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que de n'être pas meilleur qu'un autre, quand on est obligé de l'être. Plus l'état est relevé, plus la faute est odieuse, plus la dignité est grande, plus aussi le crime est énorme ; le vol, sans doute, est une méchante action dans tout homme, mais un sénateur qui dérobe est bien plus condamnable assurément qu'une personne de basse condition. La fornication est défendue à tout le monde, mais elle est bien plus grave dans un clerc que dans un homme du peuple. Nous, de même, qui sommes appelés Chrétiens et Catholiques, si nous commettons quelque chose de semblable aux impuretés des barbares, nous péchons plus grièvement. Le crime est plus atroce, quand on professe un nom saint. Plus la prérogative est sublime, plus la faute est énorme. La religion que nous professons accuse elle-même nos écarts. L'impudicité est plus coupable en celui qui a promis d'être chaste. Il est plus honteux de s'enivrer pour celui qui porte la tempérance sur son front. Rien de plus hideux qu'un philosophe livré à des vices obscènes; car, outre la difformité que les vices ont en eux, le nom de sage les fait remarquer encore plus. Et nous qui avons professé, dans tout le genre humain, la philosophie chrétienne, il faut nécessairement que nous soyons jugés et regardés comme plus corrompus que tous les autres peuples, parce que vivant dans une profession si haute, nous péchons au sein même de la religion.

Je sais que plusieurs ne peuvent supporter d'être mis au-dessous des barbares. Et qu'importe à notre cause, si cela nous paraît insupportable? Au contraire, nous croire meilleurs que nous ne sommes, c'est faire tort à notre cause. Car si quelqu'un, dit l'Apôtre, s'imagine

esse credamus. Qui enim, inquit Apostolus, se existimat aliquid esse, cum nihil sit, seipsum seducit. Opus autem suum probet homo (1). Operi ergo nostro debemus credere, non opinioņi; rationi, non libidini; veritati, non voluntati. Igitur, quia non ferendum quidam existimant, ut deteriores aut non multo etiam meliores barbaris judicemur, videamus aut quomodo meliores simus, aut quibus barbaris. Duo enim genera in omni gente omnium barbarorum sunt, id est, aut hæreticorum, aut paganorum. His ergo omnibus, quantum ad legem divinam pertinet, dico nos sine comparatione meliores; quantum autem ad vitam et vitæ acta, doleo ac plango esse pejores. Quamvis id ipsum tamen, ut ante jam diximus, non de omni penitus Romani populi universitate dicamus. Excipio enim primum omnes religiosos, deinde nonnullos etiam seculares religiosis pares, aut si id nimis grande est, aliqua tamen religiosis honestorum actuum probitate consimiles. Cæteros vero aut omnes, aut pene omnes, magis reos esse quam barbaros. Hoc est autem deteriorem esse, magis reum esse. Itaque quia nonnulli inrationabile atque absurdum arbitrantur, ut aut deteriores aut non multum etiam meliores barbaris judicemur, videamus, ut dixi, aut quomodo, aut qui3 bus barbaris. Ego enim, præter eos tantummodo

(1) Gal. VI. 3-4.

rien.

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être quelque chose, il se trompe lui-même, parce qu'il n'est Or, que chacun examine bien ses propres actions. Nous devons donc nous en rapporter à nos œuvres, et non à l'opinion; à la raison, et non à la passion; à la vérité, et non au penchant de la volonté. Mais puisqu'il est des personnes qui ne peuvent souffrir qu'on les rabaisse au dessous des barbares, ni même qu'on ne les élève pas de beaucoup au dessus d'eux, voyons donc comment nous sommes meilleurs, et de quels barbares il s'agit. Parmi les barbares, il en est de deux sortes : des hérétiques et des païens. Pour ce qui concerne la doctrine divine, nous avons sans doute tout l'avantage; pour ce qui re. garde la vie et les mœurs, je le dis avec une vive douleur, nous sommes loin de les valoir. Je ne prétends point cependant, comme je l'ai déjà dit, appliquer ces paroles à l'universalité du peuple romain. J'en excepte d'abord tous les religieux, puis, quelques personnes du siècle, qui ne leur cèdent en rien, ou si c'est trop, qui leur ressemblent par une certaine probité de vie. Quant aux autres, je les considère tous ou presque tous comme inférieurs aux barbares. Or, être inférieur, c'est être pire. Mais, puisqu'il est des personnes qui regardent comme déraisonnable et absurde d'être abaissés au dessous des barbares, ou même de n'être pas élevés de beaucoup au dessus d'eux, voyons donc, ainsi que je l'ai dit, comment nous sommes meilleurs, et de quels barbares il s'agit. Pour moi, si vous exceptez ce petit nombre de Romains dont je viens de parler, je prétends que les autres mènent tous, ou presque tous, une vie plus coupable et plus criminelle que les barbares. Vous vous irritez peut-être, vous qui lisez cela,

