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<< Telle est la loi concernant les petits des vaches, des juments, des femmes esclaves, des femelles de chameau, etc'.» Peut-on rien reprocher de semblable à Moïse, et signaler dans ses lois une atteinte aussi grave à la dignité humaine? Dès l'instant où Noé s'écria : « Que Chanaan soit » maudit! qu'il, soit l'esclave des esclaves de ses frères! » la servitude prit rang parmi les institutions humaines, et il était réservé au christianisme seulement de l'abolir dans la suite des générations. Alors que Moïse légalisait l'esclavage chez les Hébreux, il ne dépendait point de sa volonté d'abroger une des lois constitutives des sociétés antiques. La servitude existait de fait parmi toutes les nations à l'époque de sa mission; longtemps avant lui, Joseph avait été cerf d'un Egyp tien, et le commerce des esclaves n'est point dù à l'extension de la navigation ni à l'envoi des colonies, puisque alors déjà les Ismaélites faisaient la traite dans l'intérieur de la Palestine. Les Hébreux étaient courbés sous le joug de fer des Pharaon, lorsque Moïse entreprit, par le commandement exprès de Dieu, de les affranchir. Entre assujettir un homme à son semblable en vertu d'une loi émanée du Ciel et avouée par l'univers, ou ravaler l'image du Créateur au niveau de la brute, dont l'homme a été établi le souverain, la différence est immense aussi la servitude était-elle moins dure chez les Israélites que parmi les autres peuples de la terre; la preuve en est marquée d'une manière péremptoire dans la législation hébraïque, puisque l'auteur de la loi a jugé nécessaire, en la publiant, de prévoir le cas où l'esclave refuserait de plein gré l'émancipation qui lui était due par son maître. Un esclavage sans terme et une marque infamante étaient la conséquence de ce refus'. D'ailleurs l'esclave hébreu devenait libre de droit à l'accomplissement de l'année sabbatique, et il était expressément ordonné à son maître de

Manava-Dharma-Sastra, IX, 55.

* Et dominamini piscibus maris, et volatilibus cœli, et universis animantibus quæ moventur super terram. » Gen. I, 28.

3 « Assumes subulam, et perforabis aurem ejus in januâ domûs tuæ, » et serviet tibi usque in æternum.» Deuter. XV, 16,

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ne point le laisser partir les mains vides, et de le munir à son départ des provisions nécessaires'.

Moïse, en promulguant la loi du peuple élu, parlait au nom du Tout-Puissant; Manou, en donnant des ordonnances à un peuple idolâtre, s'étayait de pratiques terrestres, sacrifiait de sang-froid une partie de la nation au bien-être des trois autres, et offrait le Soudra er holocauste sur l'autel de la patrie, pour éterniser l'empire des classes supérieures. Le législateur de l'Inde a réussi dans sa tâche, et nous sommes encore dans l'étonnement devant son œuvre. Mais Moïse a droit à l'estime et à la reconnaissance de tous les siècles, tandis que Manou, en faussant la révélation et en s'écartant du cadre de la tradition véritable, pour en combler les lacunes par des mythes et des oracles imposteurs, nous laisse sous le coup de l'impression qu'éprouve le calculateur à la vue d'un jongleur habile qui vient d'exécuter sous ses yeux avec prestesse, un tour de passe-passe incompréhensible pour le vulgaire de la galerie.

Il n'y a rien dans la loi de Manou qui rappelle la circonci sion ni le repos obligé du septième jour; cependant elle renferme en termes non équivoques la plus grande partie des préceptes du Décalogue'. Cette omission n'offre en soi rien d'étonnant, et confirme de toute manière l'authenticité des paroles de la Genèse. Dieu voulant se réserver une nation unique, lui donna pour signe la circoncision: « Vous cir» concirez votre chair, afin que ce soit là un signe de l'al>>liance entre moi et vous3. » La circoncision étant le sceau

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<< Et sex annis servierit tibi, in septimo anno dimittes eum liberum. » Et quem libertate donaveris, nequaquam vacuum abire patieris, sed » dabis viaticum de gregibus, et de arcâ, et torculari tuo quibus Dominus > Deus tuus benedixerit tibi.

