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un désert et qu'il n'aurait personne à sa suite! si, dis-je, personne n'est assez hardi pour toucher seulement l'habit d'un homme, comment serons-nous assez téméraires pour recevoir en nous avec déshonneur et avec injure le corps de Dieu même, qui est infiniment élevé au-dessus de tous les rois ; ce corps qui est si pur et en qui il ne peut y avoir la moindre tache, qui a été uni et qui habite avec la Divinité, par lequel nous recevons l'être et la vie, et par lequel les portes de l'enfer ont été brisées, et les voûtes des cieux ouvertes? Ne soyons donc pas, je vous prie, homicides de nous-mêmes; mais approchonsnous de ce divin corps avec beaucoup de crainte et une extrême pureté; et en le considérant lorsque on vous le présente, dites en vous-même : C'est ce corps qui fait que je ne suis plus de la terre, que je ne suis plus captif, que je suis libre. C'est ce corps qui me fait espérer que j'entrerai un jour dans le ciel, et que je jouirai de tous les biens qui y sont, et que j'obtiendrai la vie éternelle; que je serai élevé à l'état des anges; et que je serai reçu en la compagnie de Jésus-Christ. La mort n'a pu détruire ce corps par les clous dont il a été percé, ni par les coups dont il a été meurtri. Le soleil voyant ce corps attaché à une croix en a détourné ses rayons; ce corps en souffrant la mort a fait déchirer le voile du temple, fendre les pierres et trembler la terre. Voilà ce même corps qui a été ensanglanté et qui, ayant été frappé d'une lance, a versé deux fontaines salutaires à toute la terre, l'une de sang, et l'autre d'eau... Et c'est ce corps que Jésus-Christ nous a donné et à tenir et à manger par un excès prodigieux de son amour..... Autrefois les mages ont témoigné de la révérence pour ce divin corps, lors même qu'il était couché sur une crèche et dans une étable; et sans y voir rien de pareil à ce que vous voyez maintenant, ils s'en approchèrent avec beaucoup de respect et d'humilité. Quant à vous, ce n'est plus sur une crèche que vous le voyez, c'est sur un autel; ce n'est plus entre les bras d'une femme, c'est entre les mains du prêtre et sous les ailes du Saint-Esprit, qui couvre les oblations sacrées avec une infinité d'esprits bienheureux qui l'environnent..... Si nous sortons de ce monde après la participation de ce sacrement, nous entrerons avec une grande confiance dans le sanctuaire du ciel, comme étant revêtus d'armes d'or qui nous rendent invulnérables à nos ennemis. Mais pourquoi parler des choses à venir, puisque même des cette vie, ce mystère fait que la terre nous devient un ciel? Ouvrez donc les portes du ciel, ou plutôt du ciel des cieux, et vous verrez véritablement ce que je dis, je vous montrerai ici-bas ce qu'il y a là-haut de plus précieux et de plus vénérable..... Ce qu'il y a de plus précieux dans le ciel est le corps même du Roi du ciel, et c'est ce corps qu'il vous est permis de voir sur la terre... Considérez que vous voyez sur la terre ce qu'il y a de plus excellent et de plus adorable dans le ciel, et que non seulement vous le voyez, mais que vous

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D. Que doit-on répondre à une autre cijection que font les protestants lorsque ils disent que les choses signifiées se peuvent affirmer des signes, comme quand on dit d'un tableau que c'est Louis XIV, pour dire qu'il est le signe et la représentation de Louis XIV; ou bien d'une carte géographique, que c'est la France ou l'Italie; et qu'ainsi ces paroles de Jésus-Christ, Ceci est mon corps, ne doivent s'entendre que de la figure de son corps?

