Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

qu'entre chacun d'eux toute la différence est du plus au moins, sans être spécifique; qu'ainsi un petit nombre d'administrés constitueraient le maître; un nombre plus grand, le père de famille; un plus grand encore, le magistrat ou le roi; c'est supposer qu'une grande famille est absolument un petit État. Ces auteurs ajoutent, en ce qui concerne le magistrat et le roi, que le pouvoir de l'un est personnel et indépendant; et que l'autre, pour me servir des définitions mêmes de leur prétendue science, est en partie chef et en partie sujet.

§ 3. Toute cette théorie est fausse; il suffira, pour s'en convaincre, d'adopter dans cette étude notre méthode habituelle. Ici, comme partout ailleurs, il convient de réduire le composé à ses éléments indécomposables, c'est-à-dire, aux parties les plus petites de l'ensemble. En cherchant ainsi quels sont les éléments constitutifs de l'État, nous reconnaîtrons mieux en quoi different ces éléments; et nous verrons si l'on peut établir quelques principes scientifiques dans les questions dont nous venons de parler. Ici, comme partout ailleurs, remonter à l'origine des choses et en suivre avec soin le développement, est la voie la plus sûre pour bien observer.

§ 4. D'abord, il y a nécessité dans le rapprochement de deux êtres qui ne peuvent rien l'un sans l'autre je veux parler de l'union des sexes pour la

§ 3. Habituelle. Voyez la même crate emploie souvent cette exexpression, même livre, chap. III, pression pour dire : « précédent, $1. Aristote veut parler de la antérieurement adopté. » Voir méthode qu'il a précédemment Maladies des femmes, édit. Kühn, suivic, de la méthode analytique, t. II, p. 634, 636. comme il l'explique lui-même choses. Voir Cicéron, De la Rép., quelques lignes plus bas. Hippo- I, 24.

Origine des

.

J

reproduction. Et là rien d'arbitraire; car chez l'homme, aussi bien que chez les autres animaux et dans les plantes, c'est un désir naturel que de vouloir laisser après soi un être fait à son image.

C'est la nature qui, par des vues de conservation, a créé certains êtres pour commander, et d'autres pour obéir. C'est elle qui a voulu que l'être doué de raison et de prévoyance commandât en maître; de même encore que la nature a voulu que l'être capable par ses facultés corporelles d'exécuter des ordres, obéît en esclave; et c'est par là que l'intérêt du maître et celui de l'esclave s'identifient.

§ 5. La nature a donc déterminé la condition spéciale de la femme et de l'esclave. C'est que la nature n'est pas mesquine comme nos ouvriers. Elle ne fait rien qui ressemble à leurs couteaux de Delphes. Chez

§ 4. Les plantes. Quelques commentateurs ont voulu conclure, de ce qu'Aristote prête ce désir aux plantes, qu'il connaissait la différence des sexes dans les végétaux; ce n'est pas impossible.

$5. Couteaux de Delphes. M. Goettling citant un passage de Favorin (page 465, ligne 23) que les commentateurs avaient laissé échapper, prétend que la poignée de ces couteaux était de bois et la lame de fer. Je ne pense pas que ce soit la précisément le sens de Favorin. L'expression dont il se sert semble plutôt signifier que la partie antérieure de ces couteaux, le tranchant, était en fer, et que le dos de la lame était en bois. Je ne crois pas non plus que Favorin ait ici bien saisi la pensée d'Aris

tote. Il résulte évidemment du texte que l'auteur entend parler d'instruments à plusieurs fins. Oresme, le vieux traducteur, a fort bien expliqué ce passage, fo 2: << Et près du temple (de Delphes) len faisoit ou vendoit une manière de couteaux desquels len pouvoit coupper, et limer, et partir, et faire plusieurs besoignes, et estoient pour les povres qui ne povoient pas achater couteaux, et limes, et marteaux, et tant d'instruments. » Schneider et Coraï ont cru que le couteau de Delphes était la même chose que le couteau-épée de Théopompe (Pollux, VII, 158; X, 118, 145). Ott. Müller (die Dorier, t. I, p. 359) prétend que le couteau de Delphes était un couteau destiné aux sacrifices et superbement tra

elle, un être n'a qu'une destination, parce que les instruments sont d'autant plus parfaits, qu'ils servent non à plusieurs usages, mais à un seul. Chez les Barbares, la femme et l'esclave sont des êtres de même ordre. La raison en est simple : la nature, parmi eux, n'a point fait d'être pour commander. Entre eux, il n'y a réellement union que d'un esclave et d'une esclave;

et les poëtes ne se trompent pas en disant :

Oui, le Grec au Barbare a droit de commander,

puisque la nature a voulu que Barbare et esclave ce fût tout un.