» Non avertas ab eis oculos tuos, quando dimiseris eos liberos: quo» niam juxta mercedem mercenarii per sex annos servivit tibi.» Deuter. XV, 12-18.

* Voir dans la loi de Manou, XII, 7, la série des dix actes méritoires. -Le Décalogue des Bouddhistes se trouve à la page 142 de l'Asie polyglotte. - Le Sanfen des Chinois déclare « que la loi céleste est comprise en dix paroles. » Chouking, CII.

3 Gen. XVII, 11 : « Omnes gentes habent præputium, omnis autem do» mus Israël incircumcisi sunt corde.» Jerem. IX, 26.

de l'alliance conc'ue entre le Seigneur et la postérité d'Abraham, les nations étrangères à cette alliance ne devaient point participer à la marque distinctive du peuple élu. La circoncision étant da lleurs une gêne et non un besoin de l'humanité, il n'est point surprenant que les nations de l'antiquité aient évité de s'y assujettir, le législateur regardant comme inutile ou dangereux d'ordonner l'épreuve de cette cérémonie incommode. Dans l'Indoustan, le baptême, la tonsure et l'investiture du cordon sacré, servaient à distinguer entre eux les membres d's classes supérieures; ceux de la quatrième étaient en dehors de la règle commune, et la lecture de la loi leur était interdite.

Manou ne fait aucune mention dans son recueil, ni du cycle de sept jours, ni du sabbat ou repos du septième, et cela doit paraître surprenant. Le mois était alors partagé, dans l'Inde, en deux quinzaines lunaires, l'une éclairée et l'autre obscure. La première finissait avec le jour de la pleine lune, et la seconde avec celui de la nouvelle lune. Les sacrifices ordonnés par la loi, devaient être accomplis à la fin de ces périodes'. Les Pakchas des Indiens étant doubles des semaines hébraïques, il s'ensuit que les premiers fêtaient deux jours lors de la nouvelle et lors de la pleine lune, pendant que les Hébreux observaient de leur côté quatre jours de repos. Bailly a prétendu que les Indiens connaissaient de temps immémorial la semaine de sept jours pourquoi donc leur loi n'en fait-elle aucune mention, tandis qu'elle donne au contraire la subdivision du mois en deux quinzaines, subdivision que Bailly a rapportée lui-même après l'avoir extraite du Bhagavat gita'. C'est en mémoire des sept jours de la création, et non pas à cause du nombre des planètes, qu'a été établie la division hebdomadaire, et les paroles suivantes de l'Exode nous donnent la clef de cette institution : « Six jours tu travailleras et >> tu feras ton œuvre; et le septième jour du Seigneur ton » Dieu, tu ne feras aucune œuvre... car en six jours le Sei» gneur fit le ciel et la terre, et la mer, et tout ce qui est en

'Manava-Dharma-Sastra, I, 66; IV, 10, 25.

Traité de l'astronomie indienne et orientale, p. 6.

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eux, et il se reposa au septième jour; et le Seigneur le bé» nit et le sanctifia'. » Les planètes à la vérité ont donné leurs noms par la suite aux différents jours de la semaine, et ont servi à les désigner d'après un ordre constant parmi les peuples de race Indo-Germaine, comme on peut s'en assurer par l'inspection du tableau de leurs dénominations respectives. Les divinités de l'Inde, de la Grèce et de la Scandinavie, ont entre elles la même ressemblance que les anciens idiomes des habitants de ces contrées éloignées. En remontant à la souche des langues, on retrouve un grand nombre de racines communes; en analysant les mythes des nations idolâtres, on découvre les types des mêmes divinités. Il y a plus d'un trait d'analogie entre les Yut de l'Inde et les Yut de la Scandinavie; les Chinois, par exemple, donnaient autrefois à l'Inde le nom de royaume des Yut, et nous avons encore dans la Gothie une appellation équivalente à la dénomination chinoise'. On conçoit donc que des savants aient été tentés d'admettre l'identité de Bouddha et d'Odin.

