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ORAISON, DÉVOTION,

DEVOTS.

L'AME en s'élevant

AME en s'élevant par l'Oraison à la fource du fentiment & de l'Être y perd fa féchereffe & fa langueur : elle y renaît, elle s'y ranime, elle y trouve un nouveau reffort, elle y puise une nouvelle vie; elle y prend une autre existence qui ne tient point aux paffions du corps, ou plutôt elle n'eft plus en elle-même; elle eft toute dans l'Être immenfe qu'elle contemple, & dégagée un moment de fes entraves, elle fe confole d'y rentrer, par cet effai d'un état plus fublime, qu'elle efpére être un jour le fien,

Il n'y a rien de bien qui n'ait un excès blâmable, même la Dévotion qui tourne en délire. Comment vien

nent les extafes des afcétiques? En prolongeant le tems qu'on donne à la priere plus que ne le permet la foibleffe humaine. Alors l'efprit s'épuise, l'imagination s'allume & donne des visions, on devient infpiré, Prophête, & il n'y a plus ni fens ni génie qui garantiffe du Fanatisme.

Si l'on abufe de l'Oraifon, & qu'on devienne mystique, on se perd à force de s'élever; en cherchant la grace on renonce à la raifon; pour obtenir un don du Ciel on en foule aux pieds un autre; en s'obftinant à vouloir qu'il nous éclaire on s'ôte les lumieres qu'il nous a données.

Şervir Dieu, ce n'est point passer sa vie à genoux dans un Oratoire, c'eft. remplir fur la terre les devoirs qu'il nous impofe; c'eft faire en vue de lui plaire tout ce qui convient à l'état où il nous a mis il faut premierement

faire

faire ce qu'on doit, puis prier quand on le peut.

La dévotion eft un opium pour l'ame: elle égaye, anime & foutient quand on en prend peu : une trop forte dose endort, ou rend furieux, ou tue.

On ne doit point afficher la Dévotion par un extérieur affecté, & comme une espéce d'emploi qui difpenfe de tout autre. Il faut auffi s'abftenir de ce langage myftique & figuré qui nourrit le cœur des chimeres de l'imagination, & fubftitue au véritable amour de Dieu des fentimens imités de l'amour terreftre, & très propres à le réveiller. Plus on a le cœur tendre & l'imagination vive, plus on doit éviter ce qui tend à les émouvoir; car enfin, comment voir les rapports de l'objet mysti→

que, fi l'on ne voit auffi l'objet sensuel, & comment une honnête femme ofe

-elle imaginer avec affurance des obB

jets qu'elle n'oferoit regarder?

Ce qui donne le plus d'éloignement pour les Dévots de profeffion, c'eft cette âpreté de mœurs qui les rend infenfibles à l'humanité, c'eft cet orgueil exceffif qui leur fait regarder en pitié le refte du monde : dans leur élévation s'ils daignent s'abbaiffer à quelque acte de bonté, c'eft d'une maniere fi humiliante, ils plaignent les autres d'un ton fi cruel, leur juftice eft fi rigoureuse, leur charité eft fi dure, leur zèle eft fi amer, leur mépris reffemble fi fort à la haine, que l'infenfibilité même des gens du monde eft moins barbare que leur commifération. L'amour de Dieu leur fert d'excufe pour n'aimer perfonne, ils ne s'aiment pas même l'un l'autre ; vit-on jamais d'amitié véritable entre les (faux) Dévots? Mais plus ils fe détachent des hommes, plus ils en exigent, & l'on diroit qu'ils ne

s'élèvent à Dieu que pour exercer fon autorité fur la terre.

CONSCIENCE.

Le meilleur de tous les Cafuiftes est la Confcience, & ce n'eft que quand on marchande avec elle, qu'on a recours aux fubtilités du raisonnement.'

La Conscience eft la voix de l'ame, les paffions font la voix du corps. Efil étonnant que fouvent ces deux langages fe contredifent, & alors lequel faut-il écouter? Trop fouvent la raison nous trompe, nous n'avons que trop acquis le droit de la récufer; mais la Confcience ne trompe jamais, elle eft le vrai guide de l'homme; elle est à l'ame, ce que l'inftinct eft au corps; qui la fuit, obéit à la nature, & ne craint point de s'égarer,

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