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ANNALES

CATHOLIQUES.

De toutes les nouvelles qui se succédent les

unes aux autres, et qui occupent en ce moment notre curiosité, il en est peu qui nous aient autant surpris que celle qui nous apprend le nouveau différend qui existe entre le Pape et le gouvernement français. Il ne s'agit de rien moins que de le forcer à retirer ses Brefs, et de le faire rétracter dans la forme suivante: Comme quelques ennemis connus ont surpris à ma religion des Brefs qui, par leurs principes et leurs effets, sont contraires aux droits des nations, je les désaprouve et les révoque. Cette nouvelle ne nous a paru d'a bord qu'une pure facétie, inventée uniquement par les ennemis du Directoire. Ensuite nous sont venus des détails ultérieurs qui nous ont fait douter; et telle est maitenant la position. des choses et le concours des circonstances, que nous avons fini par être pleinement convaincus. Les lettres même de Rome sont positives à cet égard. Nous y avons vu les détails d'une congrégation extraordinaire tenue à ce sujet, composée de douze cardinaux, ainsi que la décision unanime, portant que la demande étoit inadmissible; que c'étoit attaquer la religion dans Tome II. No. 23. Ee

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ses fondemens, et qu'il falloit que le Pape
souffrit le martyre, plutôt que de violer les
principes de l'église. Des nouveaux détails
nous ont appris l'assemblée d'un congrès à
Florence, sous la médiation du chevalier
Azara,
ambassadeur d'Espagne, pour tâ-
cher de renouer les négociations avec le com-
missaire Salicetti et les deux commissaires
du Pape, le prélat Galeppi et le pere Soldati,
dominicain, un des plus fameux théologien
d'Italie.

Des lettres plus récentes nous apprennent que les conférences à ce sujet sont absolument rompues, et que le Pape a adressé un manifeste à toutes les cours catholiques, pour leur faire part des articles exigés par les Français, et du refus formel qu'il a fait d'y acquiescer. Il n'y a donc plus maintenant de doute à cet égard. Nous avons donc cru, en conséquence, devoir ici exposer quelques réflexions sur un événement qui tient si essentiellement à la religion, et qui occupera une des pages les plus marquantes de l'Histoire Ecclésiastique..

Et d'abord, de quoi s'agit-il? De la révo cation des Brefs, c'est-à-dire, de choses pucement spirituelles, et qui n'ont aucun rapport avec le gouvernement civil. Or, quelle contradiction plus frappante que la demande impérieuse de cette révocation? Quel spectacle plus bizarre que de voir le diplomate Azara, poussant des argumens au prélat Galeppi, et le philosophe Salicetti, disputant de théologie avec le pere Soldati, pour prouver que le Pape n'a pas pu gé, il y a six ans, sans insulter à la constitution

condamner la constitution civile du cler

républicaine d'aujourd'hui. Certes, voilà un congrès d'une étrange espece. Il n'y a pas de milieu: ou le Pape est ici regardé comme chef de la religion, et alors on n'a rien à démêler avec lui dans l'ordre de la religion; ou on ne le considere que comme souverain, et alors on ne peut traiter avec lui que de puissance à puissance, et se borner par conséquent aux objets purement temporels. Le gouvernement français peut bien sans doute se servir du droit de la victoire, pour imposer les conditions qu'il lui plaira, à la foiblesse politique du Pape, il ne peut en imposer aucune à sa conscience.

Il seroit trop inconséquent que les représentans d'une république qui s'est distinguée de tous les états du monde, en détachant de sa constitution tous les principes religieux, et qui ne reconnoît aucun culte, vinssent s'occuper après coup de culte et de principes religieux, et que ceux qui se font gloire de protéger la liberté des opinions dans le dernier des individus, vinssent la disputer philosophiquement au chef même de la religión.

