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ques engendrées par le mauvais air parmi des multitudes d'hommes raffemblés, à celles qu'occafionnent la delicateffe de notre maniére de vivre, les paffages alternatifs de l'inté rieur, de nos maifons au grand air, l'ufage des habillemens pris ou quittés avec trop peu de précaution, & tous les foins que notre fenfualité exceffive a tournés en habitudes nécessaires & dont la négligence ou la privation nous coûte enfuite la vie ou la fanté ; Si vous mettez en ligne de compte les incen dies & les tremblemens de terre qui confumant ou renverfant des Villes entiéres, en font périr les habitans par milliers; en un mot, fi vous réuniffez les dangers que toutes ces caufes affemblent continuellement fur nos têtes, vous fentirez combien la Nature nous fait payer cher le mépris que nous avons fait de fes leçons.

Je ne répéterai point ici fur la guerre ce que j'en ai dit ailleurs; mais je voudrois que les gens inftruits vouluffent ou ofaffent donner une fois au public le détail des horreurs qui fe commettent dans les armées par les Entrepreneurs des vivres & des Hôpitaux, on

verroit

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verroit que leurs manoeuvres non trop fecrettes par lesquelles les plus brillantes armées fe fondent en moins de rien, font plus périr de Soldats que n'en moiffonne le fer ennemi; C'est encore un calcul non moins étonnant que celui des hommes que la mer engloutit tous les ans foit par la faim, foit par le fcorbut, foit par les Pyrates, foit par le feu, foit par les naufrages. Il eft clair qu'il faut mettre auffi fur le compte de la propriété établie & par conféquent de la Société, les affaffinats, les empoisonnemens, les vols de grands chemins, & les punitions mêmes de ces crimes, punitions néceffaires pour prevenir de plus grands maux, mais qui, pour le meurtre d'un homme coutant la vie à deux óu davantage, ne laiffent pas de doubler réellement la perte de l'efpéce humaine. Combien de moyens honteux d'empêcher la naiffance des hommes & de tromper la Nature? Soit par ces goûts brutaux & dépravés qui infultent fon plus charmant ouvrage, goûts que les Sauvages ni les animaux ne connurent jamais, & qui ne font nés dans les païs policés que d'une imagination corrompue; soit

par

par ces avortemens fecrets, dignes fruits de la débauche & de l'honneur vicieux; foit par l'expofition ou le meurtre d'une multitude d'enfans, victimes de la mifére de leurs parens ou de la honte barbare de leurs Méres; foit enfin par la mutilation de ces malheureux dont une partie de l'existence & toute la poftérité font facrifiées à de vaines chansons, ou ce qui eft pis encore, à la brutale jaloufié de quelques hommes: Mutilation qui dans ce dernier cas outrage doublement la Nature, & par le traitement que reçoivent ceux qui la fouffrent, & par l'ufage auquel ils font deftinés. Que feroit-ce fi j'entreprenois de montrer l'efpéce humaine attaquée dans fa fource même, & jusques dans le plus faint de tous les liens, où l'on n'ofe plus écouter la Nature qu'après avoir confulté la fortune, & où le défordre civil confondant les vertus & les vices, la continence devient une précaution criminelle, & le refus de donner la vie à fon femblable, un acte d'humanité ? Mais fans déchirer le voile qui couvre tant d'horreurs, contentons-nous d'indiquer le mal auquel d'autres doivent apporter le reméde.

QU'ON

QU'ON ajoûte à tout cela cette quantité de métiers mal-fains qui abrégent les jours ou détruifent le temperament; tels que font les travaux des mines, les diverses préparations des métaux, des mineraux, furtout du Plomb, du Cuivre, du Mercure, du Cobolt, de l'Arcenic, du Realgar; ces autres métiers perilleux qui coutent tous les jours la vie à quantité d'ouvriers, les uns Couvreurs, d'autres Charpentiers, d'autres Maffons, d'autres travaillant aux carriéres; qu'on reuniffe, disje, tous ces objets, & l'on pourra voir dans l'établissement & la perfection des Sociétés les raifons de la diminution de l'espéce, obfervée par plus d'un Philofophe.

LE luxe, impoffible à prevenir chez des hommes avides de leurs propres commodités & de la confidération des autres, achéve bientôt le mal que les Sociétés ont commencé, & fous prétexte de faire vivre les pauvres qu'il n'eût pas fallu faire, il appauvrit tout le refte, & dépeuple l'Etat tôt-ou tard.

LE luxe eft un reméde beaucoup pire que le mal qu'il prétend guerir; ou plûtôt, il est lui-même le pire de tous les maux, dans quel

que

que Etat grand ou petit que ce puiffe être, & qui, pour nourrir des foules de Valets & de miférables qu'il a faits, accable & ruine le laboureur & le Citoyen: Semblable à ces vents brulants du midi qui couvrant l'herbe & la verdure d'infectes dévorans, ôtent la fubfiftance aux animaux utiles, & portent la difette & la mort dans tous les lieux où ils fe font fentir.

DE la Société & du luxe qu'elle engendre, naiffent les Arts liberaux & mécaniques, le Commerce, les Lettres ; & toutes ces inutilités qui font fleurir l'induftrie, enrichiffent & perdent les Etats. La raifon de ce dépériffement eft très fimple. Il eft aifé de voir que par fa nature l'agriculture doit être le moins lucratif de tous les arts; parceque fon produit étant de l'ufage le plus indispenfable pour tous les hommes, le prix en doit être proportionné aux facultés des plus pauvres. Du même principe on peut tirer cet. te régle, qu'en général les Arts font lucratifs en raison inverfe de leur utilité, & que les plus néceffaires doivent enfin devenir les plus négligés. Par où l'on voit ce qu'il faut pen

fer

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