§ 6. Ces deux premières associations, du maître et de l'esclave, de l'époux et de la femme, sont les bases de la famille; et Hésiode l'a fort bien dit dans ce vers:

La maison, puis la femme, et le bœuf laboureur.

car le pauvre n'a pas d'autre esclave que le bouf. Ainsi donc l'association naturelle de tous les instants, c'est la famille; Charondas a pu dire, en parlant de ses membres, « qu'ils mangeaient à la même table» ; et Épiménide de Crète, «qu'ils se chauffaient au même foyer ».

vaillé. Il cite à l'appui de cette opinion ce passage d'Aristote, qui semble dire tout le contraire. Mesquine. Voir M. Gottling, p.384. — Oui, le Grec au Barbare. Ce vers est tiré de l'Iphigénie d'Euripide, v. 1400. Voir aussi le Politique de Platon, p. 346, trad. de M. Cousin. § 6. Hésiode. Ce vers est tiré d'Hésiode, les Euvres et les Jours, v. 403 dans les éditions ordinaires, et 376 dans celle de Brunck. Charondas de Catane en Sicile, législateur de Thurium vers la

[blocks in formation]

§ 7. L'association première de plusieurs familles, mais formée en vue de rapports qui ne sont plus quotidiens, c'est le village, qu'on pourrait bien justement nommer une colonie naturelle de la famille; car les individus qui composent le village ont, comme s'expriment d'autres auteurs, « sucé le lait de la famille » ; ce sont ses enfants et « les enfants de ses enfants ». Si

les premiers États ont été soumis à des rois, et si les grandes nations le sont encore aujourd'hui, c'est que ces États s'étaient formés d'éléments habitués à l'autorité royale, puisque dans la famille le plus âgé est un véritable roi; et les colonies de la famille ont filialement suivi l'exemple qui leur était donné. Homère a donc pu dire:

Chacun à part gouverne en maître

Ses femmes et ses fils.

Dans l'origine, en effet, toutes les familles isolées se gouvernaient ainsi. De là encore cette opinion commune qui soumet les dieux à un roi; car tous les peuples ont eux-mêmes jadis reconnu ou reconnaissent encore l'autorité royale, et les hommes n'ont jamais manqué de donner leurs habitudes aux dieux, de même qu'ils les représentent à leur image.

[merged small][merged small][ocr errors][merged small]

§ 8. L'association de plusieurs villages forme un État complet, arrivé, l'on peut dire, à ce point de se suffire absolument à lui-même, né d'abord des besoins de la vie, et subsistant parce qu'il les satisfait

tous.

Ainsi l'État vient toujours de la nature, aussi bien que les premières associations, dont il est la fin dernière; car la nature de chaque chose est précisément sa fin; et ce qu'est chacun des êtres quand il est parvenu à son entier développement, on dit que c'est là sa nature propre, qu'il s'agisse d'un homme, d'un cheval, ou d'une famille. On peut ajouter que cette destination et cette fin des êtres est pour eux le premier des biens; et se suffire à soi-même est à la fois un but et un bonheur. §9. De là cette conclusion évidente, que l'État est un fait de nature, que naturellement l'homme est un être sociable, et que celui qui reste sauvage par organisation, et non par l'effet du hasard, est certainement, ou un être dégradé, ou un être supérieur à l'espèce humaine. C'est bien à lui qu'on pourrait adresser ce reproche d'Homère :

Sans famille, sans lois, sans foyer....

L'homme qui serait par nature tel que celui du poëte ne respirerait que la guerre; car il serait alors incapable de toute union, comme les oiseaux de proie.

§ 10. Si l'homme est infiniment plus sociable que les abeilles et tous les autres animaux qui vivent en troupe,

§ 8. Un Etat, littéralement « une établir son grand principe que la cité». Voir plus haut, § 1. peur est l'origine de la société. Homère, Iliade, chant IX, vers 63. § 10. Les abeilles. Hobbes s'est donné beaucoup de peine pour

§ 9. Un être sociable. Hobbes (Libertas, cap. 1, § 2) blâme cette expression d'Aristote, et cherche à

« ZurückWeiter »