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des Celtes comme des Romains. En Irlande, il n'y a pas de nom commun correspondant au latin lupus. Pour désigner le loup, il faut l'appeler «< chien sauvage », cú allaid. Une trace du culte du dieu loup nous est conservée par le nom du héros et demi-dieu Cûchulainn, fils du dieu Lugus et d'une sœur du grand roi d'Ulster Conchobar. Cúchulain veut dire «< chien de Culann ». Mais dans les pièces de vers qui s'intercalent dans le récit du combat singulier du héros contre Ferdiad, celui-ci, adressant la parole à son adversaire, l'appelle simplement chien «‹ ô chien », a-chúa1, avec un a final pour le besoin de la rime, et plus exactement a-chú dans un autre endroit 2; ailleurs il le traite de «< chien de carnage », ár-chú 3.

Le quatrième rang parmi les animaux divinisés qui servirent d'enseigne aux Romains était le cheval; les Gaulois avaient, comme on sait, la déesse Epona dont le nom dérive d'epo-s « cheval ». Les monuments de cette déesse nous représentent une femme et un cheval. La femme est une addition due à l'influence de l'art grec. Epona doit être la jument divinisée.

Au cinquième rang parmi les enseignes romaines nous trouvons le sanglier, aper. Son image ornait aussi les enseignes gauloises; dans les bas-reliefs de l'arc de triomphe d'Orange on la voit figurer parmi les dépouilles enlevées aux Gaulois vaincus. Alexandre Bertrand et M. Salomon Reinach ont signalé quelques autres exemples de l'enseigne gauloise du sanglier 5.

1. Livre de Leinster, p. 83, col. 2, l. 27; cf. O'Curry, On the Manners and Customs of the ancient Irish, t. III, p. 430.

2. Livre de Leinster, p. 87, col. 1, 1. 41; cf. O'Curry, On the Manners, t. III, p. 450.

3. Livre de Leinster, p. 87, col. 2, l. 11; cf. O'Curry, On the Manners, t. III, p. 452.

4. Sur Epona, voir Salomon Reinach, dans la Revue archéologique, t. XXVI, p. 163-195; 309-335.

5. Cf. Alexandre Bertrand, Archéologie cellique et gauloise, p. 419; Salomon Reinach, Antiquités nationales. Description raisonnée du Musée

Le premier des animaux qui figuraient sur les enseignes romaines était l'aigle; il n'est pas question de lui parmi les oiseaux divinisés chez les Celtes. Mais dans les textes irlandais on voit souvent apparaître les divinités sous forme d'oiseau. Par exemple Badb, déesse de la guerre, ordinairement invisible, s'offrait aux regards des guerriers sous forme de corneille ou de corbeau'.

Dans la grande épopée irlandaise dont le titre est Táin bó Cúailnge, la déesse Mórrigan apparaît sous plusieurs formes successives, en dernier lieu sous forme d'oiseau2. Dans le Serglige Conculainn, la déesse Fand amoureuse du célèbre héros s'offre d'abord à lui sous forme d'oiseau3.

Il y a un animal dont les images n'ont pas été placées sur les enseignes romaines et qui a été élevé au rang divin dans le monde celtique. C'est l'ours. De cet animal il y a en irlandais ancien deux noms l'un est art, identique au grec pxos et au gallois artharto-s, ours. L'autre est math au génitif matho, qui suppose un thème primitif

matu-.

Art en vieil irlandais était arrivé à être un synonyme de día « dieu ». On disait d'Eochaid, prince irlandais du Ie siècle après J.-C., qu'il était beau comme art, c'est-àdire «< comme ours »; cela signifiait qu'il était beau comme un dieu. Quand le héros Cúchulainn fut tué, il n'avait pas cependant cessé de vivre ; il apparut à des amis et leur dit : « Un noble art a été moissonné, romemaid art úasal. Que veut dire art dans cette phrase? Une glose nous l'apprend:

de Saint-Germain, Bronzes figurés de la Gaule romaine, p. 255, 256, 257, 269; - Répertoire de la statuaire grecque et romaine, p. 746, 747; Revue celtique, t. XXII, p. 157.

