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serviles, et on les confie à des esclaves, quand l'État est assez riche pour les payer. D'une manière générale, les seules véritables magistratures sont les fonctions qui donnent le droit de délibérer sur certains objets, de décider et d'ordonner. J'appuie surtout sur cette dernière condition; car ordonner est le caractère réellement distinctif de l'autorité. Ceci d'ailleurs n'importe pour ainsi dire en rien dans l'usage ordinaire; on n'a jamais disputé sur la dénomination des magistrats, et c'est un point de controverse purement théorique.

§ 4. Quelles sont les magistratures essentielles à l'existence de la cité? Quel en est le nombre? Quelles sont les magistratures qui, sans être indispensables, contribuent cependant à une bonne organisation de l'État? Voilà des questions qu'on peut s'adresser à l'égard d'un État quelconque, quelque petit d'ailleurs qu'il puisse être. Dans les grands États, chaque magistrature peut et doit avoir des attributions qui lui sont toutes spéciales. La multitude des citoyens permet de multiplier les fonctionnaires. Dès lors, certains emplois ne sont obtenus par le même individu qu'à de longs intervalles, et quelques-uns ne le sont même jamais qu'une seule fois. On ne peut nier que chaque emploi ne soit bien mieux rempli, quand la sollicitude du magistrat est ainsi limitée à un seul objet, au lieu de s'étendre à une foule d'objets divers. § 5. Dans les petits États, au contraire, il faut concentrer bien des attributions diverses dans quelques mains; les citoyens sont trop rares pour que le corps des magistrats puisse être nombreux. Où trouver en effet des remplaçants? Les petits États ont souvent besoin des mêmes magistra

tures, des mêmes lois que les grands; seulement, dans les uns, les fonctions reviennent fréquemment aux mêmes mains; dans les autres, cette nécessité ne se reproduit que de loin à loin. Mais rien n'empêche de confier à un même homme plusieurs fonctions à la fois, pourvu que ces fonctions ne se contrarient point entre elles. La pénurie des citoyens force nécessairement à multiplier les attributions des emplois; et l'on peut alors comparer les emplois publics à ces instruments à plusieurs fins, qui servent en même temps de lances et de flambeaux.

§ 6. Nous pourrions d'abord déterminer le nombre des emplois indispensables dans tout État, et de ceux qui, sans être aussi absolument nécessaires, lui font cependant besoin. En partant de cette donnée, il serait facile de découvrir quels sont ceux que l'on peut réunir sans danger en une seule main. Il faudrait distinguer encore avec soin ceux dont un même magistrat peut être chargé suivant les localités, et ceux qui pourraient être, en tous lieux, réunis sans inconvénient. Ainsi, en fait de police urbaine, est-il nécessaire d'établir un magistrat spécial pour la surveillance du marché public, un autre magistrat pour tel autre lieu? Ou bien ne faut-il qu'un magistrat unique pour la cité entière? La division des attributions doit-elle se régler sur les choses ou sur les personnes? Je veux

§ 5. Ces instruments à plusieurs fins. C'étaient apparemment des lances au bout desquelles pouvait s'adapter une lanterne. Aristote se sert encore de ce mot, Des

Parties des Animaux, livre IV,

ch. vi, p. 683, a, 25, éd. de Berlin. Voir l'Onom. de J. Pollux, liv. X, ch. cxvIII; et plus haut, liv. I, ch. 1, § 5. J'ai dú paraphraser un peu le texte, afin de le rendre parfaitement clair.

dire faut-il qu'un fonctionnaire, par exemple, soit chargé de toute la police urbaine, et un autre de la surveillance des femmes et des enfants?

§ 7. En envisageant la question par rapport à la constitution, on peut demander si, dans chaque système politique, l'espèce des fonctions est différente, ou si elle reste partout identique. Ainsi, dans la démocratie, dans l'oligarchie, l'aristocratie, la monarchie, les hautes magistratures sont-elles les mêmes, bien qu'elles ne soient pas confiées à des individus égaux ni même à des individus semblables? Mais ne varient-elles pas avec les divers gouvernements? Dans l'aristocratie, par exemple, ne sont-elles pas remises aux gens éclairés? dans l'oligarchie, aux gens riches, et dans la démocratie, aux hommes libres? Quelques-unes des magistratures ne doivent-elles pas être organisées sur ces bases diverses? Ou bien, n'est-il pas des cas où il est bon qu'elles soient les mêmes de part et d'autre? N'en est-il pas où il est bon qu'elles soient différentes? Ne convient-il pas qu'avec les mêmes attributions, leur pouvoir soit tantôt restreint et tantôt fort étendu?

