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ICONOGRAPHIE DE LA FOI

SUITE ET FIN 1.

LE CALICE ET L'HOSTIE.

Pour un chrétien, le premier dogme est l'existence de Dieu, le second la rédemption, le troisième la transsubstantiation; le livre et la croix ont symbolisé les deux premiers, le calice et l'hostie symboliseront le troisième. Les exemples d'un calice seul ou d'un calice surmonté d'une hostie aux mains de la Foi sont tellement nombreux, chez tous les peuples chrétiens et dans tous les siècles, qu'il est à peu près inutile de les citer; quelques indications suffiront.

Au portail nord de la cathédrale de Chartres, à la voussure de la porte gauche, la Foi, femme debout, de trente ans environ, en robe longue, en manteau long rabattu comme un voile sur la tête, tient de la main droite un calice à large coupe où elle reçoit le sang d'un agneau égorgé. Cet agneau, qui est le symbole de Jésus-Christ, est agenouillé sur un petit autel couvert d'une nappe et dont la forme est celle d'une console carrée. De sa blessure à la gorge l'agneau verse des flots de sang dans le calice. La Foi regarde avec tendresse, avec amour, le sacrifice de cette victime volontaire. Elle a l'œil humide, la figure longue, le nez droit, la poitrine assez forte. C'est une bonne femme, pleine de tendresse et d'ingénuité. A ses pieds, une petite femme, en robe seulement, main gauche croisée sur son bras droit, comme si ses mains étaient liées, est étendue sur un tertre, à la renverse. Un bandeau épais couvre ses yeux. Cette Incrédulité, qui ferme les yeux à la lumière de la foi, ou plutôt qui se les bande elle-même, ce qui est pis encore, peut avoir une trentaine d'années, comme la Foi.

Ce petit tableau est un des plus complets que je connaisse en ce genre. Il

1. Voir les « Annales Archéologiques », vol. xx, pages 150 et 196.

a le mérite de montrer nettement l'office du calice qui se voit aux mains des représentations de la Foi au portail de la cathédrale d'Amiens; au tombeau de Charles Hémard, évêque d'Amiens (mort en 1540), dans la même cathédrale; à la façade de l'hôtel de ville de Mulhouse (1552); au bas-relief du musée de l'hôtel de Cluny (1555); à la fontaine Saint-Laurent, à Nuremberg (1589); à la maison du duc de Brabant, sur la grande place de Bruges (1600); en Italie, au campanile de Santa-Maria-del-Fiore (1330), à Florence; au tombeau de saint Pierre-Martyr (1338), à Milan; sur un ivoire italien de M. E. Hawkins (1350?); au tombeau en marbre blanc de Pietro Ricci, archevêque de Pise, mort en 1418, dans le Campo-Santo de Pise; au tombeau en bronze du pape Sixte IV, exécuté en 1493 par Antonio Pollajolo.

Le calice est seul ou surmonté d'une hostie. Cette hostie est très-évidente au bas-relief du musée de l'hôtel de Cluny, au tombeau de l'archevêque Ricci, de Pise, au portail sud de la cathédrale de Como, ainsi qu'aux peintures murales de la cathédrale d'Albi (1510-1513). Le calice que tient la Foi, sur le tombeau du pape Sixte IV, n'est pas surmonté de l'hostie, mais il est couvert de la patène où probablement l'hostie est étendue.

L'ÉGLISE OU LE TEMPLE. La Foi est une vertu surtout ecclésiastique; elle vit dans l'église ou plutôt elle constitue l'église, et il était tout naturel de lui donner pour attribut le monument qu'elle bâtit et qu'elle habite. La miniature d'un manuscrit d'Aristote, que possède la bibliothèque municipale de Rouen, offre une Foi ayant sur la tête, en surcroît de coiffure, une petite église de style ogival. Une église de ce genre est portée à deux mains par une femme, sur un triptyque en ivoire du xiv° siècle, qui appartient à Mgr Delamare, évêque de Luçon. Il est vrai que cette femme représente la personnification de l'Église plutôt que celle de la Foi; mais souvent les deux personnages symboliques se confondent, car ils ont les mêmes attributs, la croix et le calice, et d'ailleurs, derrière cette femme du triptyque, saint Pierre, l'apôtre de la Foi, comme Dante le proclame, est debout tenant le livre des Évangiles et les clefs. La Foi des stalles de la cathédrale d'Auch et de SaintBertrand de Comminges tient une église à la main droite. A Bruges, rue Préaux-Moulins, une maison, datée de 1657 et numérotée A 6-90, offre dans son pignon une Foi, voile sur la tête, assise sur un cartouche. De sa main gauche, qui est cassée, cette Foi tenait probablement un calice; mais du bras droit, qui est intact, elle entoure un petit temple circulaire, à pans.