1. Hennessy, dans la Revue celtique, t. I, p. 34 et suivantes.

-

2. In deilb euin, Lebor na hUidre, p. 61, col. 2, 1. 30-31; L. Winifrid Faraday, The Castle raid of Cualnge, p. 40; H. Zimmer, dans la Zeitschrift de Kuhn, t. XXVIII, p. 450.

3. E. Windisch, Irische Texte, t. I, p. 206, l. 10; p. 207, I. 29.

art signifie día, c'est-à-dire dieu. Voilà ce qu'on lit dans le glossaire composé par Cormac, qui mourut au commencement du xe siècle1.

En Gaule, on avait divinisé la femelle de l'ours, et on l'appelait dea Artio. M. Salomon Reinach a étudié dans le tome XXI de la Revue celtique un groupe en bronze, trouvé en Suisse près de Berne, et qui représente un ours accompagné d'une femme; au-dessous est une inscription dédicatoire Deae Artioni. La femme est un sacrifice au goût des artistes grecs. De la dea Artio de Berne on peut rapprocher la dea And-arta de Die (Drôme) 2; And-arta est une grande ourse élevée au rang de divinité, tandis que de l'expression dea Artio on ne doit rien conclure quant à la taille de l'animal sacré. Il y a lieu, ce semble, d'expliquer par le nom Artos de l'ours divinisé les noms de lieu Arto-briga en Vindélicie, et *Arto-dunum, aujourd'hui Arthun (Loire)3; Artodunum, « forteresse du dieu Artos », peut servir de pendant à Lugu-dunum, « forteresse du dieu Lugus ».

De ces noms de lieu on peut rapprocher le nom d'homme gallois Arth-gen, « fils de l'ours », c'est-à-dire du dieu Ours. C'est le nom d'un roi gallois mort en 8075. Ce nom a été en gaulois Arto-genos ou Arti-genos; dans la Descriptio mancipiorum ecclesie Massiliensis, publiée par B. Guérard à la suite du Cartulaire de Saint-Victor de Marseille, on voit mentionnée une colonica in Artigenis: c'est un groupe de colons établi sur des fundi Artigeni, ainsi nommés à cause d'un propriétaire antique, nommé Arti-genos ou Arto

1. Whitley Stokes, Three irish Glossaries, p. 2; Sanas Chormaic Cormac's Glossary translated, p. 3, 4.

2. Holder, Altceltischer Sprachschatz, t. I, col. 227.

3. Holder, Altceltischer Sprachschatz, t. I, col. 38.

4. Arth signifie « ours « en gallois.

5. Annales Cambriae, édition donnée par John Williams ab Ithel, p. 11. Son nom est écrit Arthen dans le Bruty Tywysogyon, édition donnée par le même, p. 8, et dans celle de J. Gwenogvryn Evans, p. 258.

6. Cartulaire de Saint-Victor de Marseille, t. II, p. 641.

genos, « fils du dieu ours ». La forme irlandaise de ce nom est Artigan: d'où le nom de famille O'hArtigan, « petit-fils du fils de l'ours1».

On trouve sous l'Empire romain des éxemples du nom divin Mercurius employé comme surnom d'homme. Art dans les textes irlandais, apparaît comme nom d'homme. Il y eut en Irlande au 11o siècle un roi suprême nommé Art oenfer « Art l'unique3», Ours unique. En 825 suivant une chronique, en 827 suivant une autre, Art, fils du roi irlandais Diarmait fut décapité. De ce nom d'homme Art vient le nom de Ua hAirt, qu'on rencontre dans le Chronicon Scotorum sous les dates 1012, 1083, 10955; on dit aujourd'hui O'Hart, ce qui veut dire «< petit-fils d'ours 5». On trouve aussi Mac Airt, « fils d'ours 7 », c'est-à-dire du dieu

ours.