R. Les choses signifiées se peuvent affirmer des signes, cela est vrai dans certaines occasions, mais cela est faux en bien des rencontres; car il y en a où un pareil langage serait ridicule et extravagant. En effet serait-ce une chose supportable que quelqu'un ayant fait un songe la nuit, dans lequel une grande quantité de fantômes et d'images lui auraient passé dans l'esprit, et s'étant imaginé à son réveil que ces images qui lui auraient passé dans l'esprit signifiaient quelque chose, s'avisât, en parlant aux autres sans les avoir avertis qu'il parle d'un songe, de donner à ces images le nom des choses qu'il croirait qu'elles signifient? Si dans ce songe, par exemple, il avait vu des boeufs et des chameaux, et qu'il se fûl imaginé que les bœufs figuraient les Allemands et les chameaux les Hollandais, aurait-il droit pour cela, en parlant à des gens qui n'auraient jamais rien appris de son songe, d'appeler un bœuf un Allemand, ou un chameau un Hollandais? Ainsi puisque il y a des rencontres où ces sortes d'expressions sont raisonnables et d'autres où elles sont insensées, il ne suffit pas pour conclure que cette proposition, Ceci est mon corps, se peut entendre en un sens de figure, de prouver par des exemples que ces propositions sont quelquefois raisonnables; mais il faut montrer de plus que cette proposition, Ceci est mon corps, est du nombre de celles qui sont raisonnables et permises, et non de celles qui sont extravagantes et insensées.

Il y a sur ce point des règles par lesquelles on peut discerner quand ces mêmes propositions sont raisonnables et quand elles sont extravagantes, et par là on sait en quel rang il faut mettre le sens que les protestants donnent à cette proposition, Ceci est mon corps.

Il est certain 1o que si on fait réflexion sur la nature du langage humain, on reconnaîtra qu'il est fondé en partie sur la connaissance imparfaite de l'esprit des autres. C'est ce qui fait qu'en parlant il y a des choses que nous n'exprimons point, parce que nous supposons qu'elles sont déjà connues à ceux qui nous entendent, que nous n'en marquons d'autres qu'à demi' sur l'assurance que nous

avons qu'ils suppléeront à ce que nous n'exprimons pas; que nous répondons à ce que nous lisons dans l'esprit des autres; et que prévoyant le sens auquel ils doivent prendre nos paroles, nous choisissons celles qui doivent former l'idée que nous y voulons imprimer.

2° Il n'est pas moins certain qu'il y a des choses que nous regardons comme des choses; c'est-à-dire que nous considérons en ce qu'elles sont en elles-mêmes, et d'autres au contraire que nous considérons comme signes; c'est-à-dire dans lesquelles nous n'avons pas tant d'égard à ce qu'elles sont qu'à ce qu'elles signifient ou naturellement ou par institution.

3. Non seulement nous considérons nousmêmes ces choses en ces deux manières qu'on vient de dire, mais nous savons aussi par le commerce que nous avons les uns avec les autres de quelle sorte les autres les regardent. Ainsi nous savons communément que ceux à qui on parle regardent un cheval, un arbre, du pain, du vin comme des choses, et qu'ils regardent un tableau, une carte géographique comme des signes.

Il s'ensuit de ces notions certaines que, quand on voit que celui à qui on parle considère quelque chose comme un signe c'est parler d'une manière raisonnable que d'en affirmer la chose signifiée, et de dire, par exemple, qu'un tableau est Alexandre, qu'une carte est l'Italie, parce que nous lisons dans son esprit qu'il n'est en peine que de savoir ce que représente ce tableau où cette carte, et non de quelle matière elle est. Et comme nous supposons avec raison qu'il forme intérieurement cette question, Qu'est-ce que ce tableau est en signification et en figure? nous répondons aussi avec raison que c'est Alexandre ces mots en signification et en figure qui manquent à la réponse que nous lui faisons étant supplées par cette question intérieure que nous voyons dans son esprit; de sorte que la proposition entière consiste et dans ce que nous savons qu'il a dans l'esprit et dans ce que nous exprimons par nos paroles.