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Romanorum quos paulo ante nominavi, cæteros aut omnes, aut pene omnes, majoris reatus dico et criminosioris vitæ esse quam barbaros. Irasceris forsitan qui hæc legis, et condemnas insuper quæ legis. Non refugio censuram tuam. Condemna, si mentior; condemna, si non probavero; condemna, si id quod adsero, non etiam Scripturas sacras dixisse monstravero. Igitur, qui meliores nos multo cunctis quæ sunt în mundo gentibus judicamus, nec ipse, qui Romanos dico in plurimis deteriores, abnego in quibusdam esse meliores. Vita enim, ut dixi, et peccatis sumus deteriores; lege autem catholica, sine comparatione meliores. Sed illud considerandum est, quia quod lex bona est, nostrum non est ; quod autem male vivimus, nostrum est. Et nihil utique nobis prodest quod lex est bona, si vita nostra et conversatio non est bona. Lex enim bona, muneris est Christi; vita autem non bona, criminis nostri. Imo hoc magis culpabiles sumus, si legem bonam colimus, et mali cultores sumus. Quin potius nec cultores, si mali; quia cultor dici non potest malus cultor. Neque enim colit qui rem sanctam non sancte colit. Ac per hoc, accusatrix nostri est lex ipsa quam co

limus.

Remota ergo legis prærogativa, quæ nos aut nihil omnino adjuvat, aut etiam justa animadversione condemnat, vitam barbarorum atque nostrorum, studia, mores, vitia comparemus. Injusti

et vous condamnez même ce que vous lisez. Je ne recule point devant votre censure. Condamnez-moi, si je mens; condamnez-moi, si je manque de preuves; condamnez-moi, si je ne montre pas que les saintes Ecritures ont établi ce que j'avance. Nous croyons valoir beaucoup mieux que tous les peuples de la terre, et moi-même qui affirme que les Romains leur sont inférieurs sous bien des rapports, je ne nie pas qu'ils ne leur soient supérieurs à certains égards. Comme je l'ai déjà dit, nous leur sommes inférieurs par notre vie et nos désordres; nous leur sommes incomparablement supérieurs par la doctrine catholique. Mais il faut le remarquer, si notre doctrine est bonne, cela ne vient pas de nous; et si nous vivons mal, c'est notre ouvrage. Et certes, nous sert à rien que votre doctrine soit bonne, si votre vie, si votre conduite ne l'est pas. Une bonne doctrine, c'est un présent du Christ; une vie mauvaise, c'est l'œuvre de notre malice. Ce n'est pas tout; nous sommes bien plus coupables, si, professant une bonne doctrine, nous en sommes d'infidèles observateurs. Encore

il ne

même, n'en sommes-nous pas les observateurs, si nous

vivons mal, parce qu'un observateur infidèle ne peut être appelé observateur. Car ce n'est pas observer que de ne point observer saintement une chose sainte. Et ainsi, la loi que nous professons devient elle-même notre accusatrice.

Laissant donc de côté ces prérogatives de notre doctrine, ou qui nous sont tout-à-fait inutiles, ou qui sont même pour nous un juste sujet de condamnation, comparons notre vie, nos penchans, nos mœurs et nos

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