Le mercredi dans l'Indoustan est consacré à Bouddha, mais le nom de cette divinité ne se trouve nulle part dans la loi de Manou, qui ne fait aucune mention de la semaine de sept jours. Le réformateur Bouddha est donc moins ancien que Manou, et lors même que les Indiens auraient connu de son vivant la division ordinaire des jours de la semaine, le mercredi ne portait point encore alors le nom de la planète Mercure (Bouddha Vara). Donc le nombre des planètes n'a pas donné naissance dans l'Inde à la période hebdomadaire. Le repos du septième jour était tombé en désuétude dans cette contrée, lors de la publication du code de Manou, puisqu'a

'Exod. XX, 9, 10, 11. Moïse avait déjà dit dans la Genèse : « Dieu » bénit le septième jour et le sanctifia, parce qu'il s'était reposé en ce » jour, après avoir terminé son œuvre. » Genèse, II, 2.— L'Yking, le plus ancien des livres sacrés de la Chine, rapporte que dans les anciens temps, <on sacrifiait au Chang-Ti tous les sept jours, les rois faisaient fermer les ⚫ portes des maisons, on ne faisait aucun commerce, et les magistrats ne jugeaient aucune affaire le septième jour, appelé le grand jour par les

> anciens. »

Jut-land, pays des Juts ou Goths.

lors les sacrifices et les rits religieux prescrits par la loi, coïncidaient avec le retour des phases de la lune; or c'est précisément cet oubli général du sabbat que nous voyons clairement exprimé dans le Pentateuque. « Ayez soin de gar» der le sabbat; car c'est un signe entre moi et vous dans la » suite de vos générations. » Moïse, ordinairement si concis dans l'énoncé de ses ordonnances, Moïse, qui répète rarement le même précepte, revient sans cesse à l'observation du sabbat'. A quoi bon ces répétitions continuelles, et comment le sabbat aurait-il été un signe entre Dieu et la postérité d'Abraham, si les nations idolâtres avaient maintenu le repos du Seigneur dès le temps de Moïse. Les indigènes de l'Amérique, avant sa découverte par les Européens, ne connaissaient ni la semaine, ni le jour du repos consacré au Seigneur. Qu'on se rappelle et le calendrier et les décadis de l'ère républicaine, qu'on pense à la manière dont on sanctifie le dimanche dans les grandes villes, et il sera moins difficile de comprendre cet oubli.

Je prouve dans cet écrit, que les ordonnances de Manou conservent à la fois l'empreinte de la loi des patriarches, et celle de la loi de Moïse. L'auteur du Manava-Dharma-Sastra était certainement postérieur à la mission du prophète des Hébreux, et l'on est fondé à présumer avec d'autant plus de raison que cette hypothèse est véritable, que ses lois renferment un grand nombre de prescriptions qui se trouvent dans le Pentateuque. Comme dans le cours de ces recherches il sera question quelquefois de la Perse et de la Chine, il n'est point hors de propos, avant d'entrer en matière, de jeter un coup d'œil sur les traditions primitives de ces antiques royaumes.

et

La Perse est appelée Elam hy, dans l'Ecriture', Elymaïs 'Exuais par les auteurs grecs. Ce fut Elam, fils de

'Exode, XVI, 23; XX, 8, 9, 10; XXI, 13; XXIII, 12; XXXI, 15, 14, 15, 16, 17; XXXIV, 21. Lévit. XVI, 31; XIX, 3, 30; XXIII, 24,132; XXV, 2, 4. - Deutér. V, 12, 13, 14, 15.

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Septimana pour septem-mane, sept matins. On trouve encore septaine pour semaine, dans les livres écrits en vieux français.

3 Jérém. XLIX, 34, 36. Daniel, VIII, 2.

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