Mais lorsque nous connaissons au contraire que ceux à qui nous parlons ne regardent nullement certaines idées comme des signes, mais qu'ils les considèrent comme des choses, il est ridicule alors d'en affirmer ce qu'elles signifient dans notre esprit. Ainsi un homme qui, pour pratiquer l'art de la mémoire artificielle se serait servi, par exemple, d'un chêne pour marquer Alexandre le Grand, et d'un chien pour se souvenir de Cyrus, ne serait point en droit, à cause de la destination secrète qu'il aurait faite de ces choses à signifier ces princes, de dire à ceux qui n'en sauraient rien en montrant un chêne que c'est Alexandre, et un chien que c'est Cyrus; et celui qui parlerait de la sorte passerait avec raison pour insensé et extravagant, parce que ceux à qui on parle ne considerent un chien et un chêne que comme des choses et non comme des signes, et que l'on doit voir en eux cette disposition.

Voilà les principes naturels par lesquels on peut juger si une proposition où la chose signifiée est affirmée du signe est raisonnable ou extravagante; et par ces principes on voit tout d'un coup que le sens que donnent les calvinistes à ces paroles : Ceci est mon corps, ne peut nullement subsister, parce qu'il rendrait cette proposition contraire au bon sens et à tous les principes du langage humain. En effet il est visible que du pain n'est pas du nombre de ces choses que l'on considère ordinairement comme des signes, et on ne doit point croire que Jésus-Christ ait vu dans l'esprit de ses apôtres qu'ils fussent en peine de savoir ce que signifiait le pain qu'il prenait, le pain étant du nombre des êtres que l'on regarde comme choses et non comme signes. Il ne répondait donc à aucune de leurs pensées en disant : Ceci est mon corps, et il ne leur avait point donné lie de former cette question intérieure, Que signifie ce pain? Elle aurait donc été entièrement insensée, s'il avait affirmé du pain qu'il était son corps, pour marquer qu'il l'était n signification et en figure, et elle aurait été tout aussi peu raisonnable que celle que nous venons de rapporter.

Bien plus, si ces paroles de Jésus-Christ, Ceci est mon corps, marquaient qu'il l'était en figure, c'était un signe que Jésus-Christ établissait dès ce moment. Car on ne peut pas dire que ce signe fût déjà établi. Or ce n'est point du tout le langage auquel se porte un homme qui établit un signe et qui l'établit sans préparation; cet homme s'explique, il n'abrège point son discours, il ne laisse rien à suppléer à ceux à qui il parle, parce qu'il ne peut supposer en eux ces pensées qui font que l'on s'exempte d'exprimer si distinctement les choses: cela est si vrai, que dans les signes déjà établis et dans lesquels on est en droit de supposer qu'ils sont regardés comme des signes, le bon sens oblige de s'expliquer davantage si la proposition est peu probable ou peut être obscure à ceux à qui l'on parle ainsi en parlant à un Français, qui sait que les titres de tous les biens, les lettres de graces, les provisions des charges et des gouvernements s'écrivent sur du parchemin, on pourra dire en lui montrant un acte de cette sorte, que c'est une rente, une maison, une terre, une grace, un bénéfice, sans s'expliquer davantage; mais si on parlait à un étranger, venu de quelque pays où cet usage serait absolument inconnu, ou qui ignorerait même l'art de l'écriture, il faudrait s'expliquer davantage et lui découvrir que, par une convention commune, ces actes contiennent le droit que ceux pour qui ils sont faits ont aux choses qui y sont expri

mées.

Il est donc clair par tout ce que l'on vient de dire que si Jésus-Christ n'avait voulu faire du pain de l'eucharistie qu'une simple figure ou signe il ne se serait jamais servi de ces paroles, Ceci est mon corps: parce que ç'aurait été le premier établissement de ce signe, et que l'on ne donne aux signes le nom des choses signifiées que lors

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qu'ils sont déjà regardés comme signes, et que l'on voit dans l'esprit des autres qu'ils sont en peine de savoir, non ce qu'ils sont, mais ce qu'ils signifient. Il s'ensuit de là que le sens que les calvinistes trouvent si naturel à force de s'y être accoutumés est effectivement ridicule, trompeur, faux et entièrement indigne d'être attribué à Jésus-Christ.

