Abbildungen der Seite
PDF
EPUB
[graphic]

FIG. 8. LA LAVE DU TORRENT DES HOUILLETTES, VENANT BUTTER CONTRE CE BLOC DE ROCHER HAUT DE 20 METRES, L'A BRISÉ EN DEUX DANS TOUTE SA HAUTEUR.

Reproduction d'une photographie de M. Paul Girardin.

contemporaine de la gare internationale, construite en bordure de la route, le long de l'Arc et en partie sur le torrent, et la partie ancienne, autour de l'église, bâtie sur le cône de déjections du Charmaix, sur des blocs énormes qui témoignent de débâcles semblables aux siècles passés, dont de vagues traditions conservent d'ailleurs le souvenir'. On sait qu'une catastrophe s'est déjà produite en 1644: comme à Bozel, comme à Saint-Jean-de-Maurienne, comme à Bourg-Saint-Maurice", on assiste à la répétition des mêmes actions

[graphic]

1. On parlait de tout temps, à Modane-Fourneaux, nous avons recueilli ces bruits l'année dernière, en 1905, de poches d'eau qui se forment dans la montagne, et l'on entendait, disait-on, l'eau circuler; aujourd'hui que la catastrophe s'est produite, on persiste de plus belle a l'attribuer à une poche. qui se serait videe.

2. P. Mougin, Histoire d'un torrent, l'Arbonne, in Revue des Eaux et Forêts, XLIV, 15, 1 août 1905. Voir aussi Charles Rabot, Glacial Reservoirs and their Outbursts in The Geographical Journal, xxv, 5,

[blocks in formation]

6 mètres par endroits, en deux heures (fig. 9). Le « pont traversier » était jeté à 8 mètres au-dessus du lit; aujourd'hui les fondations en maçonnerie sont à jour, et la hauteur au-dessus du torrent est de 12 mètres. Par suite de ce creusement, les talus, déjà très raides qui dominent le torrent, n'ont plus leur profil d'équilibre; la limite d'inclinaison étant dépassée, ils s'éboulent, et leurs matériaux viennent obstruer le lit. C'est donc par sapement des talus que se forment les barrages, derrière lesquels l'eau a reflué jusqu'à une hauteur indiquée par une laisse noire de boue et par les herbes foulées. On voit la place fraîche de pans entiers qui se sont éboulés, d'autres suivront, car ils sont à moitié détachés déjà des berges, et la ligne de séparation est indiquée par des crevasses qui courent sur le sol, masquées parfois par le tapis des mousses, et dans lesquelles on enfonce jusqu'à mi-corps. Une racine de sapin, qui se trouvait sur le parcours d'une crevasse, a eu son écorce arrachée et a été fendue sur toute sa longueur. Des arbres, déracinés, sont couchés la tête en bas. Tous ces barrages ont été rompus, mais les plus gros blocs sont restés en place ainsi que des terrasses de matériaux plus meubles, ayant jusqu'à 2 mètres de haut, et formées aussi en deux heures, qui marquent la place de ces lacs temporaires. Creusement du lit, érosion latérale par éboulement, formation de lacs, construction de terrasses (fig. 7, 8, 9), voilà toute une phase de l'histoire d'un cours d'eau qu'on pourrait être tenté plus tard d'imputer à une longue période, et qui a tenu en moins de deux heures, sous nos yeux. C'est là une contribution nouvelle à ce dossier des faits positifs que nous devons soigneusement constituer pour démontrer à quel point les eaux courantes produisent en un temps très limité d'énormes effets d'érosion'.

