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coup moins en état de fe paffer de l'affiftance du Pére que les Quadrupedes à qui fuffit la mamelle de la Mére, au moins durant quelque temps.

3. Il y a bien de l'incertitude fur le fait principal qui fert de bafe à tout le raifonnement de M. Locke: Car pour favoir fi comme il le prétend, dans le pur état de Nature la femme eft pour l'ordinaire de rechef groffe & fait un nouvel enfant longtemps avant que le précédent puiffe pourvoir lui-même à fes befoins, il faudroit des expériences qu'affurément Locke n'avoit pas faites & que perfonne n'est à portée de faire. La cohabitation continuelle du Mari & de la Femme eft une occafion fi prochaine de s'expofer à une nouvelle groffeffe, qu'il eft bien difficile de croire que la rencontre fortuite ou la feule impulfion du tempérament produisît des effets auffi fréquens dans le pur Etat de Nature que dans celui de la Société conjugale; lenteur qui contribueroit peut-être à rendre les enfans plus robuftes, & qui d'ailleurs pourroit être compensée par la faculté de concevoir, prolongée dans un plus grand âge chez les

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femmes qui en auroient moins abusé dans leur jeuneffe. A l'égard des Enfans, il bien des raisons de croire que leurs forces & leurs organes fe développent plus tard parmi nous qu'ils ne faifoient dans l'état primitif dont je parle. La foibleffe originelle qu'ils tirent de la conftitution des Parens, les foins qu'on prend d'envelopper & gêner tous leurs membres, la molleffe dans laquelle ils font élevés, peut-être l'ufage d'un autre lait que celui de leur Mere, tout contrarie & retarde en eux les premiers progrès de la Nature. L'application qu'on les oblige de donner à mille chofes fur lefquelles on fixe continuellement leur attention tandis qu'on ne donne aucun exercice à leurs forces corporelles, peut encore faire une diverfion confidérable à leur accroiffement; de forte que, fi au-lieu de furcharger & fatiguer d'abord leurs efprits de mille maniéres, on laiffoit exercer leurs Corps aux mouvemens continuels que la Nature femble leur demander, il eft à croire qu'ils feroient beaucoup plûtôt en état de marcher, d'agir, & de pourvoir eux-mêmes à leurs befoins.

4. Enfin

4. Enfin M. Locke prouve tout au plus qu'il pourroit bien y avoir dans l'homme un motif de demeurer attaché à la femme lorsqu'elle a un Enfant ; mais il ne prouve nullement qu'il a dû s'y attacher avant l'accouchement & pendant les neuf mois de la groffeffe. Si telle femme eft indifférente à l'homme pendant ces neuf mois, fi même elle lui devient inconnue, pourquoi la fecourera-t-il après l'accouchement ? pourquoi lui aidera-t-il à élever un Enfant qu'il ne fait pas feulement lui appartenir, & dont il n'a réfolu ni prévu la naiffance? Mr. Locke fuppofe évidemment ce qui eft en queftion: Car il ne s'agit pas de savoir pourquoi l'homme demeurera attaché à la femme après l'accouchement mais pourquoi il s'attachera à elle après la conception. L'appétit fatisfait, l'homme n'a plus befoin de telle femme, ni la femme de tel homme. Celui-ci n'a pas le moindre fouci ni peut-être la moindre idée des fuites de fon action. L'un s'en va d'un côté, l'autre d'un autre, & il n'y a pas d'apparence qu'au bout de neuf mois ils ayent la mémoire de s'être connus: Car cette espéce R

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de mémoire par laquelle un individu donne la préférence à un individu pour l'acte de la génération, éxige, comme je le prouve dans le texte, plus de progrès ou de corruption dans l'entendement humain, qu'on ne peut lui en fuppofer dans l'état d'animalité dont il s'agit ici. Une autre femme peut donc contenter les nouveaux defirs de l'homme auffi commodément que celle qu'il a déjà connue,

& un autre homme contenter de même la femme, fuppofé qu'elle foit preffée du même appétit pendant l'état de groffeffe, de quoi l'on peut raisonnablement douter. Que fi dans l'état de Nature la femme ne reffent plus la paffion de l'amour après la conception de l'enfant, l'obstacle à fa fociété avec l'homme en devient encore beaucoup plus grand, puisqu'alors elle n'a plus befoin ni de l'homme qui l'a fécondée ni d'aucun autre. Il n'y a donc dans l'homme aucune raifon de rechercher la même femme, ni dans la femme aucune raifon de rechercher le même homme. Le raifonnement de Locke tombe donc en ruine, & toute la Dialectique de ce Philofophe ne l'a pas garanti de la faute que Hob

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bes & d'autres ont commife. Ils avoient à expliquer un fait de l'état de Nature, c'est-àdire, d'un état où les hommes vivoient ifolés, & où tel homme n'avoit aucun motif de demeurer à côté de tel homme, ni peut-être les hommes de demeurer à côté les uns des autres, ce qui eft bien pis ; & ils n'ont pas fongé à se transporter au-delà des Siécles de Société, c'est-à-dire, de ces temps où les hommes ont toujours une raifon de demeurer près les uns des autres, & où tel homme a fouvent une raifon de demeurer à côté de tel homme ou de telle femme.

•Pag. 49.

(*b.) JE me garderai bien de m'embarquer dans les réflexions philosophiques qu'il y auroit à faire fur les avantages & les inconvéniens de cette inftitution des langues; ce n'est pas à moi qu'on permet d'attaquer les erreurs vulgaires, & le peuple lettré refpecte trop fes préjugés pour fupporter patiemment mes prétendus paradoxes. Laiffons donc parler les Gens à qui l'on n'a point fait un R 2 Crime

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