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Ames Cosmopolites, qui franchiffent les barriéres imaginaires qui féparent les Peuples, & qui, à l'exemple de l'être fouverain qui les a créés, embraffent tout le Genre-humain dans leur bienveillance.

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LES Corps Politiques reftant ainfi entre eux dans l'Etat de Nature fe reffentirent bientôt des inconveniens qui avoient forcé les particuliers d'en fortir, & cet Etat devint encore plus funefte entre ces grands Corps qu'il ne l'avoit été auparavant entre les individus dont ils étoient compofés. De là fortirent les Guerres Nationales, les Batailles, les meurtres, les répréfailles qui font fremir la Nature & choquent la raison, tous ces préjugés horribles qui placent au rang des vertus l'honneur de répandre le fang humain, Les plus honnêtes gens appri

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&

rent

rent à compter parmi leurs devoirs celui d'égorger leurs femblables; on vit enfin les hommes fe maffacrer par milliers fans favoir pourquoi; & il fe commettoit plus de meurtres en un feul jour de combat & plus d'horreurs à la prise d'une feule ville, qu'il ne s'en étoit commis dans l'Etat de Nature durant des fiécles entiers fur toute la face de la terre. Tels font les premiers effets qu'on entrevoit de la divifion du Genre-humain en différentes Sociétés. Revenons à leur inftitution.

Je fais que plufieurs ont donné d'autres origines aux Sociétés Politiques, comme les conquêtes du plus puiffant ou l'union des foibles; & le choix entre ces caufes eft indifférent à ce que je veux établir: cependant celle que je viens d'expofer me paroit la plus

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naturelle par les raifons fuivantes. 1. Que dans le premier cas, le Droit de conquête n'étant point un Droit n'en a pu fonder au

autre, le Conquérant & les Peuples conquis reftant toujours entre eux dans l'état de Guerre, à moins que la Nation remise en pleine liberté ne choififfe volontairement fon Vainqueur pour fon Chef. Jusques-là, quelques capitulations qu'on ait faites, comme elles n'ont été fondées que fur la violence, & que par conféquent elles font nulles par le fait même, il ne peut y avoir dans cette hypothese ni veritable Société, ni Corps Politique, ni d'autre Loi que celle du plus fort. 2. Que ces mots de fort & de foible font équivoques dans le fecond cas; que dans l'intervalle qui fe trouve entre l'établissement du Droit de propriété ou de premier occupant,

& celui des Gouvernemens politiques, le fens de ces termes eft mieux rendu par ceux de pauvre & de riche, parcequ'en effet un homme n'avoit point avant les Loix d'autre moyen d'affujetir fes égaux qu'en attaquant leur bien, ou leur faifant quelque part du fien. 3. Que les Pauvres n'ayant rien à perdre que leur liberté, c'eût été une grande folie à eux de s'ôter volontairement le feul bien qui leur reftoit pour ne rien gagner en échange; qu'au contraire les riches étant, pour ainfi dire, fenfibles dans toutes les parties de leurs Biens, il étoit beaucoup plus aifé de leur faire du mal, qu'ils avoient par conféquent plus de précautions à prendre pour s'en garantir; & qu'enfin il est raifonnable de croire qu'une chofe a été inventée par ceux à qui elle est utile plûtôt que par ceux à qui elle fait du

tort.

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LE Gouvernement naiffant n'eût point une forme constante & réguliere. Le défaut de Philofophie & d'expérience ne laiffoit appercevoir que les inconvéniens préfens, & l'on ne fongeoit à remedier aux autres qu'à mefure qu'ils fe préfentoient. Malgré tous les travaux des plus fages Légiflateurs, l'Etat Politique, demeura toûjours imparfait, parcequ'il étoit presque l'ouvrage du hazard, & que mal commencé, le tems en découvrant les défauts, & fuggérant des remédes, ne put jamais réparer les vices de la Constitution; On racommodoit fans ceffe, au lieu qu'il eut fallu commencer par n'étoyer l'aire & écarter tous les vieux matériaux comme fit Licurgue à Sparte, pour élever enfuite un bon Edifice. La Société ne confifta d'abord qu'en quelques conventions générales

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