Tout barrage cède, à la fin, et livre passage au « sac d'eau » ou « tonnerre d'eau ». On appelle ainsi la masse boueuse qui se précipite sur la vallée, boue épaisse et noire à la surface de laquelle flottent des blocs, et poussant devant elle un barrage mouvant, fait de gros blocs et de troncs d'arbres, qui s'avance avec un fracas assourdissant, pas assez vite pourtant pour qu'on n'ait le temps de se mettre à l'abri. Ce qui passe d'abord, ce sont les troncs et les blocs, quelques-uns gros de 10, 20, 30 mètres cubes et plus les dimensions de 3 mètres en tous sens sont fréquentes, - et qui peuvent progresser grâce à cette mise en suspension dans un milieu mi-solide, mi-liquide, puis une boue compacte portant de menus matériaux à sa surface, c'est la « lave proprement dite, et encore des troncs d'arbres, puis l'eau, de moins en moins trouble, le torrent ne coulant clair qu'après plusieurs jours. Le village de Fourneaux se compose de deux parties: la partie récente,

>>

1. M. Jean Brunhes a signalé à ce point de vue des faits très typiques, notamment en ce qui concerne les marmites du barrage de la Maigrauge (Comptes rendus Académie Sciences, CXXVI, 1898, p. 557-560); il a résumé ici même (La Geographie, VI, 1902, p. 423-424), sous le titre de Un cas remarquable de très rapide erosion, les observations faites par B. Boss, près de Schmarden en Courlande.

[graphic]

FIG. 8.

-LA "LAVE » DU TORRENT DES HOUILLETTES, VENANT BUTTER CONTRE CE BLOC DE ROCHER
HAUT DE 20 METRES, L'A BRISÉ EN DEUX DANS TOUTE SA HAUTEUR.

Reproduction d'une photographie de M. Paul Girardin.

contemporaine de la gare internationale, construite en bordure de la route, le long de l'Arc et en partie sur le torrent, et la partie ancienne, autour de l'église, bâtie sur le cône de déjections du Charmaix, sur des blocs énormes qui témoignent de débâcles semblables aux siècles passés, dont de vagues traditions conservent d'ailleurs le souvenir. On sait qu'une catastrophe s'est déjà produite en 1644 : comme à Bozel, comme à Saint-Jean-de-Maurienne, comme à Bourg-Saint-Maurice 2, on assiste à la répétition des mêmes actions

[graphic]
[ocr errors][merged small][ocr errors][ocr errors][merged small][merged small][merged small]

2. P. Mougin, Histoire d'un torrent, l'Arbonne, in Revue des Eaux et Forêts, XLIV, 15, 1er août 1905. Voir aussi Charles Rabot, Glacial Reservoirs and their Outbursts in The Geographical Journal, XXV, 5,

[ocr errors][merged small][merged small]

torrentielles aux mêmes endroits. A la suite de cette débâcle on avait creusé au torrent un lit nouveau, qui est le lit actuel, au milieu du village, tandis que le lit ancien s'en détachait vers la gauche, à hauteur de l'église, et se jetait dans l'Arc à 600 mètres en aval. Si l'on rétablit par la pensée cette topographie ancienne, on s'explique que le gros des blocs et de la masse boueuse, arrivés au sommet du cône, vers l'église, se soient jetés sur la gauche et aient repris leur ancien lit, contournant le village sans l'entamer beaucoup, sauf au-dessus de la voie ferrée, où des constructions ont été rasées (fig. 6). Ce qui a contribué à rejeter la lave vers l'aval, c'est que la crue du Saint-Antoine, crue d'eau et non plus de boue, avait cheminé plus vite que la lave du Charmaix, et qu'elle avait élevé le niveau de l'Arc de 60 centimètres, barrant le Charmaix et le faisant refluer par dessus les ponts de la route et du chemin de fer. Ainsi la lave s'avançait sur toute la largeur du cône de déjections, que limite à droite le cours actuel du Charmaix, et la masse principale s'écoulait à gauche, par ce qui avait été le lit primitif.

:

La voie ferrée franchit le cône en tranchée. La lave divagant sur le cône rencontra cette tranchée devant elle et la combla entièrement; au delà se déposait seulement une couche de boue de 50 centimètres qui comblait les caves sans renverser les maisons. On peut juger de la masse de matériaux enfouie dans la tranchée par le fait suivant la circulation ne fut rétablie que le 16 août, c'est-à-dire trois semaines après, et sur une seule voie; pour dégager cette voie on avait dû retirer 15 à 18000 mètres cubes de débris, et employé de 100 à 200 ouvriers travaillant jour et nuit. Dans l'intervalle, la masse de boue et de pierres avait fait prise comme du béton, revêtant l'aspect d'un dépôt déjà ancien, et il fallut l'attaquer à la pioche et au pic.

