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CHAPITRE V.

Suite. Du territoire de l'État parfait; conditions militaires qu'il doit remplir; la cité doit avoir une position maritime; moyens assurés de tirer parti du voisinage de la mer; dangers de la préoccupation exclusive du commerce maritime; précautions que le législateur doit prendre, afin que les relations maritimes soient sans inconvénients pour le bon ordre de la cité.

§ 1. Les principes que nous venons d'indiquer pour la grandeur de l'État, peuvent jusqu'à certain point s'appliquer au territoire. Le territoire le plus favorable, sans contredit, est celui dont les qualités assurent le plus d'indépendance à l'État; et c'est précisément celui qui fournira tous les genres de productions. Tout posséder, n'avoir besoin de personne, voilà la véritable indépendance. L'étendue et la fertilité du territoire doivent être telles que tous les citoyens puissent y vivre dans le loisir d'hommes libres et sobres. Nous examinerons plus tard la valeur de ce principe avec plus de précision, quand nous traiterons en général de la propriété, de l'aisance et de l'emploi de la fortune, questions fort controversées, parce que les hommes tombent souvent dans l'excès: ici, la sordide avarice; là, le luxe effréné.

§ 2. La configuration du territoire n'offre aucun embarras. Les tacticiens, dont il faut prendre aussi l'avis, exigent qu'il soit d'un accès difficile pour l'ennemi,

§ 1. Sobres. Voir plus haut, liv. II, III, 5. Plus tard. Dans

et d'une sortie commode pour les citoyens. Ajoutons que le territoire, comme la masse de ses habitants, doit être d'une surveillance facile, et qu'un terrain aisé à observer n'est pas moins aisé à défendre. Quant à la position de la cité, si l'on peut la déterminer à son choix, il faut qu'elle soit également bonne et par terre et par mer. La seule condition à exiger, c'est que tous les points puissent s'y prêter un mutuel secours, et que le transport des denrées, des bois et de tous les produits ouvrés du pays, quel qu'ils puissent être, y soit. commode. § 3. C'est une grande question de savoir si ce voisinage de la mer est avantageux ou funeste à la bonne organisation de l'État. Ce contact d'étrangers élevés sous des lois toutes différentes, est nuisible au bon ordre; et la population que forme cette foule de marchands qui vont et qui viennent par mer, est certainement fort nombreuse, mais elle est bien rebelle à toute discipline politique. § 4. En faisant abstraction de ces inconvénients, nul doute qu'en vue de la sûreté et de l'abondance nécessaires à l'État, il ne faille pour la cité et le reste du territoire préférer une position maritime. On soutient mieux une agression ennemie, quand on peut recevoir les secours de ses alliés par terre et par mer à la fois; et si l'on ne peut faire du mal aux assaillants des deux côtés en même temps,

l'Économique, dont le livre Ier est le seul, à ce qu'il semble, qui appartienne à Aristote.

§ 3. C'est une grande question. Aristote semble avoir ici en vue l'opinion de Platon. Voir les Lois, liv. IV, p. 203 et suiv., trad. de

M. Cousin. Le maître condamne la position maritime pour la cité: le disciple est moins sévère. Cicéron incline à l'avis d'Aristote. Voir la République, livre II, chapitre III et IV, édition de M. Leclerc.

on leur en fera certainement davantage de l'un des deux, quand on peut occuper simultanément l'un et l'autre.

§ 5. La mer permet encore de satisfaire les besoins de la cité, c'est-à-dire, d'importer ce que le pays ne produit pas et d'exporter les denreés dont il abonde. Mais la cité dans son commerce doit ne penser qu'à elle et jamais aux autres peuples. On ne se fait le marché commercial de toutes les nations que par avidité ; et l'État, qui doit trouver ailleurs l'élément de sa richesse, ne doit jamais se livrer à de semblables trafics. Mais dans quelques pays, dans quelques États, la rade, le port creusé par la nature sont merveilleusement situés par rapport à la ville, qui sans en être fort éloignée, en est cependant séparée et les domine par ses remparts et ses fortifications. Grâce à cette situation, la ville évidemment profitera de toutes ces communications, si elles lui sont utiles; et si elles peuvent lui être dangereuses, une simple disposition législative pourra la garantir de tout danger, en désignant spécialement les citoyens auxquels cette communication avec les étrangers sera permise ou défendue.