§ 8. Il est certain que quelques magistratures sont exclusivement spéciales à un système : telle est celle de commissions préparatoires, si contraires à la démocratie, qui exige un sénat. Il n'est pas moins sûr qu'il faut des fonctionnaires analogues chargés de préparer les délibérations du peuple, afin d'épargner son temps. Mais si ces fonctionnaires sont en petit nombre, l'ins

§ 8. De commissions prépara- à Athènes, la première année de toires. Aristote veut sans doute ici la xc olympiade, l'an 411 avant rappeler les Rapporteurs établis J.-C. Ce fut après la défaite de par l'oligarchie des Quatre-Cents Sicile.

titution est oligarchique; et comme des commissaires ne peuvent jamais être fort nombreux, l'institution appartient essentiellement à l'oligarchie. Mais partout où il existe simultanément un comité et un sénat, le pouvoir des commissaires est toujours au-dessus de celui des sénateurs. Le sénat est de principe démocratique; le comité, de principe oligarchique. Le pouvoir du sénat est encore annulé dans les démocraties où le peuple s'assemble en masse, pour décider lui-même de toutes les affaires. § 9. Le peuple prend ordinairement ce soin quand il est riche, ou bien quand une indemnité rétribue sa présence à l'assemblé générale; alors, grâce au loisir dont il jouit, il se réunit fréquemment et juge de tout par lui-même. La pédonomie, la gynéconomie, ou toute autre magistrature spécialement chargée de surveiller la conduite des enfants et des femmes, est d'institution aristocratique, et n'a rien de populaire. Comment, en effet, défendre aux femmes pauvres de se montrer hors de leur maison? Elle n'a rien non plus d'oligarchique; car comment empêcher le luxe des femmes dans l'oligarchie?

§ 10. Du reste, je ne pousserai pas plus loin ces considérations. Mais nous essayerons maintenant de traiter à fond de l'établissement des magistratures.

Les différences ne peuvent porter que sur trois termes divers dont les combinaisons doivent donner tous les modes possibles d'organisation. Ce trois termes sont d'abord les électeurs, en second lieu les éligibles, enfin le mode de nomination. Ces termes peuvent se présenter tous trois sous trois aspects différents. Le droit de nommer les magistrats appartient, ou à l'universalité des citoyens, ou seulement à une classe spé

ciale. L'éligibilité est, ou le droit de tous, ou un privilége attaché, soit au cens, soit à la naissance, soit au mérite, soit à tel autre avantage. Par exemple, à Mégare, le droit était réservé à ceux qui avaient conspiré et combattu pour détruire la démocratie. Enfin le mode de nomination peut varier du sort à l'élection. § 11. D'autre part, il peut y avoir combinaison de ces modes deux à deux, et je veux dire par là que telles magistratures peuvent être nommées par une classe spéciale, en même temps que telles autres le seront par

§ 10. A Mégare, ville dorienne, entre l'Attique et l'isthme de Corinthe. Aristote parle encore de cette république et des révolutions qu'elle a subies, livre VIII (5), ch. 11, § 6, et ch. iv, § 3. Dans la Poétique, ch. III, § 4, page 14 de ma traduction, il rappelle aussi la démocratie de Mégare. L'événement auquel il fait allusion remonte à la troisième année de la LXXXIII olympiade, 446 ans avant J.-C.

§ 11. Combinaison de ces modes. Tout ce passage est d'une conception assez difficile. M. Goettling, pour l'éclaircir, a dressé un tableau dont je donnerai ici l'analyse. Il a bien saisi, selon moi, le sens de cette nomenclature semi-politique, semi-arithmétique.

Aristote reconnaît d'abord trois divisions principales. Ce sont : 1o Les électeurs; 2o Les éligibles;

3o Le mode de nomination. Chacune de ces divisions principales peut subir trois modifications:

Les électeurs peuvent être : (A) le corps entier des citoyens, (B) certaine classe privilégiée, (C) ou enfin le corps entier des citoyens pour certaines fonctions, et une classe privilégiée pour certaines autres.

Les éligibles peuvent présenter les mêmes diversités : (A′) (B′) (C′).

Le mode de nomination peut être : (A") le sort, (B) l'élection, (C) ou enfin l'élection pour certaines fonctions, et le sort pour certaines autres.

Chacune de ces modifications peut admettre quatre nuances distinctes:

Ainsi, pour les électeurs,

La première modification est que le corps entier des citoyens ait le droit d'élire. En partant de cette base, voici les quatre

nuances :

(a') Tous les citoyens étant électeurs, ils prennent les éligibles sur le corps entier des citoyens, par le choix.

(b) Id. id. id., par le sort.
(c') Tous les citoyens étant élec-

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