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sacrifices, aux mêmes institutions. Alors le peuple se soumet plus volontiers à ceux qu'il regarde comme les agens secondaires de la divinité, qui seront responsables, comme lui à un même tribunal à venir alors le sentiment de l'égalité primitive n'est plus heurté de front par les distinctions sociales. La piété de ceux qui gouvernent est un aveu, un témoignage continuel pour ceux qui sont gouvernés, que ces distinctions cesseront un jour, et qu'il n'existera plus à la fin d'autre différence entre les hommes que celles que le vice et la vertu y auront mis. Quand un état est ainsi ordonné, il est heureux, tranquille, et le peuple souffre avec moins de peine d'être gouverné. Mais lorsque la religion n'est plus respectée par les chefs, lorsque l'égalité primitive, que le peuple se contentoit de trouver dans son culte, n'est plus comptée pour rien par les riches et les grands, par les dépositaires de l'autorité, lorsqu'il s'établit une barriere de séparation entre les premiers et les dernieres classes qui rélegue le peuple dans la boue, et concentre les nobles dans les palais; lorsque le peuple s'apperçoit que ceux qui les dominent ne croient plus à l'ancienne fraternité, lorsqu'il ne les voit plus prosternés et anéanti avec lui en présence du même Dieu, devant les mêmes autels, lorsqu'il n'a plus avec eux d'autres rapports que celui des services et des devoirs, et qu'il reconnoît qu'on n'y met plus d'autre prix que celui du métal, qui en est le salaire; alors le peuple indigné fait un retour amer et profond sur lui-même. Il

s'indigne de ne plus voir en lui que la bête de somme de la société, et il ronge avec désespoir dans le fond de son ame le frein de la tyrannie et de la contrainte; c'est l'heure, c'est le moment des grandes révolutions. La peuple est prêt, et n'attend plus que le signal. de l'insurrection pour se venger de la fortune, qui n'est plus à ses yeux qu'un aveugle hasard, et pour forcer les grands à ramper avec lui dans la même poussiere, et à redevenir ses égaux dans la société, puisqu'ils n'ont plus voulu l'être dans la religion. C'est ce qui arriva chez les peuples du Latium, lorsque le sceptiscisme venant à les corrompre dans leur législation et dans leurs mœurs, ils ne regarderent plus les saturnales, instituées pour rappeller les serviteurs et les maîtres à la premiere fraternité du genre-humain, que comme, un moyen de débauches ou un culte dérisoire qu'ils pouvoient violer avec impunité (1).

(1) La violation des mêmes usages sacrés avoit conduit les anciens perses à la même ruine. Quand ils ne tinrent plus compte de la fête de la fraternité religieuse, leur empire s'écroula. Voici comment cette fête se célébroit chez le peuple. « Les riches et les » grands se dépouilloient de leur vaine pompe, et les » monarques eux-mêmes paroissoient confondus dans » la classe la plus humble, mais la plus utile de leurs » peuples. Les laboureurs étoient alors admis sans dis»tinction à la table du prince et des satrapes. Le prince > recevoit leurs demandes, écoutoit leurs plaintes, et >> conversoit familiairement avec eux. C'est à vos tra»vaux, leur disoit-il, que nous devons notre subsis»tance. Nos soins paternels assurent votre tranquil

Mais comme cette égalité sociale, que le peuple cherche trop souvent dans les révolutions des empires, est contraire à l'existence même de la société, où il faut des gens qui commandent et d'autres qui obéissent, le peuple qui ne tarde pas à s'appercevoir qu'il est toujours peuple, et qu'il a toujours des maîtres, soit qu'il les trouve déja établis ou qu'il se les donne à lui-même; le peuple, dis-je, voyant que l'égalité dont on le flatte, lui échappe sans cesse, et qu'il ne peut la posséder en réalité, se contente d'embrasser son vain fantôme (1). Il ne peut s'élever au-dessus de sa condition il abaisse jusqu'à lui tout ce qui est grand; il se crée une idole de pouvoir dans la personne qu'il arme d'un glaive despotique. Ce despote populaire fait planer son glaive sur toutes les têtes, et il égale en effet ainsi tous les citoyens, en les soumettant à une égale tyrannie; et le peuple alórs, s'il n'est, ni plus libre ni plus heureux, est du moins satisfait et vengé, d'avoir réduit les riches et les grands à trembler avec lui devant son propre ou

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»lité. Ainsi, puisque nous nous sommes également » nécessaires, vivons ensemble, aimons-nous comme freres, et que la concorde regne toujours parmi

> nous >>.

(1) Nous ne parlons ici que de cette égalité chimérique de biens et de personnes, dont tous les Catilina, tous les Robespierre flattereut une multitude aveugle, lorsqu'ils voulurent la révolutionner pour le seul profit de leur ambition.

vrage (1). Nous ne dirons rien des quatrieme et cinquieme discours où le culte public est considéré dans ses rapports avec la morale du citoyen et avec la religion du sentiment; nous avons publié ces discours en entier dans les premiers numéros de ces Annales..

Le sixieme discours ne sauroit manquer de piquer la curiosité de tout lecteur religieux ou même philosophe, il traite du Culte public considéré dans ses rapports avec l'existence morale, religieuse et politique de ses ministres.

L'on y voit le sacerdoce vengé de tous les sarcasmes des faux sages, et l'existence des prêtres dans l'état social, relevée par l'autorité des principes et des exemples les plus propres à fixer l'opinion du vrai sage.

L'auteur y prouve clairement que l'institution publique ne sauroit être mieux confiée qu'entre les mains des ministres de la religion et de la morale, que tous les reproches d'ignorance, de fanatisme, de superstition, sont plus justement appliqués aux raisonneurs impies de notre âge; le siecle de l'incrédulité chez tous les peuples amenant celui de toutes les erreurs et de tous les crimes.

Quant aux dangers prétendus d'une corporation sacerdotale, l'on voit que les pays mêmes où les R. P. ont pris naissance, connoissoient cette corporation et la respectoient dans le

(1) N'est-ce pas là précisément ce que nous avons vu sous Robespierre?

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college des prêtres de Delphes comme salutaires à la patrie et au bonheur de toute la Grece.

Cette réflexion n'échappe pas à M. Jauffret. Il finit son discours par démontrer combien il importe à la liberté des peuples d'avoir un sacerdoce indépendant dans son existence religieuse, et il ajoute : « Loin donc qu'une nation prudente doive, se féliciter de voir le pouvoir religieux asservi dans les mains de ses ministres sacrés, elle doit envisager avec ef froi la déplorable servitude que l'envahissement de tous les pouvoirs dans les mêmes mains, ne sauroit manquer d'introduire dans l'état; considérez en effet l'univers, et comment les peuples ont été conduits au plus dur esclavage? C'est lorsque les potentats de l'Europe et de l'Asie, rois et pontifes en même-temps, ou consuls et Aruspices, se servirent du culte qu'ils unissoient aux sceptres et aux faisceaux, pour imposer à la crédulité des peuples les lois du despotisme et de la tyrannie; c'est lorsque la même puissance réunit dans ses mains, comme à Constantinople ou à Ispaham, l'épée et l'encensoir, et qu'elle commande à-la-fois aux armées et aux autels; c'est enfin, lorsque des philosophes ou des législateurs ont osé enseigner aux souverains, et faire accroire aux peuples que la religion, et ses prêtres, et ses temples et ses rites, et ses préceptes divins et sa discipline sacrée, étoient soumis en tout aux loix de la puissance temporelle. Dès lors, quelle carriere ouverte à un chef populaire, assez habile pour regner sur l'opinion, ou à un

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