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Si, moins heureux ou trop tard fage, je m'étois vû réduit à finir en d'autres Climats une infir me & languiffante carrière, regrettant inutilement le repos & la Paix dont une jeuneffe imprudente m'auroit privé; j'aurois du moins nourri dans mon ame ces mêmes sentimens dont je n'aurois pû faire ufage dans mon païs, & pénètré d'une affection tendre & defintéreffée pour mes Concitoyens éloignés, je leur aurois addreffé du fond de mon cœur

à peu près le difcours fuivant. Mes chers Concitoyens ou plutôt mes frères, puisque les liens du fang ainsi que les Loix nous uniffent presque tous, il m'est doux de ne pouvoir penser à vous, fans penser en même tems à tous les biens dont vous jouiffés & dont nul de vous peut-être ne sent mieux le prix que moi qui les ai perdus. Plus je réfléchis fur votre fituation Politique & Civile, &: moins je puis imaginer que la nature des chofes humaines puiffe en

com

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comporter une meilleure. Dans tous les autres Gouvernemens quand il eft question d'affurer le plus grand bien de l'Etat, tout fe borne toujours à des projets en idées, & tout au plus à de fimples poffibilités. Pour vous, vôtre bonheur est tout fait, il ne faut qu'en jouir, & vous n'avez plus befoin pour devenir parfaitement heureux, que de favoir vous contenter de l'être. Vôtre Souveraineté acquife ou recouvrée à la pointe de l'épée, & confervée durant deux fié

cles

cles à force de valeur & de fagef fe, eft enfin pleinement & univerfellement reconnuë. Des Traittés honorables fixent vos limites, affurent vos droits, & affermiflent vôtre repos. Vôtre constitution eft excellente, dictée par la plus fublime raifon, & garantie par des Puiffances amies & refpectables; vôtre état est tranquille, vous n'avez ni guerres ni conquerans à craindre; vous n'avez point d'au tres maîtres que de fages loix que vous avez faites, adminiftrées par

des

des Magiftrats intégres qui font de vôtre choix; vous n'êtes ni affez

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riches pour vous énerver par la moleffe & perdre dans de vaines delices le goût du vrai bonheur & des folides vertus, ni affez pauvres pour avoir besoin de plus de fecours étrangers que ne vous en procure vôtre induftrie; & cette liberté précieufe qu'on ne maintient chez les grandes Nations qu'avec des Impots exhorbitans, ne vous coute presque rien à conferver.

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