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blable domination. § 4. Nous croyons en avoir assez dit sur la tyrannie, sur le nombre de ses formes, et les causes qui l'amènent.

CHAPITRE IX.

Suite de la théorie de la république proprement dite; excellence politique de la classe moyenne; diverses qualités sociales qu'elle seule présente; elle est la véritable base de la république. Rareté excessive de cette forme de gouvernement.

§ 1. Quelle est la meilleure constitution? Quelle est la meilleure organisation de la vie pour les États en général, et pour la majorité des hommes, sans parler ni de cette vertu qui dépasse les forces ordinaires de l'humanité, ni d'une instruction qui exige les dispositions naturelles et les circonstances les plus heureuses; sans parler non plus d'une constitution idéale, mais en se bornant, pour les individus, à cette vie que la plupart peuvent mener, et pour les États, à ce genre de constitution qu'ils peuvent presque tous recevoir? § 2. Les aristocraties vulgaires dont nous voulons parler ici, ou sont en dehors des conditions de la plupart des États existants, ou se rapprochent de ce qu'on nomme la république. Nous examinerons donc ces aristocraties après la république, comme si elles ne formaient qu'un seul et même genre; les éléments de notre jugement sur toutes deux sont parfaitement identiques.

Si nous avons eu raison de dire, dans la Morale, que le bonheur consiste dans l'exercice facile et permanent de la vertu, et que la vertu n'est qu'un milieu entre deux extrêmes, il s'ensuit nécessairement que la vie la plus sage sera celle qui se maintient dans ce milieu, en se contentant toujours de cette position moyenne que chacun est capable d'atteindre.

§ 3. C'est évidemment d'après les mêmes principes qu'on pourra juger de l'excellence ou des vices de l'État ou de la constitution; car la constitution est la vie même de l'État. Or, tout État renferme trois classes distinctes, les citoyens très-riches, les citoyens trèspauvres et les citoyens aisés, dont la position tient le milieu entre ces deux extrêmes. Puis donc que l'on convient que la modération et le milieu en toutes choses sont ce qu'il y a de mieux, il s'ensuit évidemment qu'en fait de fortunes, la moyenne propriété sera aussi la plus convenable de toutes. § 4. Elle sait en effet se plier plus aisément que toute autre aux ordres de la raison, qu'on écoute si difficilement quand on jouit de quelque avantage extraordinaire, en beauté, en force, en naissance, en richesse; ou quand on souffre de quelque infériorité excessive, de pauvreté, de faiblesse et d'obscurité. Dans le premier cas, l'orgueil

§ 3. Dans la Morale. Voir plus haut la même théorie, au commencement du IVe (7) livre. Le passage auquel Aristote se réfère est dans la Morale à Nicomaque, liv. II, ch. vi, § 7, p. 36 de ma traduction.

§ 4. Elle sait en effet. Il faut bien remarquer que dans cette

discussion sur la classe moyenne, Aristote vante surtout ses vertus d'obéissance; et il a parfaitement raison. Quant aux vertus de commandement, qui sont tout autrement précieuses, elles sont aussi tout autrement rares que les premières. Voir Jean-Jacques Rousseau, Contrat social, liv. II, ch. XI.

que donne une position si brillante pousse les hommes aux grands attentats; dans le second, la perversité se tourne aux délits particuliers; et les crimes ne se commettent jamais que par orgueil ou par perversité. Négligentes de leurs devoirs politiques dans le sein de la ville ou au sénat, les deux classes extrêmes sont également dangereuses pour la cité.

§ 5. Il faut dire encore qu'avec cette excessive supériorité que donnent l'influence de la richesse, un nombreux parti, ou tel autre avantage, l'homme ne veut ni ne sait obéir. Dès l'enfance, il contracte cette indiscipline dans la maison paternelle; et le luxe dont on l'a constamment entouré ne lui permet pas d'obéir, même à l'école. D'autre part, une extrême indigence ne dégrade pas moins. Ainsi, la pauvreté empêche de savoir commander, et elle n'apprend à obéir qu'en esclave; l'extrême opulence empêche l'homme de se soumettre à une autorité quelconque, et ne lui enseigne qu'à commander avec tout le despotisme d'un maître. § 6. On ne voit alors dans l'État que maîtres et esclaves, et pas un seul homme libre. Ici jalousie envieuse, là vanité méprisante, si loin l'une et l'autre de cette fraternité sociale qui est la suite de la bienveillance. Et qui voudrait d'un ennemi à ses côtés, même pour un instant de route? Ce qu'il faut surtout à la cité, ce sont des êtres égaux et semblables, qualités qui se trouvent avant tout dans les situations moyennes ; et

