selon cette doctrine, il existe un être infini, éternel, subsistant par lui-même, qui est un sans être seul; car, il trouve

Monseigneur Sibour, archevêque de Paris.

dans sa propre essence les relations d'où résulte avec le mouvement nécessaire de sa vie la plénitude absolue de sa perfection et de sa félicité. Être unique et plein, Dieu se suffisait à lui-même. Aucune nécessité, aucune utilité ne l'appelait hors de lui; il voyait dans son intelligence l'image inépuisable d'une multitude d'êtres différemment limités; il se sentait la puissance de les faire passer de l'état possible à l'état réel mais par: fait et heureux dans le développement intérieur de sa triple personnalité, il était libre de ne pas user de sa puissance et de laisser en repos au fond de son esprit le spectacle éternel des mondes qui n'étaient pas. La bonté seule le portait à communiquer gratuitement la vie; et c'est pourquoi, au jour qu'il lui plut, ou plutôt dans ce jour indivisible qui n'a de momens distincts que pour les êtres passagers qui le regardent, Dieu créa l'univers. Il le créa de manière à réaliser la perspective indéfinie du possible, tel qu'il le voyait dans son intelligence, et l'homme, qui en rassemblait dans sa double nature tous les élémens et tous les traits, fut placé au centre de cette œuvre pour en être le lien et la plus complète représentation. Dieu est ainsi le principe des choses. Mais, par la même raison qui l'a déterminé à en être le principe, il en est aussi la fin, c'est-à-dire le terme ou le but. Car, ayant créé par bonté, il a voulu communiquer à ses créatures sa propre perfection et sa propre béatitude, ce qui ne peut s'accomplir que par l'union intime de leur vie avec la sienne. D'où il suit que la loi géné

rale de tous les ètres créés est d'aspirer à Dieu, les esprits par un effort libre et direct, les corps par leur association aux esprits dans la personne de l'homme. Et afin que cette ascension du fini vers l'infini fùt possible, Dieu, auteur des intelligences, leur donna, au jour même de leur création, la vérité et l'amour, la vérité pour le connaitre, l'amour pour l'aimer, et le père des êtres se trouva tout ensemble et dans un même moment leur principe, leur fin et leur moyen.

Tel est, Messieurs, le premier plan de la doctrine catholique et le premier plan de nos destinées.

Mais est-ce là tout? Dieu, pour nous attirer à lui, s'est-il borné à mettre sous nos yeux le spectacle de la nature, et à allumer dans notre intelligence l'astre de la raison? Toute autre communication entre lui et nous, une communication plus directe, plus proche, plus profonde, est-elle impossible? Jusqu'au jour où le mystère de notre création se consommera dans l'éternité, n'avons-nous rien de plus à espérer ou à prétendre? Le rationalisme l'affirme; il déclare, et c'est là ce qui le sépare de nous par le fond même de son essence, qu'il n'y a rien entre Dieu et nous que par l'intermédiaire de la raison, que toute autre voie est chimérique, tout autre commerce une imposture ou une illusion. La doctrine catholique n'accepte pas cet arrêt; elle croit, elle enseigne que la nature et la raison ne sont que le péristyle de la vérité, le premier flambeau du temple, et que l'homme, avec ce secours, si grand qu'il soit, est un être incomplet

qui ne saurait atteindre au terme de ses destinées, c'est-à-dire à Dieu. Voilà, Messieurs, la question formidable qui est devant vous. Au fond, tout ce que je vous ai dit, l'an dernier, des dogmes chrétiens ne renferme qu'une philosophie spiritualiste; il y a des sages qui s'inclinent avec respect devant cette portion de la vérité religieuse, et si nous n'allions pas plus loin, nous resterions au dedans des limites de la sagesse humaine. La doctrine catholique ne nous le permet pas; elle nous contraint de franchir ces étroites limites, et de vous enseigner qu'au-delà et en outre de l'action créatrice à qui nous devons les élémens de vie, de connaissance et d'amour qui sont en nous, il existe à notre égard une action de Dieu plus pénétrante et plus profonde. Quelle est cette action? Existet-elle en réalité? C'est ce qu'il faut savoir.

MONSEIGNEUR,

Vous êtes le troisième archevêque de Paris devant qui j'annonce la parole de Dieu, du haut de cette chaire. Vos deux derniers prédécesseurs ont été tous deux frappés de la foudre; ils ont tous deux porté à Dieu prématurément le compte rempli et pourtant inachevé de leur épiscopat. L'un avait vu son palais renversé de fond en comble par les mains de la multitude, et après avoir répondu à cet acte de fureur par dix années de bienfaits, il est mort sans avoir obtenu de la

justice des hommes la réparation qui était due à sa piété, à son courage et à sa bonté. L'autre s'est offert lui-même en holocauste; il est tombé en désarmant la guerre civile, et le peuple, ému de cette victime devenue son pacificateur, l'a ramené dans ce temple où il lui a fait un sépulcre plus grand que n'était son tròne et une résurrection aussi glorieuse que l'avait été sa mort. Dieu vous a choisi, Monseigneur, pour succéder à ces deux hommes et pour continuer l'histoire du siège de saint Denis; il vous a jugé digne de tenir une place où ne pouvait plus s'asseoir que la charité qui fait le martyr, et que la grandeur d'âme qui fait le citoyen. Je vous souhaite des jours plus heureux que n'ont été les leurs, une gloire moins agitée, une fin moins précoce; non pas que je doutasse de votre cœur si Dieu vous appelait à les égaler dans le péril et dans l'honneur des tribulations, mais parce qu'il n'appartient qu'à Dieu de souhaiter aux hommes et de leur envoyer des malheurs aussi grands que leurs vertus.

MESSIEURS,

Je ne vous rendrai pas compte de mes actes publics dans l'année mémorable qui vient de se fermer. Le temps peut-être s'est chargé de les expliquer et de les ratifier; je ne vous en dirai pas plus que lui. Ma mission n'est pas de vous parler de moi, mais de vous

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