Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

BULLETIN.

-

L'ITALIE IL Y A CENT ANS, PAR CHARLES DE BROSSES. -- UNE FAMILLE SOUS LUTHER, PAR M. CASIMIR DELAVIGNE. LE LYS DANS LA VALLÉE, PAR M. DE BALZAC. PROCES DE M. DE BALZAC AVEC LA REVUE DES DEUX MONDES. POÉSIES DE JEAN REBOUL, DE NÎMES. HISTOIRE DE LA GAULE MÉRIDIONALE SOUS LA DOMI

[ocr errors]

NATION DES CONQUÉRANS GERMAINS, PAR M. FAURIEL.

BADIS PERDU, PAR M. DE CHATEAUBRIAND.

GLAISE, PAR LE MÊME.

-

TRADUCTION DU PA

ESSAI SUR LA LITTÉRATURE AN

100 TÉTES SOUS UN BONNET, PAR M. JOSEPH ARCHÉOGRAPHIE DE L'INSIGNE COLLÉGIALE DE BEAUNE, PAR LE MÊME. COURS COMPLET D'AGRICULTURE PRATIQUE, PAR M. LOUIS NOIROT.

BARD.

[ocr errors]

DIVERS.

[ocr errors]

FAITS

our le monde croit qu'un bulletin est une œuvre de pure fantaisie, un enfant léger de l'imagination et du caprice. Grave erreur! Le bulletin ne s'appartient pas à lui-même, c'est un esclave, non pas du lecteur peutêtre, mais des auteurs. Esclave éternel, il faut qu'il garde ses entraves, sans autre ambition que de sautiller quelquefois devant ses maîtres, de gambader et de bondir jusqu'au bout de sa chaîne. Si les auteurs se taisent, le bulletin est muet; s'ils sont sérieux, il est triste; s'ils sont gais, il rit; s'ils font bailler, il ennuie; s'ils se mettent tous à écrire à la fois, il ne sait plus auquel entendre. Tour à tour trop long ou trop bref, trop gai ou trop froid, trop rapide ou trop lent, trop plein ou trop vide, trop grave ou trop frivole, il subit sans relâche la tyrannie innommée de cette corporation indisciplinable, monstre moderne, qu'on a laissé s'intituler orgueilleusement elle-même hommes de lettres. Pour que tout allât mieux, les auteurs devraient bien s'entendre avec le faiseur de bulletins, et convenir de distribuer leur esprit et leur

fécondité, ou ce qui leur en tient lieu, en des saisons égales et invariaables, sans distinction de froid et de chaud; mensuelle, par exemple, comme les deux-Bourgognes; de telle sorte que le pauvre feuilletoniste, au lieu de risquer périodiquement de crever de pléthore ou de maigreur, eût toujours, au contraire, la même quantité de matière écrite, de choses graves ou amusantes, à résumer ou à délayer. Mais ce traité si nécessaire, comment l'imposer, hélas! à cette république des lettres, toujours insaisissable et changeante, sans chefs reconnus, sans plénipotentiaires authentiques, sans foi, sans roi, sans loi? Que le lecteur donc vienne en aide au bulletiniste, à défaut des auteurs; et que les auteurs demeurent seuls responsables des fautes du bulletin.

Je vais d'abord où m'attirent mes sympathies provinciales et bourguignonnes, à M. de Brosses. Citez-moi, si vous le pouvez, un autre homme, dont on pût réimprimer avec succès des lettres sur l'Italie, écrites il y a cent ans. Cette bonne fortune n'est pas même réservée à Montaigne. C'est pourtant ce qui vient d'arriver à l'ancien premier président du parlement de Bourgogne : et je me porterais garant de la spéculation du libraire. Jamais aussi plus d'esprit ne fut mêlé à plus de science, plus de gaîté à un plus vif amour des arts.

Singulière destinée de ces lettres sur l'Italie, qu'elles soient encore, après cent ans, sans avoir été jamais destinées à l'impression, le livre le plus amusant à la fois et le plus instructif sur la péninsule italique, de l'aveu de tous ceux qui ont voyagé dans ce beau pays, ou qui ont lu les écrits des voyageurs! C'est l'hommage que lui rendait aussi l'un des derniers écrivains de voyages en Italie, M. de Stendhal, tout en lui dérobant bien des choses sans le citer. L'éloge compensait du moins le

larcin.