Après cela, il est aisé de comprendre comment les catholiques ont pris ces paroles, Ceci est mon corps, dans un sens de réalité, et comment ils en ont tiré la foi de la présence réelle; car ils ont supposé que Jésus-Christ, qui est la sagesse infinie, avait parlé d'une manière sage et raisonnable; qu'étant la vérité même, il n'avait pas parlé d'une manière trompeuse et qui ne fût propre qu'à jeter les hommes dans l'erreur. Ils ont jugé de cette expression sur la manière dont ils parlent eux-mêmes et dont ils entendent le langage des autres hommes; or comme ils ne s'aviseraient jamais, en instituant un signe, de ne pas avertir que la chose dont ils parlent doit être regardée comme un signe ; et qu'ils ne l'appelleraient pas tout d'un coup, sans aucun usage précédent, du nom de la chose signifiée, ils n'ont pu croire que Jésus-Christ l'ait voulu faire; et qu'étant sur le point de quitter ses disciples et en leur donnant ses dernières et ses plus importantes instructions, il leur ait parlé d'une manière dont il ne leur aurait jamais parlé auparavant, et dont il faudrait dire que jamais autre que lui n'aurait parlé.

Enfin on doit dire que si la créance où a été toute l'Eglise de la présence de JésusChrist dans l'eucharistie, comme on l'a prouvé ci-dessus, était fausse, il s'ensuivrait de là qu'il est possible que l'Eglise ait toujours été engagée dans une erreur criminelle et dans un culte idolâtre, puisque si JésusChrist n'était pas vraiment présent dans l'eucharistie tous les catholiques seraient de vrais idolâtres, tous les martyrs n'auraient rendu témoignage qu'à l'idolâtrie, les pères n'auraient été que des docteurs d'idolâtrie, et toute l'Eglise n'aurait été qu'une assemblée d'idolâtres qui n'auraient ruiné l'idolâtrie païenne que pour en substituer une autre, c'est-à-dire l'adoration du pain et du vin au licu de l'adoration des statues d'or ou d'argent, de bois ou de pierre. Or cela est visiblement impossible, parce qu'il répugne à la sagesse de Dieu que, après avoir formé l'Eglise chrétienne, après avoir rendu témoignage à sa propre œuvre par tant de miracles et de faits célèbres qui font connaître la puissance de son auteur, il ait permis que tous coux que sa grace a appelés à la foi de cette religion, que toute son Eglise, en un mot fût engagée dans une erreur qui anéantirait les promesses faites par Jésus-Christ à son Eglise de lui enseigner toute vérité. CHAPITRE XXVII. Que les protestants ne

sauraient être la véritable Eglise. D. Ne peut-on pas, sans entrer dans la discussion des points contestés, faire sentir aux protestants par de solides raisons que leur secte ne saurait être la véritable église, et qu'ainsi

ils sont schismatiques et hors du sein de l'Eglise?

R. Voici pour cela quelques réflexions qu'il leur est bien important de faire. Si les protestants qui cherchent sincèrement la vérité, voulaient bien s'examiner sans aucune prévention, et se demander à eux-mêmes s'ils ont bien fait de quitter l'Eglise que JésusChrist lui-même a fondée, dont les apôtres ont été les premiers pasteurs, à laquelle les martyrs ont rendu témoignage pendant tant d'années, dont les saints pères ont été les mattres, et dont une infinité de saints ont été l'ornement, il est impossible qu'ils n'entrassent en quelque doute sur une séparation si étonnante. Or dans une pareille question, qui consiste à savoir s'ils ont bien fait de se séparer de l'Eglise catholique, il suffit de douter si cette séparation est légitime, pour être obligé de retourner à l'unité de l'Eglise, parce que dans le doute le préjugé est pour l'Eglise catholique, et qu'ainsi il faut des raisons convaincantes et bien évidentes pour la quitter.