Passons au mot irlandais math = *matus «ours ». Ce mot, aujourd'hui inusité, doit se reconnaître dans le premier terme de math-ghamhuin « ourson » qui dans la traduction irlandaise de la Bible rend l'hébreu 27, dôb «ours ». Gamhuin, gamhain signifie <<< veau », en sorte que sens littéral de mathghamhain est « veau d'ours ». Matus <«<ours » apparaît comme premier terme dans les noms d'homme gaulois Matu-genos, « fils d'ours », c'est-à-dire

p. 154.

le

1. Joyce, The origin and history of irish names of places, t. II, 2. C. I. L., t. XII, nos 449, 3709, 3894. 3. Echtra Condla, chez Windisch, Irische Gramatik, p. 120; The annals of Tigernach, éditées par Whitley Stokes, Revue celtique, t. XVII, p. 9, 11; Annals of the four Masters, éd. O'Donovan, t. I, p. 106, 109.

4. Annals of Ulster, éditées par William M. Hennessy, t. I, p. 322; Chronicon Scotorum, édité par le même, p. 134; cf. Annals of the four Masters, édités par O'Donovan, t. I, p. 436, où cet événement est mis en 824. 5. Édition Hennessy, p. 254, 296, 304.

6. P. W. Joyce, The origin and history of irish names of places, t. II, p. 154.

7. Annals of Tigernach, publiées par Whitley Stokes. Revue celtique, t. XVII, p. 419.

8. Voir par exemple Samuel, 1. I, ch. XVII, verset 34.

« du dieu ours 1 »>, Matu-marus « grand comme un ours »>, c'est-à-dire comme le dieu ours 2. Le dieu gaulois Matunus 3 porte un nom dérivé du thème matu. Matunus, forme latinisée du celtique Matūnos, avait une variante *Matŭnnos qui a fourni le second terme du nom gallo-romain de Langres Ande-matunnum. *Andematunnos aurait signifié << grand ours »; Ande-matunnum est la forteresse du grand ours divinisé. On peut comparer Ande-camuium « forteresse du grand dieu Camulos », d'où Andecamulenses, les. habitants de Rançon (Haute-Vienne) 5. Quant à Matu-genos, << fils du dieu ours », son second terme est identique à celui de Camulo-genus, « fils du dieu Camulos », nom d'un chef des Aulerci Eburouices que Jules César vainquit et qui fut une des si nombreuses victimes de la guerre impitoyable où succomba l'indépendance gauloise". Il y a un nom propre irlandais qui exprime la même idée que le gaulois Matu-genos, c'est Mac-Mathghamhna aujourd'hui écrit avec orthographe anglaise Mac Mahon, nom de famille très répandu et qui se trouve pour la première fois dans les Annales des quatre Maîtres en 12837. Ce nom veut dire «< fils d'ourson ». On voit apparaître dès le x1o siècle le nom de Ua Mathghamhna porté par un roi d'Ulster tué vers l'an 10628; on écrit aujourd'hui O'Mahony, et c'est un nom de famille dont les exemples sont nombreux; il veut dire « petit-fils d'ourson ». Naturellement en Irlande certains hommes ont reçu le nom du dieu ourson comme d'autres aujourd'hui portent par exemple le nom du patriarche

1. Holder, Altceltischer Sprachschatz, t. II, col. 480.

2. Ibid., t. II, col. 481. 3. Ibid., t. II, col. 482.

4. Ibid., t. I, col. 144.

5. Ibid., t. I, col. 139.

6. De bello Gallico, VII, 57, 59, 62.

7. Édition d'O'Donovan, t. III, p. 438.

8. Annales de Tigernach, éditées par Whitley Stokes dans Revue celtique, t. XVII, p. 405; Annales d'Ulster, éditées par B. Mac Carthy, t. II, p. 14; William M. Hennessy, Chronicon Scotorum, p. 287.

1904.

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