Quelle quantité d'eau et de boue a roulée, le 23 juillet, le Charmaix? On ne peut le savoir au juste. Voici pourtant une donnée relative à l'un des trois torrents qui le constituent, celui d'Arrondaz. Le « pont traversier » avait 8 mètres de haut, sur 10 de large; soit 80 mètres carrés de section. Par suite de la débâcle, le lit a été creusé par en-dessous, et l'eau a coulé par-dessus de 3 mètres environ, soit une section supplémentaire d'au moins 60 mètres carrés, au total 140 mètres carrés. Si l'on admet comme vitesse 3 mètres par seconde, on est encore dans la partie en forte pente, - c'est un débit de 420 mètres cubes par seconde. Et le bassin de l'Arrondaz est peu de chose comme superficie, le quart ou le cinquième tout au plus, par rapport à celui du Grand Vallon.

[ocr errors]

On se demandera quel a été, dans cette manifestation torrentielle, le rôle de la forêt? Il se trouve que le bassin du Charmaix est de toute la Maurienne la région la mieux tenue au point de vue de la forêt, qui atteint là son altitude maximum, 2200 mètres environ pour la forêt continue, 2 300 mètres pour les pieds isolés de pins à crochets et d'aroles. Dans la zone des gorges, qui a été

celle des barrages, elle a limité les éboulements, et si les versants de part et d'autre ne sont pas tombés tout entiers dans le lit du torrent, c'est que les racines des sapins ont retenu le sol sur des pentes sapées et minées par en bas.

Mais la forêt n'a pas accès dans la zone au-dessus de 2 200 mètres, qui est de beaucoup la plus étendue, la région boisée ne formant, en surface, qu'une portion minime du bassin des deux torrents, 600 hectares. Or, c'est dans cette zone des bassins de réception que se concentrent les filets d'eau et que se forment les torrents. L'herbe seule peut retenir les terres sur les pentes, et les gazons y sont en très mauvais état par suite des abus du pâturage et des

[graphic]

FIG. 10.

COMMENT SE FORME UNE TERRASSE DE 3 METRES DE HAUT (TORRENT DU CHARMAIX.) DERRIÈRE UN BARAGE S'EST FORMÉ UN LAC DE LAVE » ET DE BOUE QUAND LE BARRAGE A CÉDÉ, LE TORRENT S'EST CREUSE UN LIT PLUS PROFOND DANS CE DEPOT. LE TOUT S'EST FAIT EN DEUX HEURES. LE SAPIN A DROITE MARQUE L'AVAL. (Reproduction d'une photographie de M. Paul Girardin.)

moutons de Provence qui viennent jusque-là: Modane est le terme de leur transhumance en Maurienne. A cette altitude le forestier n'a qu'un auxiliaire, c'est la neige, qui, tant qu'elle occupe le sol, suspend le ravinement. C'est à la présence du pont de neige sur le Saint-Antoine, que Modane-Ville a dû d'être préservée. Retenons ce rôle conservateur de la neige par rapport aux

terrains meubles.

Ce sac d'eau » de Modane n'est qu'un épisode de la recrudescence de torrentialité que l'on observe en Savoie, en particulier dans la Maurienne plus sèche, depuis cinquante ans. On y assiste, comme dans les Pyrénées, à l'apparition de torrents qui, nés d'un orage à la suite d'une coupe de bois, ravinent tout un versant, comme la Grollaz en Maurienne et le Sécheron en Tarentaise, lesquels datent d'après l'annexion. Le torrent de Saint-Julien a repoussé l'Arc de 170 mètres depuis 1836. C'est dans la « région contestée »>

« ZurückWeiter »