2° La plupart des protestants, on peut dire même presque tous, ne peuvent point faire cet examen par la voie de la discussion des points contestés. Il faudrait avoir lu tous les pères et les conciles, avoir examiné tout de ses propres yeux, ce qui est impossible au commun des hommes. A qui s'en rapporteront-ils donc? Ce sera sans doute à leurs ministres, comme ils font en effet; mais on peut leur demander pourquoi ils déféreront plutôt à un très-petit nombre de gens qui ne sont rien moins qu'anciens, plutôt qu'à tous les pères de l'Eglise et aux conciles, et pourquoi ils s'en rapporteront à ces hommes nouveaux, tandis que ceux-ci leur apprennent qu'on ne peut se fier à personne, et qu'ils ne reconnaissent eux-mêmes aucune autorité? Or, dans cette perplexité, le plus sûr alors n'est-il pas de s'en rapporter à une Eglise qui a la plus grande antiquité et la plus incontestable autorité qui soit sous le ciel, plutôt qu'à quelques particuliers qui n'ont aucun titre pour exiger d'être crus?

3° Les protestants de bonne foi devraient faire attention qu'il n'y a rien de plus absurde que de ne vouloir reconnaître aucune autorité car c'est le système de ceux de leur secte. Ainsi on peut leur demander encore de qui ils tiennent l'autorité qu'ils s'arrogent de vouloir être les juges de ce qu'enseigne l'Eglise catholique? Quel droit ont-ils de juger des points de la doctrine des chrétiens de tous les siècles? Bien plus, Jésus-Christ ayant dit en termes fort clairs que celui qui n'écoute pas l'Eglise est un infidèle, comment s'imaginer sans impiété qu'il eût tendu des piéges à ceux qui auraient une entière obéissance à l'autorité de l'Eglise, et qu'il n'eût voulu sauver que ceux qui seraient assez présomptueux pour mépriser tout ce qu'il y a de plus grand et de plus vénérable à l'Eglise depuis dix-sept siècles?

4 S'il est question de savoir à qui il fau s'en rapporter sur le sens des saintes Ecri tures, quelle apparence y a-t-il que l'intelli

gence en ait été réservée à quelques hommes obscurs, et qu'elle ait été dérobée à l'Eglise catholique, qui a porté dans son sein tous ceux qui ont expliqué dignement les saintes Ecritures depuis les apôtres, et qui ont reçu sans interruption l'esprit et la lumière que Jésus-Christ leur avait donnée pour entendre ces livres sacrés? Car enfin c'est de l'Eglise dont se sont séparés les protestants, que ceux-ci ont reçu le Symbole des apôtres, la connaissance des mystères de la trinité et de l'incarnation. C'est par elle qu'ils sont chrétiens, c'est d'elle qu'ils ont appris la nécessité du baptême et la connaissance de Jésus-Christ, de ses actions, de ses miracles, de sa doctrine. Comment donc les protestants osent-ils s'attribuer ce qui n'a été confié qu'à elle par Jésus-Christ même, puisque tous ceux qui l'ont quittée depuis le premier siècle jusqu'au nôtre ont toujours été condamnés comme schismatiques?

Mais ce n'est pas là tout. On peut faire remarquer aux protestants qu'il n'y a rien de plus téméraire, par rapport au salut, que de s'en rapporter, pour l'intelligence des saintes Ecritures sur les points contestés, aux prétendus réformateurs de l'Eglise. Pourquoi? c'est qu'ils ne s'accordent point eux-mêmes entre eux sur les points les plus essentiels. Luther a vu fort clairement dans les paroles du Sauveur, Ceci est mon corps, la réalité de sa chair et de son sang dans l'eucharistie; et Calvin au contraire n'y a vu que la figure. Qui aura raison des deux ? auquel s'en rapporter pour être du côté de la vérité? Bien plus l'Ecriture parle aussi clairement des sacrements de confirmation, d'extrême-onction et de la confession que de celui du baptême: on peut dire que s'il y avait quelque chose d'obscur dans l'Ecriture par rapport à ces sacrements, la pratique de l'Eglise dans tous les siècles a dû l'éclaircir suffisamment. Cependant les prétendus réformateurs ont retranché ces trois sacrements, et n'ont retenu que le baptême. Comment peut-on avoir pour guides, sur le sens des saintes Ecritures, des gens qui tombent en contradiction avec euxmêmes, qui ne veulent s'appuyer que sur l'Ecriture et qui cependant la méprisent avec une si prodigieuse témérité ?