§ 6. Quant aux forces navales, personne ne doute que l'État ne doive dans une certaine mesure être puissant sur mer; et ce n'est pas seulement en vue de ses besoins intérieurs, c'est aussi par rapport à ses voisins, qu'il doit pouvoir secourir ou inquiéter, selon les cas,

§ 5. Le marché commercial de le liv. Ier, ch. III, § 23. toutes les nations. Cette réprobation du commerce pour l'État est la suite des principes établis dans

Merveil

leusement situés. C'était la position du Pirée relativement à Athènes, qui y était jointe par des murailles.

par terre et par mer. Le développement des forces maritimes doit être réglé proportionnellement à l'existence même de la cité. Si cette existence est toute de domination et de relations politiques, il faut que la marine de la cité ait des proportions analogues à ses entreprises. § 7. L'État n'a généralement pas besoin de cette population énorme que composent les gens de mer; ils ne doivent jamais être membres de la cité. Je ne parle pas des guerriers qui montent les flottes, qui les commandent et qui les dirigent; ceux-là sont des citoyens libres et sont pris dans les troupes de terre. Partout où les gens de la campagne et les laboureurs sont nombreux, il y a nécessairement abondance de marins. Quelques États nous fournissent des preuves de ce fait le gouvernement d'Héraclée, par exemple, quoique la cité comparée à tant d'autres soit fort petite, n'en équipe pas moins de nombreuses galères.

:

§ 8. Je ne pousserai pas plus loin ces considérations sur le territoire de l'État, sur ses ports, ses villes, ses relations avec la mer et ses forces navales.

§ 7. Le gouvernement d'Héraclée. Voir liv. VIII (5), ch. IV, § 2, et ch. v, § 2.

CHAPITRE VI.

Suite. Des qualités naturelles que doivent avoir les citoyens dans la république parfaite; caractères divers des peuples suivant les climats qu'ils habitent; diversité de leurs institutions politiques. Supériorité incontestable de la race grecque; un peuple doit avoir à la fois intelligence et courage; rôle considérable que joue le cœur dans la vie humaine.

§ 1. Nous avons déterminé plus haut les limites numériques du corps politique; voyons ici quelles qualités naturelles sont requises dans les membres qui le composent. On peut déjà s'en faire quelque idée en jetant les yeux sur les cités les plus célèbres de la Grèce, et sur les diverses nations qui se partagent la terre. Les peuples qui habitent les climats froids, même dans l'Europe, sont en général pleins de courage. Mais ils sont certainement inférieurs en intelligence et en industrie; aussi conservent-ils leur liberté;

§ 1. Les diverses nations qui se partagent la terre. Hippocrate est, comme on sait, un des premiers qui aient observé cette influence des climats sur le caractère et les institutions des peuples. Voir le traité des Eaux, des Airs et des Lieux, éd. et trad. de M. Littré, t. II, p. 53. Hippocrate est allé plus loin: il a montré comment les lois à leur tour agissent sur le caractère des peuples; et il a attribué l'inactivité générale des Asiatiques aux royautés et aux

gouvernements despotiques qui pesaient sur eux. Platon a présenté aussi quelques vues sur ce grand sujet, Lois, liv. V, à la fin. Montesquieu, qui a donné dans son ouvrage, liv. XIV, XV, XVI, XVII, une place si considérable à la théorie des climats, n'aurait pas dú passer sous silence les auteurs de l'antiquité qui l'avaient établie avant lui.

La théorie des races a succédé, dans notre siècle, à celle des climats, qu'elle modifiera, mais ne

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