LA BAGUETTE OU LE FAISCEAU DE VERGES. -Attribut très-rare et que je ne comprends pas bien. Si cette baguette où verge est un sceptre fleuri comme

celui de la Foi, dans Saint-Marc de Venise, à la bonne heure; la Foi est une espèce de reine qui guide les autres Vertus. Je comprendrais ainsi la baguette. que la Foi tient à la main au bénitier de marbre de San-Giovanni-for-Città à Pistoja; mais le faisceau de verges que le génie de la Foi tient sur le basrelief du porche occidental de Saint-Sulpice de Paris, quelle en est la signification? Est-ce à dire que l'incrédule ou l'hérétique doivent passer par les armes et être battus de verges comme les anciens. criminels à Rome ? Je n'en. sais rien, et je ne trouve aucune explication à un si étrange attribut. LA TIARE. En Italie surtout, on a confondu la Foi avec la Religion, avec l'Église, et on lui a donné la tiare qui est l'attribut du pape; le pape, c'est la religion vivante, c'est l'Église faite homme. C'est ainsi que Giotto a peint la. Foi à l'Arena de Padoue, tandis qu'à la Ragione de la même ville, il figurait la Religion sous les traits d'une femme coiffée de la tiare à une couronne, la. main droite armée du sceptre, la main gauche portant le globe du monde.. Assise sur un trône dont les bras sont faits avec les aigles de l'empire, elle a la tête ornée de rayons qui lui font un nimbe comme aux saints. Cette Religion de la Ragione et cette Foi de l'Arena sont évidemment les deux sœurs. Le Voile et LE BANDEAU. Le voile couvre fréquemment la tête de la Foi; mais, aux époques anciennes, au lieu d'être rabattu sur ses yeux, il s'arrête à la ligne supérieure de son front. Au moyen âge, la Foi voit clair : elle a les yeux tout grands ouverts et elle tient assez souvent un cierge à la main droite pour ajouter à sa vue naturelle une lumière surnaturelle ou du moins extérieure. Les théologiens et les artistes, qui l'ont armée d'un crible, ne lui auraient pas bouché les yeux. Dans ces derniers siècles, on a proclamé qu'il fallait croire aveuglément, et l'on a, en conséquence, rabattu le voile sur la figure de la Foi; on a même été jusqu'à lui nouer un épais bandeau sur les yeux. J'ai déjà protesté contre une pareille représentation, attentatoire à la raison humaine, et, comme je ne fais ni philosophie ni théologie dans les « Annales », je me contente de renouveler ici cette protestation et d'avoir blâme Giotto qui, dans sa chapelle de l'Arena, fait fouler aux pieds par sa Foi, coiffée de la tiare, les sciences philosophiques et mathématiques 1.

4. Je m'honore d'être, sur cette question particulière de la foi, l'humble allié de l'un des plus fermes catholiques de notre pays et de notre temps. Je prends donc, dans les « Moines d'Occident » de M. le comte de Montalembert, volume 1er, Introduction, page CCLXXXIII, le passage suivant que j'aurais voulu, si je l'avais pu, écrire le premier; mais je le reproduis, du moins, comme un écho répète une phrase nette, sonore et sympathique :

« Le mérite des défenseurs de la cause catholique est trop souvent prisé d'après des oracles qui.

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COULEUR DU Vêtement. J'ai parlé bien des fois de ce triomphe de Jésus-Christ ou de la religion que Dante décrit au chant vingt-neuf du « Purgatoire », dans sa « Divine Comédie ». Le char qui porte le triomphateur est escorté à gauche par les quatre Vertus cardinales, à droite par les trois Vertus théologales:

• Autour de la roue droite, trois femmes s'en venaient dansant en rond; l'une si rouge que, dans le feu, à peine eût-elle été vue. L'autre était comme si ses chairs et ses os eussent été faits d'émeraude. La troisième semblait de la neige nouvellement tombée. Elles paraissaient guidées tantôt par la femme blanche, tantôt par la femme rouge, et, sur le chant de celle-ci, les autres avançaient ou lentes ou rapides. »

La femme rouge comme le feu est la Charité; la verte émeraude est l'Espérance; la femme blanche comme la neige nouvellement tombée est la Foi. L'Espérance se laisse conduire tantôt par la Foi, tantôt par la Charité, et semble rester toujours au milieu. Ces couleurs symboliques sont bien en effet celles qui conviennent aux trois Vertus : le blanc du ciel à la Foi, le vert de la terre à l'Espérance, le rouge du feu à la Charité. Comme les théologales portent ordinairement deux vêtements, une robe et un manteau, on pourrait, en faisant blanche la robe de la Foi, teindre son manteau en bleu. Je m'étonne que le moyen âge, qui s'est laissé dominer plus qu'il n'aurait dû par les symbolistes, même les plus déraisonnables, comme Guillaume Durand, par exemple, et Jean Beleth, n'ait pas, dans une question aussi importante, réglé la couleur des Vertus. Il faut le dire, le moyen âge entier a laissé les artistes flotter à tout vent.

L'abbesse Herrade de Landsberg, dans l'« Hortus deliciarum » qu'on lui attribue1, au « Rhythmus de duodecim preciosis lapidibus», s'obstine à donner le vert à la Foi :

infligent volontiers à tout ce qui ne reconnaît pas leur autorité la note infamante de libéralisme, de rationalisme et surtout de naturalisme. Cette triple note m'est acquise de droit. Je serais surpris et même affligé de n'en être pas jugé digne, car j'adore la liberté qui seule, à mon sens, assure à la vérité des triomphes dignes d'elle: Je tiens la raison pour l'alliée reconnaissante de la foi, non pour sa victime asservie et humiliée : enfin, animé d'une foi vive et simple dans le surnaturel, je n'y ai recours que quand l'Église me l'ordonne ou quand toute explication naturelle à des faits incontestables fait défaut ».

Les « Moines d'Occident » n'avaient pas encore paru lorsque cet article sur l'iconographie de la Foi était écrit et composé à l'imprimerie. Le passage qui précède retentit donc en moi comme l'éloquente expression de ma propre pensée et j'ai dû ouvrir ma petite prose archéologique pour y enchâsser cette vive lumière.

1. Ce n'est certainement pas, quoi qu'on dise, Herrade de Landsberg qui a composé l'«< Hortus deliciarum », ce précieux et magnifique manuscrit que possède aujourd'hui la Bibliothèque mu

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