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RELIGIEUSES,

POLITIQUES ET LITTÉRAIRES.

Lettre chrétienne d'un Prêtre de la ci-devant Bretagne, aux habitans des campagnes.

MES TRES-CHERS FRERES,

DIEU, dont les jugemens, suivant le langage du grand prophete, sont des abymes, a permis, par un juste châtiment des déréglemens de ce siecle corrompu, que la France fût abandonnée à un torrent de calamités qui ont inondé son territoire. L'esprit de vertige, d'impiété, de discorde, de dissention et de révolte a soufflé par-tout comme ces vents furieux qui détruisent l'espoir de vos récoltes. Des factions criminelles ont, par leurs excès sanguinaires, porté la terreur dans toutes les ames, la mort dans toutes les familles. Des hommes pervertis dans la foi ont outragé la Divinité jusques dans son sanctuaire; ses temples ont été fermés, ses autels brisés, ses ministres persécutés avec fureur. Ces contrées Tome II. No. 18.

N

jadis si paisibles et si fertilisées par vos sueurs, ont été changées en champs de carnage. Le frere s'est armé contre son frere, le fils contre son pere, le serviteur contre son maître tous les liens de l'amitié et de la confiance ont été rompus; la désolation a été poussée au comble. Mais ce même Dieu qui, dans sa colere, nous châtie avec tant de sévérité, n'a point voulu notre entiere destruction; et de même qu'il appaise les flots de la mer en courroux, il nous rendra, après tant d'orages, la paix et la tranquillité, si nous savons fléchir sa justice, et espérer dans son inépuisable miséricorde..

Déja la main du Tout-Puissant s'appesantit sur nous avec moins de rigueur, l'excès de nos maux à touché sa bonté; et sans doute que ce Dieu clément ne nous avoit fait la guerre que pour nous donner ensuite une paix

rable.

plus du

Les impies, qui, dans leur démence, avoient osé blasphémer contre son nom, ont été anéantis. Les hommes féroces qui remplissoient toutes les familles de deuil, ont été à leur tour précipités dans le cercueil. L'amour de l'ordre, de la justice, de l'humanité renaissent au milieu de nous les pleurs de la veuve et de l'orphelin sont essuyés; les haines publiques et particulieres se calment; les lois reprennent leur vigueur; l'attachement à la religion de nos peres a cessé enfin d'être un crime; il est aujourd'hui permis d'adorer la Divinité, et d'exercer librement les cérémonies de notre culte; vos anciens pasteurs vous sont rendus : le gouvernement promet à tous protection, liberté et sûreté.

Pourquoi, mes très-chers freres, ne pas seconder de tout notre pouvoir les desseins de la divine Providence qui a daigné jetter sur ses enfans un regard paternel? Pourquoi la terre, est-elle encore arrosée de sang? Pourquoi des récits de meurtres et d'assassinats viennent-ils encore nous affliger? Quelles sont les offenses que vous avez à venger? Elles sont toutes redressées. Quelles sont vos craintes sur l'avenir? Elles sont toutes dissipées.

Vous avez présentement le libre exercice de votre culte; vos enfans vous sont restitués pour vos travaux champêtres : un décret d'amnistie prononce un pardon entier et sans réserve à ceux d'entre vous qui ont pris part aux attroupemens; et quand vous auriez de justęs motifs de ressentiment, avez-vous oublié que ce Dieu jaloux a dit: A moi appartient la vengeance? De quel droit prétendriez-vous exercer ce pouvoir terrible en son nom? Pensez-vous qu'il ait besoin du secours de votre bras? Hélas, mes très-chers freres, vos anciens pasteurs n'auroient-ils pas aussi à se plaindre? N'avons-nous pas été arrachés du milien de notre troupeau chéri, persécutés, réduits à la derniere pauvreté, jettés dans les prisons? Heureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, dit le Seigneur, parce que le royaume du ciel leur appartient!

Telles sont ces paroles de la sainte Ecriture, et nous nous glorifions d'avoir souffert par attachement à nos saintes lois. Rappellez-vous enfin, mes très-chers freres, ce que dit Jésus à l'un de ses disciples bien aimés qui frappa un des envoyés des Pharisiens lorsqu'ils vinrent

pour le conduire à Pilate: « Remettez votre épée » dans le fourreau, car tous ceux qui se serviront » de l'épée, périront par l'épée ».

N'attendez des ministres de votre religion que des paroles propres à vous porter à l'union, à la modération et à la charité : nous sommes les prêtres d'un Dieu de paix, et non des prédicateurs de vengeance; nous invoquons le Dieu de la miséricorde, et non celui des armées ceux qui vivent dans la foi de J. C. ne doivent-ils pas épargner le sang qu'il a racheté par sa mort?

Hâtez-vous donc, mes chers freres, de.déposer vos haines aux pieds des autels; abjurez Vos erreurs passées; renoncez à de cruelles dissentions; imitez l'exemple de vos freres de la Vendée, et méritez de jouir des bienfaits de la pacification qui s'y font déja ressentir; rentrez dans des sentimens de religion, de paix et de charité; reprenez vos travaux des champs; sanctifiez-les par des hommages au grand Etre qui féconde les campagnes; prêtez assistance en tout ce qui dépend de vous, à vos concitoyens des villes, qui vous donneront en échange le fruit de leur industrie et de quoi satisfaire à une partie de vos besoins; fermez sur - fout l'oreille au langage de ces conseillers perfides qui tenteroient de prolonger votre égarement et de vous porter à rester attroupés en armes; prévenez, il en est temps, la ruine de votre propre pays et la dévastation de vos chaumieres, la destruction de vos familles, votre perte à tous car enfin vous ne sauriez vous abuser jusqu'à croire qu'il vous soit possible de résister aux armées nombreuses de la France

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réunies contre vous, lorsque tous les Rois de l'Europe, accablés de défaites, reconnoissent l'impuissance de leurs efforts,

Il vous est donc indispensablement nécessaire de vous soumettre sans retard aux décrets de la divine Providence; elle s'est expliquée, et vous recommande, par notre bouche, l'oubli du passé, le pardon des injures et l'amour de vos semblables, quelles que soient leurs opinions. C'est elle, n'en doutez pas, qui inspire à ceux qui gouvernent présentement en France cet esprit de justice et de modération qui a succédé à la tyrannie sous laquelle nous vivions; c'est elle qui a déterminé un grand nombre d'entre vous à quitter une vie errante et vagabonde pour rentrer dans leurs foyers; c'est elle qui empêchera que, par les suites d'une aveugle opiniâtreté que le ciel désavoueroit de votre part, le fer et le feu soient portés dans vos habitations. Elle versera sur vos plaies un beaume salutaire, réparera vos pertes, changera vos jours de douleurs en jours d'alégresse, et vous enrichira de tous les trésors de sa bonté.

Oui, nous l'espérons, avec l'assistance du Très-Haut, mes chers freres les discours de paix et de charité, que nous vous tiendrons constamment par amour pour Dieu et pour vos propres intérêts, seront entendus avec docilité, et vous ne serez point sourds à nos exhortations paternelles.

Puissiez-vous éteindre dans les larmes, les feux de cette guerre malheureuse qui a, pendant si long-temps, désolé ces contrées! Ah! nous aimons à le croire, vous répondrez à notre attente; vos yeux s'ouvriront à la lumiere, et

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