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mandé ce sacrifice? Comment eût-elle exigé que les méchans fussent préférés aux justes, que la vie fût soustraite à ceux qui devaient en bien user par égard pour ceux qui en feraient un anathème au lieu d'une félicité?

Je connais Dieu, je l'aime, j'espère en lui, je le bénis de ma vie et de ma mort pourquoi la faute d'un de mes ancêtres, éternellement prévue de la bonté divine, eût-elle intercepté ma naissance, et ne m'eût-elle pas même permis de respirer un seul jour dans le mystère de liberté d'où pouvait sortir ma béatitude? Pourquoi eussé-je été condamné au néant pour qu'un de mes pères n'abusât pas de l'existence? Où serait en cela la justice, la sagesse, la bonté?

Dieu n'avait pas à choisir entre créer ou ne pas créer un méchant, mais entre créer ou ne pas créer des générations entremêlées de bien et de mal; et comme toutes présentaient ce mélange à son regard fatidique, il avait à choisir entre créer l'univers ou ne rien créer du tout. La question est bien différente, et assurément le père le plus tendre ne se déciderait pas à mourir sans postérité, sí Dieu, lui découvrant l'avenir de sa race, lui montrait, dans les transfigurations séculaires de son sang, les inévitables alternatives de la gloire et de la honte, du bonheur et du malheur. Que serait-ce si, au lieu d'une seule génération, il s'agissait de toutes les générations humaines? Que serait-ce si on vous donnait le choix à vous-mêmes d'anéantir l'univers ou de le créer? car, telle est la

question qui a été pesée dans les conseils de Dieu. Dieu l'a jugée, et le ciel et la terre vous disent comment il l'a jugée.

Vous pouvez, Messieurs, la juger autrement; vous pouvez vous plaindre de la vie, et ne pas estimer qu'elle soit un si grand don. Mais sachez-le, la vie dont vous vous plaignez, ce n'est pas celle que Dieu vous a faite, c'est la vie que vous vous faites à vousmêmes. Vous en avez retranché Dieu, et vous vous étonnez qu'elle ne soit plus rien. Vous avez produit le vide dans votre âme, et vous vous étonnez que l'infini vous manque. Vous avez couru après toutes les misères, et vous vous étonnez de n'être plus que doutes, ténèbres, amertume, affliction. Ah! revenez, revenez à la vie, reprenez vos droits dans la création par le courage de la foi, par la sainteté de l'espérance, par la divinité de l'amour, et alors, reportés à votre place et à votre gloire dans les harmonies universelles, vous redirez avec tous les mondes le témoignage que Dieu s'est rendu à lui-même après qu'il eut achevé son œuvre Dieu vit tout ce qu'il avait fait, et tout était bon *.

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QUARANTE-HUITIÈME CONFÉRENCE.

DU PLAN GÉNÉRAL DE LA CRÉATION.

MONSEIGNEUR,

MESSIEURS,

Nous avons recherché dans notre dernière Conférence par quel procédé et par quel motif le monde était sorti des mains de Dieu; nous avons vu que c'était par le procédé de la création et par le motif de la bonté. La bonté est, en effet, le caractère sous lequel le genre humain a toujours conçu Dieu de préférence, comme c'est aussi le caractère des hommes.

qui ont le plus attiré l'amour et la vénération des âges. Quiconque n'a pas été marqué de ce signe auguste n'est point parvenu à la plénitude de la gloire, et ni l'éclat des conceptions, ni le bonheur des armes, ni le mépris de la vie, n'ont suffi sans la bonté pour élever la mémoire d'Alexandre ou de Marc-Aurèle. Celle de Dieu, à plus forte raison, repose sur la même base, et rien ne nous est plus naturel que de répéter avec David Le Seigneur est doux en toutes choses, et sa miséricorde est par-dessus toutes ses œuvres.

Dieu donc, ayant fait le monde par bonté, c'est-àdire dans l'intention de lui communiquer ses biens, qui ne sont autres que la perfection et la béatitude, il nous faut maintenant connaître le plan qu'il a suivi dans la réalisation de cette généreuse pensée. Or, tout plan se compose de deux élémens nécessaires, les matériaux qui doivent servir à fonder, et l'ordonnance qui leur sera donnée. J'ai donc à vous entretenir aujourd'hui des matériaux de la création et de leur ordonnance générale.

Selon la doctrine catholique, Dieu a employé dans son œuvre, qui est l'univers, deux sortes de matériaux parfaitement dissemblables: la matière et l'esprit.

Qu'est-ce d'abord que la matière? Si je vous dis que c'est quelque chose de pesant, vous m'opposerez les fluides impondérables. Si je vous dis que c'est quelque chose d'étendu, vous me répondrez que plu

Psaume 144, vers. 9.

sieurs philosophes estiment qu'on peut la réduire à des atômes, c'est-à-dire à des points indivisibles et par conséquent inétendus. Si je vous dis que c'est quelque chose de coloré, vous m'objecterez qu'on peut aisément la concevoir dépouillée de toute couleur. Ainsi en serait-il de la saveur et du son. Mais ce travail de spoliation, par lequel nous enlevons successivement à la matière ses attributs apparens, a cependant une limite où s'arrête l'effort critique de notre esprit. Quoi que nous fassions, il reste en elle la susceptibilité permanente de recevoir des formes et des mouvemens. Je dis de les recevoir, car nous voyons clairement qu'elle n'a ni pensée, ni volonté, ni liberté, aucune activité personnelle, aucun commandement. Elle est à la fois active et inerte active, puisque c'est une force; inerte, parce qu'elle n'agit pas spontanément, mais sous l'empire d'une irrésistible nécessité.

L'esprit, au contraire, n'a ni forme, ni mouvement de translation d'un lieu à un autre; il ne tombe pas sous nos sens. Il pense, il veut, il est libre. Aucune nécessité n'a de prise sur lui. C'est en vain qu'on lui commande, s'il ne se commande pas à lui-même, et tous les assauts de la puissance viennent se briser contre une seule âme qui se respecte.

Tels sont, Messieurs, les matériaux du monde. La doctrine catholique n'en connaît pas d'autres; les sens et la raison ne nous révèlent que ceux-là. Trouveronsnous encore ici le rationalisme pour nous arrêter?

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