En vain voudroit-on sauver cette contradiction, en supposant que ces Brefs violent le droit des gens. A moins que le droit canonique n'ait été transformé tout-à-coup en droit des gens. A moins que l'on n'entende par le droit des les droits de ces évêques prétendus, gens, qui ont violé eux-mêmes tous les droits. A moins que le droit des gens ne se trouve tout entier dans les prétentions extravagantes de Grégoire, et que toute la diplomatie de l'Europe ne soit compromise, parce que le Pape refuse à des évêques sacrileges un diplôme de communion. Mais, dit

le journal de Grégoire; si par ces Brefs les droits des empires ne sont pas lésés, comment se fait-il qu'une puissance qui ne veut rien connoître hors de ses limites politiques, en demande le sacrifice? Nous ne sommes pas assez savans pour répondre à une pareille question. Nous n'avons pas assez d'esprit pour réfuter un argument de cette force; mais heureusement pour nous, nous en avons assez pour savoir lire. Pour répondre à tous ces comment, il faudroit que nous eussions assisté au conseil du Directoire; mais pour connoître évidem ment la vérité, nous n'avons besoin que d'ouvrir les Brefs. Nous disons donc à tous les hommes de bonne foi, qui n'ont nul intérêt d'obscurcir la lumiere: prenez et lisez, tolle et lege. Voyez s'il s'y trouve un seul mot qui lese les droits des empires. Une seule citation dont puisse s'allarmer la république la plus ombrageuse. Un seul passage qui ait un rapport même indirect, avec ces prétentions tant reprochées à la cour de Rome sur le temporel des rois. Voyez si le Pape ne se renferme pas ici strictement dans les devoirs de sa place; s'il sort du cercle de ses fonctions, et s'il prend un autre langage que celui qui convient au chef de l'église. Voyez si sa réponse est autre chose qu'un jugement purement doctrinal, demandé par le chef même de la nation, et par tous les évêques de France. Voyez si jamais Pape a parlé avec plus de modération, et agi avec plus de désintéressement; s'il n'a pas été le premier à faire le sacrifice de ces redevances temporelles consacrées par le concordat. Si, loin de se mêler du droit des gens,

il n'a pas déclaré lui-même n'avoir jamais eu l'intention d'entrer dans des discussions politiques, et moins encore de provoquer le rétablissement de l'ancien ordre de choses (1). O vous qui aimez tant les comment, parce qu'ils vous sont nécessaires, et qu'il vous est bien plus commode d'entasser des difficultés chimériques, que de répondre à des faits évidens, dites-nous donc comment il se fait que vous n'ayez pas cité un seul passage qui

(1) « Nous devons cependant avertir, dit le Pape, qu'en parlant ainsi de l'obéissance due aux puissances légitimes, notre intention n'est pas d'attaquer les nouvelles loix civiles auxquelles le roi a pu donner sa sanction, comme n'ayant de rapport qu'au gouvernement temporel dont il est chargé nous n'avons point pour but, en rappellant ces inaximes, de provoquer le rétablissement de l'ancien ordre de choses : le supposer seroit, renouveller une calomnie qu'on n'a affecté jusqu'ici de répandre, que pour rendre la religion odieuse. Nous ne cherchons, vous et moi, nous ne travaillons qu'à préserver de toute atteinte les droits sacrés de l'église et du Saint-Siége apostolique »,

Verumtamen quæ obedientiâ legitimis potestatibus debitâ asseruimus, nolumus eo accipi sensu, ut à nobis dicta fuerint animo oppugnandi novas civiles leges quibus rex ipse præstare potuit assensum, utpotè ad illius profanum regimen pertinentes, ac si per nos eo consilio allata sint, ut omnia ad pristinum civilem statum redintegrentur, juxta quorumdam calumniatorum evulgatas interpretationes, ad conflandam religioni invidiam: cum re verâ nos, vosque ipsi id unum quæra· mus, atque urgeamus, ut sacra jura ecclesia, et apostolica sedis illasa serventur. (Premier Bref du Pape, du 10 mars 1791, pag. 16).

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