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nérales que tous les particuliers s'engageoient à obferver, & dont la Communauté se rendoit garante envers chacun d'eux. Il fallut que l'expérience montrât combien une pareille conftitution étoit foible, & combien il étoit facile aux infracteurs d'éviter la conviction ou le châtiment des fautes dont le Public feul devoit être le témoin & le juge; il fallut que la Loi fût éludée de mille maniéres; il fallut que les inconvéniens & les défordres fe multipliaffent continuellement, pour qu'on fongeât enfin à confier à des particuliers le dangereux dépôt de l'autorité publique, & qu'on commît à des Magiftrats le foin de faire obferver les délibérations du Peuple: car de dire que les Chefs furent choifis, avant que la confédération fût faite, & que les Miniftres des Loix exiftérent avant les

Loix mêmes, c'est une fuppofition qu'il n'est pas permis de combattre férieusement.

IL ne feroit pas plus raifonnable de croire que les Peuples fe font d'abord jettés entre les bras d'un Maître abfolu, fans conditions & fans retour, & que le premier moyen de pourvoir à la fûreté commune qu'aient imaginé des hommes fiers & indomptés, a été de fe précipiter dans l'efclavage. En effet, pourquoi fe font ils donné des fupérieurs, fi ce n'est pour les défendre contre l'oppreffion, & protéger leurs biens, leurs libertés, & leurs vies, qui font, pour ainfi dire, les élemens conftitutifs de leur être ? Or dans les relations d'homme à homme, le pis qui puiffe arriver à l'un étant de fe voir à la difcrétion de l'autre, n'eût il pas été contre le bon fens de commencer par fe dépoüiller entre

les

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les mains d'un Chef des feules chofes pour la confervation desquelles ils avoient befoin de fon fecours? Quel équivalent eût il pû leur offrir pour la conceffion d'un fi beau Droit; &, s'il eût ofé l'exiger fous le prétexte de les défendre, n'eût il pas auffitôt reçû la réponse de l'Apologue; Que nous fera de plus l'ennemi? Il est donc incontestable, & c'est la maxime fondamentale de tout le Droit Politique, que les Peuples fe font donné des Chefs pour défendre leur liberté & non pour les affervir. Si nous avons un Prince, difoit

Pline à Trajan, c'eft afin qu'il nous préserve d'avoir un Maître.

LES politiques font fur l'amour de la liberté les mêmes fophifmes que les Philofophes ont faits fur l'Etat de Nature; par les chofes qu'ils voyent ils jugent des chofes très diffé

rentes

rentes qu'ils n'ont pas vues, & ils attribuent aux hommes un penchant naturel à la fervitude par la patience avec laquelle ceux qu'ils ont fous les yeux fupportent la leur, fans fonger qu'il en est de la liberté comme de l'innocence & de la vertu, dont on ne fent le prix qu'autant qu'on en joüit soi-mê

& dont le goût fe perd fitôt qu'on les a perdues. Je connois les délices de ton Païs, difoit Brafidas à un Satrape qui comparoit la vie de Sparte à celle de Perfépolis, mais tu ne peux connoître les plaifirs du mien.

COMME un Courfier indompté hériffe fes crins, frappe la terre du pied & fe débat impétueusement à la feule approche du mords, tandis qu'un cheval dreffé fouffre patiemment la verge & l'éperon, l'homme barbare ne

plie point fa tête au joug que l'homme civilife porte fans murmure, & il préfere la plus orageufe liberté à un affujettiffement tranquile. Ce n'est donc pas par l'avilissement des Peuples affervis qu'il faut juger des difpofitions naturelles de l'homme pour ou contre la fervitude, mais par les prodiges qu'ont faits tous les Peuples libres pour fe garantir de l'oppreffion. Je fais que les premiers ne font que vanter fans ceffe la paix & le repos dont ils jouïffent dans leurs fers, & que miferrimam fervitutem pacem appellant: mais quand je vois les autres facrifier les plaifirs, le repos, la richeffe, la puiffance, & la vie même à la confervation de ce feul bien fi dédaigné de ceux qui l'ont perdu; quand je vois des Animaux nés libres & abhorrant la captivité, fe brifer la tête contre les barreaux de leur

prifon;

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