A l'édition nouvelle de ces lettres dijonnaises, écrites dans tout l'abandon d'une correspondance intime, entre jeunes gens du 18e. siècle, le petit-fils même de Charles de Brosses a bien voulu joindre une notice simple et facile sur la vie de son aïeul tant les lettres sont naturelles dans cette spirituelle famille! Tant le petit-fils a voulu accepter tout entier l'héritage de son père, M. le comte de Brosses, ancien préfet de Lyon, homme d'esprit aussi remarquable qu'administrateur habile, dont la vie a été remplie par les beaux-arts et les fonctions publiques, et qui, peu de temps avant d'être frappé par une mort prématurée, venait de faire tout exprès un voyage en Italie, afin de mettre, par ses observations vives et personnelles, les lettres de Charles de Brosses au niveau complet de l'Italie de nos jours!

Et ce culte de famille, et ces traditions dijonnaises, ne sont pas les seules choses qui nous intéressent en ceci. Sans doute ce n'est pas pour nous un médiocre objet de curiosité que ces lettres piquantes adressées, par un Dijonnais célèbre, à ses plus illustres compatriotes on aime à se souvenir de cette société dijonnaise de l'autre siècle, société choisie et lettrée, dont il faudrait, s'il est possible, imiter et faire renaître les goûts littéraires, et que nous entourerons de nos regrets sans cesse, si l'orage l'a emportée pour toujours. Sans doute encore, c'est un charmant épisode de la vie littéraire de la Bourgogne, que le voyage à Rome, si rare en ce temps-là, et la rencontre à Rome, en 1740, de six Dijonnais remarquables, parmi lesquels on distingue principalement Ch. de Brosses, Ste-Palaye, et Legouz de Gerland fondateur de notre premier jardin botanique : tous six faisant dire au cardinal Passionéi, que, depuis l'invasion des barbares, Rome n'avait pas encore vu à la fois tant de Bourguignons : tous six formant le projet, non réalisé pourtant, d'acheter et de faire élever à leurs frais, avec une inscription, en style lapidaire, au-devant de l'église de St-Louis des Français, un petit obélisque de granit arraché des ruines du cirque d'Héliogabale!

Mais le mérite intrinsèque de l'Italie il a cent ans veut surtout que j'insiste. Cette prose familière est encore si fraîche, si vive, qu'on ne peut la lire sans partager les impressions joyeuses de ces jeunes voyageurs de trente ans. Je ne sais pas même si les plaisanteries trop graveleuses qui, bien qu'adoucies par l'éditeur, se retrouvent souvent dans les lettres de Ch. de Brosses, n'ajoutent pas quelque chose à leur grâce naturelle et juvénile: elles peignent sûrement bien au vif le laisseraller peu scrupuleux et leste de la société du 18e siècle. Ne croyez pas aussi que cette correspondance ait pu vieillir. L'esprit et le bon goût d'artiste ne vieillissent jamais. Et puis cette Italie n'est guère changée, ses mœurs mêmes sont restées plus immobiles qu'ailleurs : ce sont toujours ses pompes religieuses, ses longues processions de pénitens, ses confréries pieuses, ses couvens, ses églises, ses monumens antiques, ses théâtres, ses ruines, son beau ciel, ses montagnes bleues, ses lacs, ses cascades, ses belles fontaines, sa mer chaude et étincelante. Vous trouverez encore ses lauriers et ses grenades, ses orangers en fleurs, ses cédrats, ses chênes verts, ses bois d'oliviers et de pins, ses vignes suspendues en hautes guirlandes d'ormeaux en ormeaux. Le Vésuve brûle sans fin, et son cratère seul a changé de forme. Rome est comme autrefois la cité des grandeurs tristes et mortes. Naples n'a point perdu ses îles et son golfe, ni Pise ses quatre merveilles réunies. Florence et

:

Bologne ont-elles cessé d'adorer et de recueillir les beaux-arts, les palais de marbre de Gènes de se réfléchir dans la mer, et Milan d'imiter les mœurs et la vivacité françaises? Venise, la voluptueuse Venise, a perdu ses richesses, ses fêtes et ses libertés aristocratiques, et non pas ses palais moresques, ses églises, ses lagunes, son illustre école de peinture Gènes a perdu ses doges, et non pas son activité commerciale. Quelques tableaux ont disparu par les guerres et les conquêtes; d'autres ont changé de place; les églises et les couvens se sont dépouillés au profit de la centralisation des musées : des monastères ont été supprimés, quelques maisons princières se sont éteintes. Des fouilles nouvelles ont enrichi les collections magnifiques de la Toscane, du pape et du roi de Naples : des musées nouveaux se sont formés; Pompéi a reparu sous le ciel, les temples de Postum ont été rendus à la renommée, Herculanum a continué de prodiguer ses marbres, ses bronzes, ses papyrus calcinés et ses peintures. Canova et Thorwaldsen sont devenus immortels. Voilà tout. Mais les principaux chefs-d'oeuvre des arts, mais les plus nombreux et les plus importans des monumens antiques sont demeurés les mêmes; et bien peu de pages eussent suffi à M. le comte de Brosses pour completter les lettres de son père. Et n'est-ce pas aussi chose bien curieuse de comparer l'Italie d'autrefois et l'Italie de nos jours? C'est là que de Brosses a écrit le premier mémoire qui ait été publié sur les ruines d'Herculanum; c'est là qu'il parla savamment à Buffon de l'histoire et des éruptions du Vésuve! Quel autre voyageur vous ferapénétrer dans tous les salons de l'Italie, chez les courtisanes, chez les artistes, dans les bibliothèques où de Brosses fouillait tous les manuscrits de Salluste, chez les savans, les cardinaux et les ambassadeurs, dans les réfectoires des couvens, dans la chambre à coucher du pape, et jusque dans la triste cour et à la froide table du roi déchu d'Angleterre et de ses deux fils, trois figures de monarques découronnés, aussi mélancoliques déjà que le tombeau touchant consacré à leur mémoire, dans StPierre de Rome, par le génie de Canova et la veuve du dernier des Stuarts? Ne demandez à nul autre de vous raconter aussi bien les habitudes et les ambitions d'un conclave, compliquées de toutes les intrigues des cours de l'Europe. Vous pourrez lire des voyageurs nonchalans et riches qui se sont endormis dans leurs chaises de poste, ou des voyageurs pauvres et modestes qui se sont morfondus à la porte des palais et sur les places publiques, les uns et les autres mentant ou copiant : mais vous aurez peine à rencontrer autre part un narrateur que sa fortune, son rang, ses goûts, ses connaissances variées aient fait péné

trer partout, tout voir, tout entendre, tout observer, hommes et choses, volcans, livres, monumens, médailles, peintures, mœurs, maisons de jeu, sans que rien lui échappe, sans qu'il dédaigne rien, capable également de rendre justice à tout, et d'écrire gaiement ou sérieusement sur tout, dont les impressions artistiques paraissent aujourd'hui même, excepté peut-être sur les monumens gothiques, aussi sûres, aussi neuves que le premier jour : homme illustre, moins illustre pourtant qu'il ne devrait l'être, à qui rien n'a manqué pour honorer sa patrie, ni le goût et les études de l'artiste, ni de graves travaux en philologie, ni la science de l'antiquité, de l'histoire et de la géographie, ni les grands honneurs de la magistrature, ni la vie parlementaire et politique indépendante; magistrat érudit, restaurateur classique de Salluste, homme aimable de tous les salons, dont l'œil actif a pénétré dans presque toutes les parties du domaine de l'intelligence.

En vérité, je ne puis pas plus me lasser de parler des lettres sur l'Italie que de les lire. Laissons pourtant le voyageur dijonnais avec ses accidens de mer et de voiture si drôlement racontés, et parlons de littérature moderne.

Il faut bien que je dise quelque chose d'une famille sous Luther, dernière production dramatique de M. Casimir Delavigne. Mais que vous dirai-je? Ce Delavigne, dont le style est ordinairement si spirituel, et les ouvrages si consciencieux, a complettement échoué cette fois: erreur d'un seul acte, il est vrai, mais erreur profonde! Les journaux de Paris ont dit qu'il y avait dans ce drame du moins une seule scène, une belle scène. Il n'y a pas même cela.

Un jeune homme arrive de Rome, vivement attendu par une vicille mère et un frère. Il arrive, catholique ardent, chez sa mère, fanatique luthérienne, auprès d'un frère qui se dispose à abjurer la religion catholique. La joie de se revoir en famille, les souvenirs de l'enfance, les peines de l'absence et les récits du passé, ne suspendent pas deux minutes les soupçons réciproques et les querelles religieuses de cette triste maison. Après une discussion passionnée et dogmatique peu motivée, le frère, qui veut devenir protestant, chasse de la maison paternelle son frère catholique; mais l'ame d'une mère, les gentilles caresses d'une nièce, les douleurs d'un vieux serviteur catholique, retiennent au milieu de la famille le voyageur romain, qui n'a encore ni mangé, ni dormi, sous le toit de ses pères. Les deux frères se réconcilient et s'embrassent: la nuit vient, et le catholique assassine froidement son frère, pour sauver son ame et l'empêcher d'abjurer.

« ZurückWeiter »