§ 6. Ce sont des êtres égaux. Ce principe qu'Aristote a répété dans tout le cours de son ouvrage, suffirait seul pour repousser les accusations dont il a été l'objet. Un

partisan de la tyrannie ou de la monarchie absolue ne réclamerait pas l'égalité comme base nécessaire de l'État. Voir la préface, et liv. III, ch. viii.

l'État est nécessairement mieux gouverné quand il se compose de ces éléments, qui en forment, selon nous, la base naturelle. § 7. Ces positions moyennes sont aussi les plus sûres pour les individus : ils ne convoitent point alors, comme les pauvres, la fortune d'autrui; et leur fortune n'est point convoitée par autrui, comme celle des riches l'est ordinairement par l'indigence. On vit ainsi loin de tout danger, dans une sécurité profonde, sans former ni craindre de conspiration. Aussi le vœu de Phocylide était-il bien sage:

Une aisance modeste est l'objet de mes vœux.

§ 8. Il est évident que l'association politique est surtout la meilleure, quand elle est formée par des citoyens de fortune moyenne; les États bien administrés sont ceux où la classe moyenne est plus nombreuse et plus puissante que les deux autres réunies, ou du moins que chacune d'elles séparément. En se rangeant de l'un ou de l'autre côté, elle rétablit l'équilibre et empêche qu'aucune prépondérance excessive ne se forme. C'est donc un grand bonheur que les citoyens aient une fortune médiocre, mais suffisant à tous leurs besoins. Partout où la fortune extrême est à côté de l'extrême indigence, ces deux excès amènent ou la démagogie absolue, ou l'oligarchie pure, ou la tyrannie; la tyrannie sort du sein d'une démagogie effrénée, ou

§ 7. Les plus sûres. Dans le récit mique, était contemporain de Sod'Er l'Arménien, l'âme d'Ulysse lon. Il nous reste sous son nom aux enfers choisit la vie tranquille un recueil de sentences en vers; d'un simple particulier, Républi- mais on doute que ce recueil soit que de Platon liv. X, page 292, tra- authentique. Phocylide est un des duction de M. V. Cousin. plus anciens moralistes de la Grèce, Phocylide, de Milet, poëte gno- si ce n'est même le plus ancien.

d'une oligarchie extrême, bien plus souvent que du sein des classes moyennes, et des classes voisines de celles-là. Plus tard, nous dirons pourquoi, quand nous parlerons des révolutions.

§ 9. Un autre avantage non moins évident de la moyenne propriété, c'est qu'elle est la seule qui ne s'insurge jamais. Là où les fortunes aisées sont nombreuses, il y a bien moins de mouvements et de dissensions révolutionnaires. Les grandes cités ne doivent leur tranquillité qu'à la présence des fortunes moyennes, qui y sont si nombreuses. Dans les petites, au contraire, la masse entière se divise très-facilement en deux camps sans aucun intermédiaire, parce que tous, on peut dire, y sont ou pauvres ou riches. C'est aussi la moyenne propriété qui rend les démocraties plus tranquilles et plus durables que les oligarchies, où elle est moins répandue, et a moins de part au pouvoir politique, parce que le nombre des pauvres venant à s'accroître, sans que celui des fortunes moyennes s'accroisse proportionnellement, l'État se corrompt et arrive rapidement à sa ruine.

§ 10. Il faut ajouter encore, comme une sorte de preuve à l'appui de ces principes, que les bons législateurs sont sortis de la classe moyenne. Solon en faisait partie, ainsi que ses vers l'attestent; Lycurgue appar tenait à cette classe, car il n'était pas roi. Charondas et tant d'autres y étaient nés comme eux.

§ 8. Plus tard. Voir le VIIIe sont en général le foyer des révo(5) livre, ch. 1 et suiv. lutions.

§ 9. Les grandes cités. On pourrait dire que de nos jours c'est tout le contraire les capitales

§ 10. Lycurgue. On peut contester cette assertion d'Aristote. Lycurgue, sans être roi, appartenait

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