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son pour le connaitre, aimez-vous Dieu? Je ne vous demande pas si vous l'aimez d'un amour tendre et profond, mieux que vos amis les plus chers, mieux qu'une mère n'aime son fils, mieux que toutes choses et vous-mêmes, non par une vue des biens visibles dont il est l'auteur, mais par une contemplation anticipée de la beauté personnelle qui est en lui. Je ne vous demande pas si vous l'aimez jusqu'à trouver pour le dire quelqu'un des accens que David nous prêtait tout à l'heure? Mais l'aimez-vous du dernier et du plus faible des amours? Votre pensée le cherche-t-elle jamais? Avez-vous en lui quelque plaisir caché? Estil une part, si légère que ce soit, du trésor de votre cœur? J'ose vous dire que non, et que la feuille emportée par le vent dans un soir d'automne vous touche plus que l'immensité des divines perfections.

Sénèque a dit : Amicitia pares invenit vel facit,– l'amitié trouve ou fait des égaux. Telle est la raison de votre froideur pour Dieu; vous le savez infini, et vous ne concevez pas ce qu'il pourrait y avoir entre lui et vous. Il est dans son lieu, vous dans le vôtre; vous ne lui demandez que l'oubli, et ne lui donnez que la même chose que vous lui demandez. Et jamais, par le seul effort de la nature, vous ne sortirez de cet état d'insensibilité. La nature vous inspirera des passions ardentes, ou même, si vous le voulez, des affections héroïques, mais pour les choses qui se touchent et les beautés qui se voient; elles vous prosternera devant un peu de poussière; elle fera de cette

poussière l'âme de votre vie, votre vie elle-même, et vous croirez mourir en perdant dans une dernière étreinte ce bien précieux d'un amour à qui mille fois vous aviez juré l'immortalité. Vous ferez mieux encore, vous mourrez pour un objet aimé ; vous mourrez avec joie, lui faisant de votre dernier soupir l'holocauste d'une éternelle adoration. Tout cela, vous le pouvez, quand il ne s'agit point de Dieu mais s'agit-il de Dieu, cette grande faculté de l'amour s'évanouit en vous, et votre cœur si prompt à tout le reste se refuse à l'infini. Si vous n'aimez rien, il ne faudrait que vous plaindre; aimant par nature et y mettant la félicité de votre courte vie, il faut s'étonner de vous voir insensibles à Dieu, et en conclure que quelque chose vous manque pour atteindre à cette suprême affection. Ce qui vous manque, un sage vient de vous le dire. De même que saint Thomas d'Aquin a défini la véritė, une équation entre l'intelligence et son objet, Sénèque avec une précision non moins éloquente a défini l'amour, une fusion qui trouve ou qui fait des étres égaux. Or, l'égalité n'existant point entre Dieu et nous, c'est à lui de se pencher vers sa créature par un mouvement de grâce, et de l'attirer divinement à une vie commune avec lui. Si nous y consentons, c'est notre mérite et notre salut; si nous n'y consentons pas, c'est notre faute aussi bien que notre perte.

Ces vérités dont j'essaie de vous donner la démonstration, Messieurs, saint Paul les annonçait un jour devant un proconsul romain et un roi de l'Orient as

semblés bien plus par la curiosité de l'entendre que par le désir de connaitre les voies de Dieu. Après qu'il leur eut raconté les fureurs de sa jeunesse contre Jésus-Christ, et comment celui qu'il persécutait lui était apparu aux portes de Damas pour lui confier l'Evangile des nations, il continuait ainsi son discours : Appuyé donc du secours de Dieu, je suis debout jusqu'aujourd'hui rendant témoignage aux petits et aux grands, ne disant rien que ce que les prophètes et Moïse ont annoncé de l'avenir, savoir, que le Christ souffrirait, qu'il serait le premier d'entre la résurrection des morts, qu'il donnerait la lumière à son peuple et à tous les peuples. Ici, le proconsul, l'arrêtant par un éclat de voix, lui cria: Vous êtes fou, Paul! Et Paul, sans s'émouvoir : Je ne suis pas fou, excellent Festus, mes paroles sont aussi pleines de sobriété que de vérité, et leroi devant lequel je parle sait bien ces choses qui ne se sont point passées dans l'obscurité d'un coin de terre. Puis, se tournant vers le roi Roi Agrippa, croyez-vous aux prophètes? Je sais que vous y croyez. Et le roi : Il s'en faut peu que vous ne me persuadiez d'être chrétien. Messieurs, c'est le même dialogue qui se passe en ce moment entre votre âme et la mienne; ni les vérités, ni les auditeurs n'ont changé. Il y a ici des Festus nourris dans l'orgueil de la raison, à qui l'histoire de leur propre faiblesse est inconnue, et qui,

Actes des Apôtres, chap. 26, vers. 22 et suiv.

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n'ayant jamais senti le besoin du secours de Dieu, s'étonnent qu'il faille traiter avec lui autrement que d'égal à égal. Ceux-là me répondent: Vous êtes fou, Paul! Mais il y a aussi des Agrippa qui, plus enivrés de leurs passions que de leur science, avertis en secret de la misère de l'homme, lèvent quelquefois les yeux vers la toute-puissante bonté qui les a faits. Ceux-là me répondent Il s'en faut peu que vous ne me persuadiez d'être chrétien! Et moi, sans faire de distinction entre les uns et les autres, entre ceux qui sont plus proches et ceux qui sont plus loin, me confiant en celui qui est mort pour tous, je dis à tous, en imitant le langage de saint Paul Plaise à Dieu que vous soyez comme moi'! Plaise à Dieu que, reconnaissant l'impuissance de votre nature abandonnée à elle-même, vous chantiez dans la paix, dans la joie, dans la certitude des enfans de Dieu, ce cantique si court et si doux : Credo,-je crois !

Actes des Apôtres, chap. 26, vers. 29.

CINQUANTE-SIXIÈME CONFÉRENCE.

DE LA PROPHÉTIE.

MONSEIGNEUR,

MESSIEURS,

La réalité et la nécessité d'un ordre surnaturel, comme moyen du commerce de l'homme avec Dieu, vous étant démontrées, il nous reste à pénétrer dans la nature intime de cet ordre. Déjà vous avez vu qu'il se décompose en deux actes, l'un correspondant à notre faculté de connaître, c'est la prophétie; l'autre, relatif à notre faculté opérative, c'est le sacrement. En

T. III.

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