5° Jésus-Christ, qui a prédit qu'il viendrait de faux prophètes et de faux apôtres, afin de nous prévenir par là contre les hérétiques, nous a assuré que l'Eglise résisterait à tous les efforts de l'enfer, et qu'il serait avec elle jusque à la consommation des siècles. Or cela étant, n'est-il pas déplorable que les protestants veuillent suivre des pasteurs qui ont osé se vanter d'avoir reçu de Dieu une mission extraordinaire, qui ont établi une société de nouveaux ministres, de nouvelles Eglises, déclarant tous les évêques et tous les prêtres

déchus de leurs dignités et déposés ? Et cela sans prouver cette prétendue mission par aucun miracle qui pût assurer ceux qui les suivaient qu'ils la tenaient de Dieu, et sans montrer aucun passage de l'Ecriture ou qui la prédit, ou qui la désignât le moins du monde. Certainement si les protestants voulaient se rappeler l'origine de leur schisme, s'ils supposaient pour un moment avoir vécu lors de cette époque, il est constant qu'ils auraient voulu voir les choses de plus près et qu'ils auraient demandé des preuves à ces nouveaux apôtres. Sont-ils bien persuadés qu'ils auraient suivi sans autres informations des séditieux dépourvus d'autorité, de vocation, de caractère, au mépris de l'Eglise la plus sainte qui fût jamais? Diront-ils de bonne foi qu'ils auraient hasardé leur salut éternel sur la parole de quelques audacieux, et qu'ils auraient rejeté aussitôt la doctrine de tous les évêques du monde et des saints de tous les siècles? Qu'ils pensent un moment à ce qu'ils auraient fait s'ils s'étaient trouvés à la naissance de ce schisme fatal; lorsque ils auraient vu un moine d'Allemagne, seul et désavoué de tout le monde, sans autorité, sans être même soutenu d'une vertu apparente, troubler toute l'Eglise par des nouveautés qu'il poussait tous les jours plus loin à mesure qu'il devenait plus hardi et plus emporté? Auraient-ils eu assez de résolution pour s'exposer à une perte éternelle en suivant un seul homme contre toutes les Eglises chrétiennes ?

Et qu'ils ne disent pas que le nombre des disciples qui accrut cette nouvelle secte doit faire quelque impression: car les hommes en général, prévenus par leurs passions ou dominés par quelque intérêt, sont peu affermis dans leur religion : ils écoutent avidement tout ce qui favorise le penchant de leur cœur. Les prédications de ces prétendus réformateurs contre le célibat,les vœux des religieux, les jeûnes de l'Eglise, l'obéissance à ses lois, la confession, etc., produisirent cet effet dans une infinité de gens ou peu instruits ou dominés par quelque motif humain : ainsi il n'y a rien la d'extraordinaire, vu la disposition du cœur des hommes. Mais enfin quelque grand qu'ait été le nombre des disciples du premier de ces réformateurs, les protestants ne peuvent pas faire qu'il n'ait tort s'il l'a eu effectivement, qu'il ne soit plus schismatique si réellement il l'a été, comme la chose est sensible; que si après toutes ces réflexions ils croient qu'ils n'auraient pas osé sortir de l'Eglise, il n'y a pas à balancer qu'ils doivent chercher à y rentrer au plus tôt. Le nombre des années qui se sont écoulées depuis le schisme ne saurait rendre légitimes les causes qui y ont donné lieu, dès qu'elles sont mauvaises dans leur principe.

FIN DU CATECHISME DE L'AGE MUR.

A MES PAROISSIENS.

Un père est redevable à ses enfants de tout ce qu'il possède : c'est pour eux qu'il travaille! c'est pour eux qu'il vit! Il en est de même d'un pasteur à l'égard du troupeau qui lui est confié. Il est l'objet essentiel de sa tendre et continuelle sollicitude; celle-ci s'étend à tous les membres qui le composent, sans aucune exception, même sur ceux qu'il ne peut voir, qu'il ne peut atteindre, et qui parfois ne veulent pas l'entendre.

