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de brifer fes fers, confentit à laiffer augmenter fa fervitude pour affermir fa tranquillité ; & c'eft ainfi que les chefs devenus héréditaires s'accoutumerent à regarder leur Magiftrature comme un bien de famille, à fe regarder eux-mêmes comme les propriétaires de l'Etat dont ils n'étoient d'abord que les Officiers, à appeller leurs concitoyens leurs efclaves, à les compter comme du bétail au nombre des chofes qui leur appartenoient, & à s'appeller eux-mêmes égaux aux Dieux, & Rois des Rois.

Si nous fuivons le progrès de l'inégalité dans ces différentes révolutions, nous trouverons que l'établiffement de la loi & du droit de propriété fut fon premier terme, l'inftitution de la Magiftrature le fecond, que le troisieme & dernier fut le changement

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changement du pouvoir légitime en pouvoir arbitrairc; en forte que l'état de riche & de pauvre fut autorisé par la premiere époque, celui de puiffant & de foible par la feconde, & par la troifieme celui de maître & d'efclave, qui eft le dernier degré de l'inégalité, & le ter me auquel aboutiffent enfin tous les autres, jufqu'à ce que de nouvelles révolutions diffolvent tout-à-fait le gouvernement, ou le rapprochent de l'inftitution légitime.

Pour comprendre la néceffité de ce progrès, il faut moins confidérer les motifs de l'éta blissement du corps politique que la forme qu'il prend dans fon exécution, & les inconvénients qu'il entraîne après lui: car les vices qui rendent néceffaires les inftitutions fociales, font les

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mêmes qui en rendent l'abus inévitable; & comme, excepté la feule Sparte, où la loi veil loit principalement à l'éducation des enfants, & où Lycur gue établit des moeurs qui le difpenfoient prefque d'y ajouter des loix, les loix, en général moins fortes que les paffions, contiennent les hommes fans les changer, il feroit aifé de prou ver que tout gouvernement qui, fans fe corrompre ni s'altérer, marcheroit toujours exactement felon la fin de fon inftitution auroit été inftitué fans néceffité; & qu'un pays où perfonne n'éluderoit les loix, & n'abuseroit de la magiftrature, n'auroit be foin ni de Magiftrats ni de loix.

Les diftinctions politiques amenent néceffairement les diftinétions civiles. L'inégalité croiffant entre le peuple & fes

chefs, fe fait bientôt fentir parmi les particuliers, & s'y modifie en mille manieres, felon les paffions, les talents, & les occurrences. Le Magiftrat ne fauroit ufurper un pouvoir illégitime fans fe faire des créatures auxquelles il eft forcé d'en céder quelque partie. D'ailleurs, les citoyens ne fe daiffent opprimer qu'autant qu'entraînés par une aveugle ambition, & regardant plus au deffous qu'au dessus d'eux, la domination leur devient plus chere que l'indépendance, & qu'ils confentent à porter des fers pour en pouvoir donner à leur tour. Il est très-difficile de réduire à l'obéiffance celui qui ne cherche point à commander, & le politique le plus adroit ne viendroit pas à bout d'affujet tir des hommes qui ne vous

droient qu'être libres; mais l'inégalité s'étend fans peine parmi des ames ambitieufes & lâches, toujours prêtes à courir les rifques de la fortune, & à dominer ou fervir prefque indifféremment, felon qu'elle leur devient favorable ou contraire. C'eft ainfi qu'il dut venir un temps où les yeux du peuple furent fafcinés à tel point, que fes conducteurs n'avoient qu'à dire au plus petit des hommes, fois grand, toi & toute ta race, auffi-tôt il paroiffoit grand à tout le monde, ainfi qu'à fes propres yeux, & fes defcendants s'élevoient encore à mesure qu'ils s'éloignoient de lui; plus la caufe étoit reculée & incertaine, plus l'effet augmentoit; plus on pouvoit compter de fainéants dans une famille, & plus elle devenoit illuftre,

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