Plein du désir de payer cette dette sacrée, j'ai pensé qu'enfin, pour l'utilité de tous, je devais me dessaisir du seul manuscrit qui me restât entre les mains. Il est le seul, parce que des malheurs inévitables m'ont dépouillé à plusieurs reprises de beaucoup d'autres, qu'un travail de plus de quarante ans m'avait procurés; et il me reste, parce que, fruit de mon dernier exil en 1814, je n'ai point eu depuis occasion de le perdre.

J'ai eu le temps de le communiquer à différentes personnes plus ou moins instruites, plus ou moins raisonnables, et je l'ai fait par forme d'épreuve, comme pour avoir leur suffrage, et pour juger, par l'impression qu'il leur ferait, de l'effet que je pouvais m'en promettre. Un résultat satisfaisant m'a confirmé dans mon premier projet de le donner au public.

Mais me faire imprimer moi-même pour une simple traduction! il fallait pour m'y décider, ou que j'y fusse entraîné par quelque heureuse circonstance, ou qu'un ami puissant me facilitát une entreprise trop dispendieuse pour mes faibles ressources. Rien de cela ne s'est présenté. Cependant mon manuscrit restait enseveli dans la poussière de l'oubli; quelque nouvelle catastrophe pouvait me l'enlever comme les autres. On me répétait souvent que c'était un trésor enfoui; que j'étais coupable d'en priver mes concitoyens, et qu'il valait tout autant que je l'eusse perdu.

J'ai pris enfin le parti de ne plus compter sur personne et, calculant avec moi seul, j'ai vu que mes petites épargnes déjà faites et celles que je pouvais faire encore suffiraient aux frais de l'impression. Convaincu d'ailleurs qu'en les consacrant au bien de mes Paroissiens, tous en approuveraient l'usage, je n'ai pas hésité un seul instant, et c'est un vrai bonheur pour moi de leur prouver par là combien leurs intérêts spirituels me sont chers.

Je ne doute pas qu'ils ne retirent un très-grand avantage du livre qne je leur dédie: c'est à ceux qui ne me connaissent pas encore, aussi bien qu'à ceux qui me connaissent, que je l'offre; c'est aux établissements destinés à l'éducation des deux sexes; c'est aux Paroissiens que la barrière si forte des préjugés sépare le plus de l'Eglise ; c'est enfin à tous ceux qui ont besoin d'être affermis dans les vrais principes. Eh! qui n'en a pas besoin!

Je suis loin d'en faire une spéculation d'intérêt; cependant j'espère que je ne perdrai point mes avances; et j'aime à croire que mes Paroissiens, par leur bon accueil, donneront à cet ouvrage un mérite qui lui attirera beaucoup d'autres lecteurs. Je le livre à toute la France sous leurs auspices: partout il sera utile; et, si Dieu bénit mon intention, j'aurai l'avantage, au moins une fois en ma vie, d'avoir rendu un service à ma patrie : car c'est en rendre un à ceux qui rejettent la Religion comme contraire à la raison que de leur prouver que la raison ellemême l'appuie et la commande.

DE MES PAROISSIENS,

Le très-humble et très-dévoué serviteur,

R***

Curé de St.-Jacques-du-Haut-Pas.

PROLOGUE DE L'AUTEUR.

20008

Quand on met un ouvrage au jour, il est bien juste que le public sache dans quelle intention l'auteur lui fait hommage de son travail.

J'ai appris, par expérience, que les philosophes du siècle emploient dans leurs disputes des armes bien différentes que ceux d'autrefois. Leur entendement ne s'astreint à aucune règle; un esprit de vertige et de licence les entraîne; ils se moquent de tout, et à ce qui jusque là avait été regardé avec raison comme des démonstrations, ils ne répondent que par des invectives plaisantes et piquantes. C'est ainsi qu'ils plaisent et en imposent à ceux qui manquent de jugement et de solidité.

J'ai remarqué que, dans les matières les plus sacrées de la vraie religion, les impies ne font aucun is des pères ni de l'Ecriture sainte, auxquels ils n'accordent aucune autorité

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